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L'Art Romanesque dans 

Les Récits du Coran 





(Essai d'études stylistiques des récits coraniques) 

Dr Mahmûd Al-BOSTANI

  Édité et traduit par Abbas Ahmad Al-BOSTANI  

Publication de la Cité du Savoir  

Titre original (arabe): 

"Dirâsât fanniyyah Fî Qiçaç al-Qor'ân" Éditeur: Abbas Ahmad Al-Bostani 

Cité du Savoir  

C. P. 712, Succ. (B)  

Montréal, Québec, H3B 3K3 

Canada  

Site Web : www.bostani.com

  E-mail : abbas@bostani.com  

Première édition: Juillet 2000 Copyrights: Tous droits réservés à l'éditeur ISBN: 2-9804196-6-4




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Table des Matières

Sourate (40):Le Croyant (Al-Mo'min) 

Le Récit du Croyant des Gens de Pharaon 5 

A- La Sourate 5  

B- Le Récit 17  

Sourate (55):Le Miséricordieux (Al-Rahmân)

  

Le Récit des Quatre Paradis

  A- La Sourate 60  

B-Le Récit 66 

Sourate (56): L'Echéant (Al-Wâqi'ah) 

I- Le Récit des Premiers Arrivés

  II- Le Récit des Gens de la Droite 97

  A- La Sourate 97 

B- Les Récits 103

  I- Le Récit des Premiers Arrivés 103

  II- Le Récit des "Gens de la Droite" 122 Sourate (68): Al-Qalam Le Récit des Gens du Verger 129 

A- La Sourate 129  

B- Le Récit 132

  Sourate (71): Noé Le Récit de Noé 148 

A- La Sourate 148 

B- Récit 152 

Sourate (72): Al-Djinn Le Récit de l'Islam des Djinns 169 

A- La Sourate 169 

Les circonstances de la Révélation 172

  B- Le Récit 174 

Sourate (76): L'Homme Le Récit des Pieux 191 

A- La Sourate 191

  B- Le Récit 195 


Sourate (105): L'Éléphant

  Sourate (106): Les Quraych

  Le Récit des Gens de l'Éléphant 227

  A- Les Sourates 227 

Sourate l'Eléphant 227 

Sourate les Quraych 227

  B-Le récit 229 





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  Sourate (40): Le Croyant (Al-Mo'min)

  Le Récit du Croyant des Gens de Pharaon

A- La Sourate 

Au Nom d'Allah, le Clément, le Miséricordieux


1 Ha. Mîm.  

2 La Révélation du Livre vient de Dieu, le Tout-Puissant, celui qui sait; 

3 celui qui pardonne le péché; celui qui accueille le repentir; celui qui est redoutable dans son châtiment; celui qui est plein de longanimité. Il n'y a de Dieu que Lui! Vers Lui sera le retour. 

4 Seuls, les incrédules discutent les Signes de Dieu. Que leur agitation dans ce pays ne te trouble pas!  

5 Avant eux, le peuple de Noé et les factieux ensuite, ont crié au mensonge. Les membres de chaque communauté avaient conçu le dessein de s'emparer de leurs prophètes respectifs. Ils ont usé d'arguments faux pour rejeter la Vérité. Je les ai donc saisis. Quel fut alors Mon châtiment!  

6 Voilà comment se réalise la Parole de ton Seigneur contre les incrédules: ils seront les hôtes du Feu.

  7 Ceux qui portent le Trône et ceux qui se tiennent autour célèbrent les louanges de leur Seigneur. Ils croient en Lui, ils implorent Son pardon pour les croyants: «Notre Seigneur! Tu embrasses toute chose en Ta Miséricorde et en Ta Science: pardonne à ceux qui reviennent repentants vers Toi; à ceux qui suivent Ton chemin! Épargne-leur le châtiment de la Fournaise! 

8 Notre Seigneur! Introduis-les dans ces Jardins d'Éden que Tu leur as promis, ainsi qu'à ceux de leurs pères, de leurs épouses et de leurs descendants qui sont justes. Tu es le Tout-Puissant, le Sage!

  9 Celui que Tu préserves aujourd'hui des mauvaises actions bénéficie de Ta Miséricorde: Voilà le bonheur sans limites!»

  10 On criera aux incrédules: «La haine de Dieu envers vous est plus grande que votre haine envers vous-mêmes, quand vous restiez incrédules alors que vous étiez appelés à la foi». 

11 Ils diront: «Notre Seigneur! Tu nous as fait mourir deux fois et deux fois Tu nous as fait revivre. Nous reconnaissons nos péchés; existe-t-il un chemin pour sortir d'ici?».  

12 Il en est ainsi, parce que vous êtes restés incrédules lorsque Dieu, l'Unique, était invoqué; mais si des associés Lui sont donnés, vous croyez en eux. -Le Jugement appartient à Dieu, le Très-Haut, le Très-Grand!-  

13 C'est Lui qui vous montre Ses Signes et qui fait descendre du ciel de quoi pourvoir à vos besoins. Seul se souvient de Lui celui qui revient repentant vers Lui.  

14 Invoquez Dieu en Lui rendant un culte pur en dépit des incrédules.  

15 IL est celui qui est élevé aux degrés les plus hauts. Le Trône Lui appartient. L'Esprit qui provient de Son Commandement, IL le lance sur qui IL veut parmi Ses serviteurs avec la mission d'avertir les hommes du Jour de la Rencontre,  

16 du Jour où ils comparaîtront. - Rien de ce qui les concerne ne sera caché pour Dieu - «À qui donc la Royauté appartiendra-t-elle en ce Jour ? - À Dieu, l'Unique, le Dominateur .

17 Tout homme, ce Jour-là, sera rétribué pour ce qu'il aura accompli. Nulle injustice ne subsistera ce Jour-là: Dieu est prompt dans Ses comptes.

  18 Avertis-les du Jour qui approche: Les coeurs seront angoissés jusqu'à serrer les gorges; les injustes ne trouveront aucun ami zélé, aucun intercesseur susceptible d'être écouté. 


19 Dieu connaît la perfidie des regards et ce qui est caché dans les coeurs.  

20 Dieu juge en toute Justice, tandis que ceux qu'ils invoquent en dehors de Lui, ne jugent rien. - Dieu est celui qui entend et qui voit parfaitement - 

21 Ne parcourent-ils pas la terre? Ne voient-ils pas quelle a été la fin de ceux qui vécurent avant eux? Ceux-ci étaient plus redoutables qu'eux par la force, et par les traces qu'ils ont laissées sur la terre. Dieu, cependant, les a saisis à cause de leurs péchés, et ils n'ont pas trouvé de protecteur contre Dieu.  

22 Il en est ainsi, parce qu'ils sont restés incrédules, lorsque leurs prophètes leur ont apporté des preuves décisives. Dieu les a donc saisis: IL est Fort et Redoutable dans Son châtiment!  

23 Nous avons envoyé Moïse avec Nos Signes et un pouvoir incontestable

  24 à Pharaon, à Haman et à Coré. Ils disent: «C'est un sorcier, un imposteur».

  25 Mais quand il leur apporta la Vérité émanant de Nous, ils dirent: «Tuez les fils de ceux qui croient comme lui, et laissez vivre leurs filles». - La ruse des incrédules ne fait que les égarer -  

26 Pharaon dit: «Laissez-moi tuer Moïse! Qu'il invoque donc son Seigneur! Je crains qu'il n'altère votre religion et qu'il ne sème la corruption sur la terre».  

27 Moïse dit: «Je cherche la protection de mon Seigneur et votre Seigneur contre tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugement».  

28 Un homme croyant, qui appartenait au peuple de Pharaon et qui cachait sa foi, dit: «Tuerezvous un homme parce qu'il a dit: "Mon Seigneur est Dieu!" alors qu'il vous a apporté des preuves évidentes de la part de votre Seigneur? S'il est menteur, son mensonge retombera sur lui; s'il dit la vérité, ce dont il vous menace vous atteindra. - Dieu ne dirige pas celui qui est pervers et menteur - 

29 Ô mon peuple! La royauté vous appartient aujourd'hui et vous triomphez sur la terre; mais qui donc nous délivrera de la rigueur de Dieu quand elle nous atteindra?» Pharaon dit: «Je ne vous montre que ce que j'ai vu moi-même. Je ne vous dirige que sur le chemin de la rectitude».  

30 Celui qui était croyant dit: «Ô mon peuple! Oui, je crains pour vous un jour semblable à celui des factieux;

  31 un sort semblable à celui du peuple de Noé, des 'Ad, des Thamoud et de ceux qui vécurent après eux. - Dieu ne tolère pas l'injustice envers ses serviteurs! - 


32 Ô mon peuple! Oui, je crains pour vous le Jour où les hommes s'interpelleront les uns les autres;  

33 le Jour où vous vous détournerez. Vous ne trouverez, alors, aucun défenseur contre Dieu. Personne ne dirige celui que Dieu égare». 

34 Joseph leur avait autrefois apporté des preuves décisives; vous n'avez pas cessé d'en douter; mais, lorsqu'il eut disparu, vous avez dit: «Dieu n'enverra plus jamais de prophète après lui». - Dieu égare celui qui est pervers et celui qui doute -  

35 Ceux qui discutent au sujet des Signes de Dieu sans en avoir reçu mandat, provoquent la grande haine de Dieu et des croyants. - Dieu met un sceau sur le coeur de tout tyran orgueilleux - 

36 Pharaon dit: «Ô Haman! Construis-moi une tour pour que j'atteigne les cordes,  

37 les cordes célestes et je monterai vers le Dieu de Moïse. Je pense que celui-ci est menteur!». Ainsi, la mauvaise action de Pharaon a été revêtue, à ses propres yeux, d'apparences trompeuses. Il fut écarté du chemin droit; mais la ruse de Pharaon a été anéantie.  

38 Celui qui était croyant dit: «Ô mon peuple! Suivez-moi! Je vous dirigerai sur le chemin de la rectitude.  

39 Ô mon peuple! La vie de ce monde n'est qu'une jouissance éphémère. La vie future est la demeure de la stabilité.  

40 Celui qui commet une mauvaise action ne sera rétribué que par un mal équivalent. Quiconque, homme ou femme, fait le bien en étant croyant ... Voilà ceux qui entreront au Paradis où ils recevront de tout à profusion. 

41 Ô mon peuple! Pourquoi vous appellerais-je au salut, alors que vous m'appelez au Feu ?  

42 Vous m'appelez à l'incrédulité envers Dieu, au polythéisme dont je n'ai aucune connaissance, mais moi, je vous appelle auprès du Tout-Puissant, auprès de celui qui ne cesse de pardonner.  

43 Celui auprès duquel vous m'appelez ne peut, sans aucun doute, être invoqué ni en ce monde, ni dans la vie future. Oui, notre retour sera vers Dieu et les pervers deviendront les hôtes du Feu.

  44 Vous vous souviendrez de ce que je vous dis: je confie mon sort à Dieu. Dieu voit parfaitement ses serviteurs».  

45 Dieu préserva ce croyant de leurs méchantes ruses, et les gens de Pharaon, IL les enveloppa du châtiment le plus dur: 


46 le Feu. Ils y seront exposés, matin et soir, et l'on dira, le Jour où se dressera l'Heure: «Introduisez les gens de Pharaon au sein du châtiment le plus dur».  

47 Lorsqu'ils se disputeront dans le Feu, les faibles diront aux orgueilleux: «Nous vous avons suivis; pouvez-vous, maintenant, nous préserver d'une partie de ce Feu?»

  48 Les orgueilleux diront: «Nous y sommes plongés». - Dieu juge Ses serviteurs -  

49 Ceux qui seront dans le Feu diront aux gardiens de la Géhenne: «Priez votre Seigneur de diminuer d'un jour notre châtiment». 

50 Les gardiens diront: «Vos Prophètes ne vous ont-ils pas apporté des preuves décisives?» Ils répondront: «Oui, ils sont venus!» Les gardiens diront: «Invoquez Dieu!» mais la prière des incrédules n'est qu'aberration!  

51 Nous secourrons nos prophètes et ceux qui auront cru durant leur vie en ce monde, comme le Jour où les témoins se dresseront:  

52 le Jour où les excuses présentées par les injustes leur seront inutiles. Ils seront alors maudits. La pire des demeures leur est destinée. 

53 Nous avons donné la Direction à Moise; Nous avons donné en héritage aux fils d'Israël le Livre

  54 comme une Direction et un Rappel adressés aux hommes doués d'intelligence. 

55 Sois constant! La promesse de Dieu est vraie. Demande pardon pour ton péché. Célèbre, soir et matin, les louanges de ton Seigneur!  

56 Ceux qui discutent au sujet des Signes de Dieu sans en avoir reçu mandat, n'ont que de l'orgueil dans leurs coeurs; ils n'atteindront pas leur but. Cherche la Protection de Dieu; IL est celui qui entend et qui voit tout. 

57 La Création des cieux et de la terre est quelque chose de plus grand que la création des hommes: mais la plupart d'entre eux ne savent pas.  

58 L'aveugle et celui qui voit clair ne sont pas égaux. Ceux qui croient et qui accomplissent des oeuvres bonnes ne peuvent être comparés à celui qui fait le mal. - Petit est le nombre de ceux qui réfléchissent -  

59 Oui, sans aucun doute, l'Heure approche; mais la plupart des hommes sont incrédules.  

60 Votre Seigneur a dit: «Invoquez-moi et Je vous exaucerai. Ceux qui, par orgueil, refusent de m'adorer entreront bientôt, humiliés, dans la Géhenne».

  

61 C'est Dieu qui a disposé pour vous la nuit afin que vous vous reposiez, et le jour, pour vous permettre de voir clair. Dieu est le Maître de la grâce envers les hommes; mais la plupart d'entre eux ne sont pas reconnaissants. 

62 Tel est Dieu, votre Seigneur, le Créateur de toute chose. Il n'y a de Dieu que Lui. - Comme vous êtes stupides! -

  63 C'est ainsi que se détournent ceux qui nient les Signes de Dieu.  

64 Dieu est celui qui a établi pour vous la terre comme une demeure stable et le firmament comme un édifice. IL vous a modelés selon une forme harmonieuse. IL vous a accordé d'excellentes nourritures. Tel est Dieu, votre Seigneur! Béni soit Dieu, le Seigneur des mondes!  

65 IL est le Vivant! Il n'y a de Dieu que Lui. Invoquez-Le en Lui rendant un culte pur. Louange à Dieu, le Seigneur des mondes.  

66 Dis: «Lorsque les preuves décisives me sont venues de la part de mon Seigneur, il m'a été interdit d'adorer ceux que vous invoquez en dehors de Dieu; et il m'a été ordonné de me soumettre au Seigneur des mondes».  

67 C'est Lui qui vous a créés de terre, puis d'une goutte de sperme, puis d'un caillot de sang. IL vous a fait ensuite surgir petit enfant pour que vous atteigniez plus tard votre maturité, pour que vous deveniez des vieillards - certains d'entre vous meurent plus tôt - et pour que vous parveniez à un terme fixé. - Peut-être comprendrez-vous? -

  68 C'est Lui qui donne la vie et qui fait mourir. Lorsqu'IL décrète une chose, IL lui dit: «Sois!» et elle est. 

69 Ne vois-tu pas ceux qui discutent les Signes de Dieu? Ils se sont écartés de Lui. 

70 Ceux qui ont traité de mensonge le Livre et les messages de nos prophètes sauront bientôt, 

71 lorsque, carcan au cou, ils seront traînés avec des chaînes  

72 dans l'eau bouillante, et précipités ensuite dans le Feu.  

73 On leur dira: «Où sont donc ceux que vous avez associés à Dieu?»

  74 Ils répondront: «Ils se sont écartés de nous, ou, plutôt, nous n'invoquions auparavant que le néant». - Voilà comment Dieu égare les incrédules! - 

75 Il en est ainsi pour vous, parce que vous vous réjouissiez sans raison sur la terre, et parce que vous étiez orgueilleux. 


76 Franchissez les portes de la Géhenne pour y demeurer immortels. Combien est détestable le séjour des orgueilleux! 

77 Sois constant! Oui, la promesse de Dieu est vraie. Soit que Nous te montrions une partie de ce dont Nous les menaçons, soit que Nous te fassions mourir auparavant, ils seront ramenés vers Nous. 

78 Nous avons envoyé des prophètes avant toi. Il en est parmi eux dont Nous t'avons raconté l'histoire, et d'autres, dont Nous ne t'avons pas raconté l'histoire. Nul prophète n'est venu avec un Signe sans la permission de Dieu. Quand l'Ordre de Dieu vient, tout est décrété selon la Vérité. Ceux qui profèrent des mensonges sont alors perdus.  

79 Dieu est celui qui a créé pour vous les animaux, afin que certains d'entre eux vous servent de montures, et d'autres de nourriture.  

80 Afin, aussi, que vous y trouviez des produits utiles, et que, grâce à eux, vous puissiez satisfaire les désirs de vos coeurs. Ils vous servent, ainsi que les bateaux, de moyens de transport. 

81 Dieu vous montre Ses Signes. Quels sont donc les Signes de Dieu que vous nierez?  

82 Ne parcourent-ils pas la terre? N'ont-ils pas considéré quelle a été la fin de ceux qui vécurent avant eux? Ceux-ci étaient cependant plus nombreux et plus redoutables qu'eux, par la force et par les traces qu'ils ont laissées sur la terre. Mais ce qu'ils avaient acquis ne leur a servi à rien.  

83 Quand leurs prophètes leur apportaient des preuves décisives, ils se réjouissaient de la science qu'ils détenaient; mais ils furent enveloppés par ce dont ils se moquaient. 

84 Lorsqu'ils virent ensuite Notre violence, ils dirent: «Nous croyons en Dieu, l'Unique. Nous ne croyons pas à ceux que nous Lui avons associés».  

85 Mais leur foi ne leur a servi à rien, après qu'ils eurent constaté Notre rigueur. C'est là, depuis longtemps, la façon d'agir de Dieu envers Ses serviteurs. - Les incrédules ont alors tout perdu - 




                                    * * *




Cette Sourate de 85 versets est souvent nommée Sourate Ghâfir (L'Indulgent), attribut divin par lequel débute le troisième verset. Elle fait partie des sept Sourates(1) dites les Hawâmîm, parce qu'elles commencent par les initiales H (Hâ') M (Mîm)(2). Les interprétations de ces initiales sont nombreuses et divergentes. Certains commentateurs du Coran (comme al-Qaradhî) avancent que ces initiales (H. M.) signifient: «Je jure par Hilmihi (Son Indulgence) et Molkihi (Son Royaume) qu'IL ne soumettra pas à la Torture quiconque se protège par Lui et dit sincèrement et du fond du coeur: ach-hadu anlâ ilâha illallâh (j'atteste qu'il n'y a de Dieu qu'Allah)».  

«Halîm (Clément), Hamîd (Digne de louanges), Hakîm (Sage ), Hayy (Toujours Vivant), Hannân (Très-Compatissant), Malik (Roi), Majîd (Glorieux), Mobdi' (Prévenant), Mo'îd (Celui qui ressuscitera Ses créatures)». D'autres encore, tel al-Kalabî, interprètent ces initiales comme désignant l'expression: «Allah a décrété ce qui est (qadhâ mâ howa kâ'inun)». La Sourate traite de l'orgueil des mécréants et de leur argumentation fallacieuse en vue de récuser la Vérité à laquelle ils sont appelés. Aussi reproduit-elle à plusieurs reprises leurs raisonnements capiteux (versets 35, 56, 69) et s'applique-t-elle à montrer la futilité de cet orgueil déplacé et de cette attitude polémique négative, en leur rappelant la punition sévère qu'Allah a administrée aux nations passées qui avaient démenti la Vérité, et en leur exposant le sort horrible qui les attend, à leur tour, dans l'Au-delà. Et en réfutant les faux arguments des incroyants par les preuves solides de l'Unicité d'Allah, la Sourate demande au Prophète et à ses adeptes de s'armer de patience devant leurs contradicteurs et leur promet une victoire évidente. Sur le plan stylistique les orientalistes distinguent, selon Jaques Berque, dans cette Sourate «deux séquences (versets 1-56 et 57-85), la seconde étant d'allure et d'assonance différentes de la première. Les aphorismes qui s'en détachent reprennent pourtant les idées de la première partie, non qu'on ne puisse reconnaître en celle-ci deux morceaux d'une vingtaine de versets chacun». A noter aussi la fréquence de la forme internée dans cette Sourate, et des aphorismes où «chaque argument d'évidence est suivi d'un constat désabusé» (versets 57, 58, 59, 61)(3).

  Les mérites de la récitation de cette sourate:  

La Tradition souligne les mérites de la récitation des Hawâmîm, en général, et la Sourate du Croyant en particulier. En effet, selon Abû Burayrah al-Aslamî, le Prophète (P) dit: «Quiconque aimerait jouir des Jardins du Paradis, qu'il récite les Hawâmîm pendant la prière de la nuit». Et d'après le témoignage d'Anas Ibn Mâlik, le Messager d'Allah (P) déclara: «Les Hawâmîm constituent la belle façade du Coran». Pour sa part, Obay Ibn Ka'ab a témoigné que le Prophète (P) dit: «Tous les Prophètes, tous les amis et tous les croyants, sans exception, prieront et imploreront le Pardon divin pour quiconque récite la Sourate Hâ'Mîm, le Croyant». Quant à l'Imâm al-Sâdiq (p), cité par Abû Baçîr, il dit à ce propos: «Les Hawâmîm sont les bouquets odorants du Coran. Remerciez Allah et louez-Le donc en les apprenant par coeur en les récitant. Que le croyant récite les Hawâmîm, et un parfum plus agréable que celui du musc et de l'ambre s'exhale de sa bouche. Allah couvrira de Sa Miséricorde celui qui les lit et récite, ainsi que ses voisins, ses amis, ses connaissances, son entourage et ses proches; et le Jour de la Résurrection, le Trône, la Chaise et les Anges rapprochés d'Allah imploreront le Pardon pour lui».(4) 





                               * * *


B- Le Récit  

La Sourate de "Croyant" renferme une série de récits qui gravitent autour des Âle Pharaon. Ces récits ou contes divers sont liés par un même fil qui les unit de telle sorte qu'on peut les considérer comme un seul récit sur la vie linéaire de ce peuple (les Âle Pharaon) depuis l'arrivée de Moïse (P) parmi eux, en passant par leur périssement, jusqu'à leur demeure finale le Jour dernier, le Barzakh, puis l'Enfer. La construction ou la structure architecturale de ce récit repose sur la description de vies ou de milieux divers: le milieu de la vie terrestre, d'abord, le milieu du Barzakh ou du tombeau ensuite, et le milieu infernal enfin. Tous ces milieux mettent en scène la conduite des Âle Pharaon, sous une forme romanesque réjouissante dans laquelle sont enchevêtrés ces divers milieux à travers un enchaînement objectif du temps où se mêlent futur, présent et passé. Ceci concerne le milieu du récit. Quant aux personnages ou héros, le récit pullule de personnages secondaires tels Moïse (P), Pharaon, Hâmân, Qâroun. En outre les Âle Pharaon eux-mêmes représentent un personnage collectif principal dans le récit. D'un autre côté, le récit évoque le personnage de Joseph (Yousuf) aussi, dans un contexte particulier, comme nous allons le remarquer. Mais le rôle principal qui domine le récit c'est celui du héros, le Croyant d'Âle Pharaon, comme le titre du récit le laisse deviner. L'importance du rôle de ce héros tient à l'importance de la méthode d'action missionnaire du Croyant d'Âle (du peuple) Pharaon, que le récit nous présente. Cette méthode d'action, ainsi que celle de la confrontation directe choisie par un autre héros, Moïse, constituent deux modes d'action dictés aux héros mujâhid par la nature du climat politique. A travers les champs de bataille dans lesquels les deux héros sont engagés, l'un est amené à choisir un combat secret, l'autre une action ouverte et publique. Quant aux autres ingrédients du récit, constitués de péripéties et de situations diverses, ils sont agencés à leur tour selon un ordre architectural plaisant dont nous parlerons en détails, ainsi que de tous les autres éléments romanesques, plus loin. * * * Le récit commence par le personnage de Moïse (P) lors de sa confrontation franche avec Pharaon, Hâmân et Qâroun:  

«Nous avons envoyé Moïse avec nos Signes et un pouvoir incontestable à Pharaon, à Hâmân et à Qâroun (Coré). »Ils dirent: "C'est un sorcier, un imposteur". »Mais quand il leur apporta la Vérité émanant de Nous, ils dirent: "Tuez les fils de ceux qui croient comme lui, et laissez vivre leurs filles". »La ruse des incrédules ne fait que les égarer».(5) Telle est la première parole du récit: le Ciel envoie Moïse à Pharaon, Hâmân et Qâroun. Il s'agit de savoir maintenant quels sont les rôles joués par chacun de ces trois personnages? En ce qui concerne Pharaon, il est le chef des tyrans et sa position dans les péripéties se passe par conséquent de commentaire. Quant à Hâmân, il est son ministre, et il occupe une position risible, comme nous allons le constater. Pour ce qui concerne Qâroun, le trésorier de Pharaon, il n'occupe pas une position dans ce récit, mais d'autres textes coraniques l'ont dépeint ailleurs, dans un autre récit que nous avons déjà abordé. Est-ce que cela signifie (du point de vue purement romanesque) que le récit ne cherche pas à déterminer les rôles ou les fonctions que ces trois personnages y jouent, mais vise à mettre en scène les idoles qui occupent une position sociale dans le milieu où se meuvent les Âle Pharaon dans leur relation avec Moïse, et ce abstraction faite du mouvement effectif déterminé pour telle ou telle autre idole? La réponse est très probablement positive, étant donné que les grandes idoles ont leur influence sociale dans le cadre de la place qu'elles occupent dans l'esprit de la populace, et que Satan a réussi à ensorceler celle-ci, malgré les preuves et les arguments irréfutables que Moïse a fournis à cette populace dont fait partie Qâroun qui représente l'une des figures de proue alliées aux Âle Pharaon autour desquels se déroulent les péripéties du récit. 


                              * * * 

La réaction de ces idoles au message que leur avait présenté Moïse consistait à le traiter de sorcier et de menteur. Toutefois, le récit a enjambé la chaîne chronologique pour anticiper sur des péripéties futures, avant de retourner de nouveau au présent pour suivre le déroulement des événements selon leur ordre chronologique normal. Le laps de temps futur que le récit a anticipé concerne les réactions suscitées par Moïse chez la populace en question, et exprimées comme suit:  

«Tuez les fils de ceux qui croient comme lui, et laissez vivre leurs filles».(6) De ce dialogue on peut inférer - suivant le procédé romanesque emprunté par le récit - que le message de Moïse invitant les gens à Allah a fait ses effets, puisque beaucoup y ont cru, ce qui a poussé Pharaon et sa clique à réclamer l'assassinat des croyants et la violation de leurs femmes, comme le font les tyrans de notre époque contemporaine. Toutefois, le récit a commenté cette réaction par ces propos: «La ruse des incrédules ne fait que les égarer»(7), ce qui signifie, du point de vue romanesque, que les péripéties suivantes révéleront que les tyrans seront voués à la défaite. De là, le récit retourne vers l'enchaînement chronologique des péripéties, après avoir abordé une période future où il montre que le public - nombreux ou peu nombreux - a répondu positivement à l'Appel du Ciel et que la fin catastrophique des tyrans s'est bel et bien précisée. Donc le récit revient de nouveau pour décrire les réactions engendrées par l'Appel à Allah, suivant l'ordre chronologique des péripéties qui ont commencé par cette réaction du tyran Pharaon: «Pharaon dit: "Laissez-moi tuer Moïse! Qu'il invoque donc son Seigneur! Je crains qu'il n'altère votre religion et qu'il ne sème la corruption sur la terre"».(8) Cette logique ridicule est l'un des outils de propagande auxquels recourent les tyrans à toutes époques et partout. Nous entendons par «cette logique ridicule», ce qu'on appelle dans la terminologie de la psychologie collective, la «projection» des traits de caractères négatifs qui sont propres aux corrupteurs sur les réformateurs. Ainsi, le corrompu, le vilain, l'avide, le mesquin etc. a tendance à projeter sur autrui le défaut qu'il porte afin d'une part que toute valeur morale saine s'écroule (au cas où les autres sont conscients de la mesquinerie d'un tel procédé de propagande), et que, d'autre part toutes les vérités soient altérées ou déformées, et ce pour pouvoir préserver son pouvoir (au cas où les autres sont inconscients de la vraie situation). Pharaon, lequel est le chef des corrupteurs sur la terre, à son époque, accuse (comme le font les tyrans de l'époque contemporaine) Moïse de corruption et affecte sa crainte de voir altérer la religion du peuple. Il s'est imaginé que ce stratagème psychologique suffirait à tromper la lie du peuple et à susciter une réaction douloureuse chez les gens conscients qui répugnent vraiment à l'altération des vérités. Mais ce qui lui a échappé, c'est que le Ciel est à l'affût de toute ruse à laquelle font appel les corrupteurs sur terre et que la fin des tyrans serait toujours impitoyable, et semblable à celle de Pharaon et des siens, péris noyés et complètement anéantis. Donc, Pharaon, le tyran de son époque, a suggéré l'assassinat de Moïse afin de préserver son trône qu'il a essayé de renforcer en trompant les ignorants et en nuisant aux gens instruits par le recours à la désinformation: «Je crains qu'il n'altère votre religion et qu'il ne sème la corruption sur la terre».(9)  

Toutefois, il semble que sa proposition de tuer Moïse se soit heurtée à l'opposition de certains de ses conseillers, comme nous le dévoilera le récit plus tard, selon un procédé romanesque indirect. Mais avant de disparaître de la scène des péripéties de ce récit, Moïse nous a fourni à ce propos, un élément important pour la suite des événements (que le texte romanesque révélera) lorsqu'il a commenté les réactions suscitées par son appel à Allah, dans les termes suivants: «Je cherche la protection de mon Seigneur et votre Seigneur contre tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugement».(10) Là se termine le rôle de Moïse - ou disons plutôt sa position fonctionnelle - dans le récit pour céder la place à un nouveau héros, lequel exerce d'innombrables sortes d'activités qui occupent une grande partie de la surface du récit, ou qui influent considérablement sur son mouvement. Ce nouveau héros commence à assumer l'opposition à partir du moment où Pharaon s'est mis à penser à l'assassinat de Moïse; et depuis qu'il est apparu sur la scène des événements, l'opposition à Pharaon a revêtu une forme flagrante et ouverte, et d'autant plus importante que ledit héros n'était autre que le trésorier ou le cousin (maternel) de Pharaon, et que l'importance de son engagement dans l'opposition n'était pas sans conséquence sur la décision ou le projet de l'assassinat de Moïse.


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Comme nous l'avons dit, Moïse, avant de disparaître du théâtre des événements, a déclaré: «Je cherche la protection de mon Seigneur et de votre Seigneur contre tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugement».(11) Et comme nous l'avons noté également, cette déclaration projettera une lumière sur le futur des événements et notamment sur la personnalité du Pharaon, marquée par l'orgueil et le refus de se rendre à l'évidence, comme nous le montreront ses agissements ridicules à ce propos. Il est indubitable que lorsque Moïse a commencé à se mouvoir vers Pharaon et son peuple, son mouvement a été accompagné de plus d'une situation sur lesquelles le récit se tut. Mais le nouveau héros (le Croyant d'Âle Pharaon, dont nous aborderons les détails de la personnalité sous peu) dévoile un aspect des mouvements de Moïse (P). Cette façon de tisser le récit révèle certaines caractéristiques techniques que celui-ci a adoptées dans la construction des péripéties et des personnages. En effet, le récit s'est contenté d'aborder du personnage de Moïse, le fait qu'il s'était présenté aux Âle Pharaon avec «des Signes et un Pouvoir incontestable»(12) et qu'il avait cherché refuge auprès d'Allah contre tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugement. Quant aux détails de la situation dans laquelle il a appelé les gens à Allah, le récit les a passés sous silence, laissant d'une part, au lecteur le soin d'en déduire quelques-uns, estimant d'autre part que certains détails ne répondraient à aucune nécessité romanesque, chargeant enfin le nouveau héros (le Croyant d'Âle Pharaon) de nous faire découvrir à travers la présentation de sa personnalité, certains autres détails relatifs au personnage de Moïse et à la situation dans laquelle il a agi auprès des Âle Pharaon. Un lecteur attentif ou averti ne peut qu'admirer ce procédé de présentation des personnages et des événements très intéressant et plaisant sur le plan de la technique romanesque. Ceci dit, Moïse ayant disparu totalement de la scène romanesque, laissant la place à un nouveau héros qui va compléter le rôle qu'il a commencé dans le déroulement du récit. Quels sont donc les traits caractéristiques de ce nouveau héros?

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Le récit débute la présentation du nouveau héros comme suit: «Un homme croyant, qui appartient au peuple de Pharaon et qui cachait sa foi, dit: ...».(13) Ce qu'a dit le héros, nous le saurons plus tard. Mais il convient tout d'abord de mettre en exergue les traits caractéristiques de ce héros dont nous avons dit qu'il était au début opposé à l'assassinat de Moïse (P) et qu'il complétera les tâches que le Ciel avait confiées à Moïse. Le récit nous a dévoilé trois traits de ce personnage: "homme croyant", "appartenant au peuple de Pharaon", "il cachait sa foi". Là il faut méditer profondément sur l'importance romanesque de la présentation de ces trois traits de la personnalité du nouveau héros. Car cette présentation est riche en significations que nous devons suivre dans le domaine du «Combat sur le Chemin d'Allah» et adopter dans toute action politique, sociale ou individuelle que le Ciel nous demande d'entreprendre dans une situation particulière de terreur, où les tyrans ne laissent à la personnalité musulmane aucune latitude d'agir ouvertement, ou dans des circonstances ponctuelles où l'action secrète s'avère plus efficace que l'action ouverte, comme nous allons en avoir l'illustration dans la conduite de notre héros ici. En effet, le simple fait que notre héros appartienne au peuple de Pharaon atteste que les membres des groupes, des peuples ou des bandes corrupteurs sur la terre ne sont pas forcément tous, réfractaires au bien et dépouillés de tout bon fond, étant donné que l'éducation sociale spécifique à chacun et la différence entre un individu et un autre déterminent et réforment les comportements individuels, ou même effacent le caractère héréditaire aberrant dans des cas particuliers, et à fortiori les influences du milieu dévié. La femme de Pharaon lui-même était croyante. Pourquoi pas son cousin maternel, par exemple! L'observation de cette vérité, pourrait nous aider à mettre à profit des individus qui appartiennent à des peuples, des familles, des milieux ou des régimes déviés, à les arracher (secrètement ou ouvertement, selon les circonstances) à la déviation et à les sortir des ténèbres à la lumière, et ceci est d'autant plus important pour la bonne cause que de tels individus, du fait de la position qu'ils occupent auprès du régime, du milieu ou du groupe corrompu, pourraient s'avérer plus efficaces que d'autres. 


En tout état de cause ce trait social souligné par le récit, c'est-à-dire le fait de l'appartenance du héros au peuple de Pharaon influera beaucoup sur le déroulement des péripéties, comme nous allons le constater. Quant au second trait, le fait qu'il soit "Croyant". Le récit l'a entouré de silence. Même les textes exégétiques ne nous apprennent pas grand-chose sur ce trait, se bornant à nous informer que ce Croyant avait caché sa foi pendant des années ou des siècles, sans nous renseigner plus sur le comment et le pourquoi. Même sur le troisième trait, la dissimulation de la foi, ces textes restent peu loquaces, se contentant d'aborder son aspect général et sa durée. Il est clair, du point de vue purement romanesque, que le récit se soucie moins de la détermination des préliminaires de la foi ou de sa durée, que du soulignement de son caractère de «secret», à cause de l'importance de ce caractère pour la préservation de la vie du personnage, d'une part, pour l'accomplissement de sa tâche d'adoration (même dans un cadre individuel) de l'autre, et pour les possibilités de l'action sociale que le travail secret actuel pourra permettre: rétablir un droit, effacer un faux, ramener d'autres individus des ténèbres vers les lumière, ou enfin attendre une occasion propice pour agir ouvertement dans une situation décisive, comme le fera effectivement «le Croyant du peuple de Pharaon» qui interviendra à un moment d'extrême gravité, où les tyrans s'apprêteront à assassiner une personnalité élue par le Ciel (Moïse). Le rôle ou la position fonctionnelle du nouveau héros, «le Croyant du peuple de Pharaon», débute avec la situation suivante: «Un homme croyant, qui appartenait au peuple de Pharaon et qui cachait sa foi, dit: »Tuerez-vous un homme parce qu'il a dit: "Mon Seigneur est Dieu", alors qu'il vous a apporté des preuves évidentes. » S'il est menteur, son mensonge retombera sur lui, s'il dit la vérité, ce dont il vous menace vous atteindra. - Dieu ne dirige pas celui qui est pervers et menteur - »Ô mon peuple! La royauté vous appartient aujourd'hui et vous triomphez sur la terre, mais qui donc nous délivrera de la rigueur de Dieu quand elle nous atteindra?».(14) Cette séquence ou ce monologue nous permet de relever plusieurs traits de la technique romanesque utilisée dans le récit. Ainsi, on peut deviner (de ce monologue) que lorsque Pharaon a dit: «Laissez-moi tuer Moïse», il avait vraiment l'intention de le tuer et qu'il était en train de consulter les autres à ce propos ou à obtenir un soutien pour son projet. La preuve en est l'intervention du Croyant des Âle Pharaon pour donner vraisemblablement son opinion à ce sujet, ayant peut-être promis au peuple le salut au cas où il croirait en Allah, ou la torture terrestre au cas où il refuserait d'entendre raison.  

Ceci, on peut le déduire de l'allusion faite par le héros à l'adresse de son peuple de la possibilité pour eux d'obtenir une partie de ce que Moïse leur promet au cas où il dit la vérité, d'une part, et de subir la rigueur ou la torture d'Allah (comme en avait brandi la menace, Moïse): «qui donc nous délivrera de la rigueur de Dieu quand elle nous atteindra». Ces positions prises par Moïse, le récit ne nous les a pas relatées lorsqu'il a abordé sa (de Moïse) confrontation avec le peuple. C'est le nouveau héros, le Croyant du peuple de Pharaon qui nous les révèle. Ceci est un des traits de la présentation artistique du récit. Mais en dehors de ce trait artistique, il importe de découvrir l'importance du rôle ou de la position fonctionnelle du nouveau héros relativement à sa façon d'intervenir, à son intervention intelligente pour sauver la situation, à l'incidence de cette intervention sur Pharaon lui-même et puis sur les événements en général, sans parler des situations équivoques diverses qui l'ont accompagné.

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Le lecteur est porté à croire que Pharaon était bien déterminé à tuer Moïse. L'apparence du texte romanesque l'induit à concevoir une telle pensée. Toutefois, les textes de tafsîr, qui projettent un peu de lumière sur la situation, laissent entendre qu'il hésitait à mettre en exécution sa décision, et tentent de justifier cette hésitation, ou cette consultation ou l'ajournement du projet. Ces textes exégétiques indiquent schématiquement que le fait que Pharaon, sachant que l'assassinat des Prophètes et de leurs enfants ne peut être commis que par des fils de prostituées, s'est abstenu d'être l'auteur de ce crime. De même quelques textes d'exégèse nous rapportent une partie d'opinions semblables des conseillers de Pharaon, lesquels lui ont suggéré de reporter l'exécution de Moïse et de son frère Hâroun à une date ultérieure, invoquant le même argument : seule la progéniture des débauchées oseraient assassiner les grandes personnalités. Cela signifie, au moins, que Pharaon tenait à sa réputation, craignait qu'elle ne fût entachée, et voulait éviter que sa naissance ou son lignage fasse l'objet de clins d'oeil et de chuchotements allusifs au cas où il commettrait l'assassinat d'un Prophète. En tout état de cause, les ambiguïtés de la situation relative au projet de l'assassinat, nous montrent que Pharaon n'a pas mis à exécution sa décision immédiatement et que celle-ci a fait l'objet de tergiversations, d'atermoiements, de consultations et d'examens, dont l'une des conséquences était l'intervention du nouveau héros, le Croyant du peuple de Pharaon, intervention dont nous nous devons d'expliquer les détails maintenant. Si le crime d'assassinat d'un serviteur d'Allah ne peut être perpétré que par les fils de débauchées, l'intervention en vue d'empêcher un tel crime révèle l'existence d'un trait de caractère tout à fait opposé chez l'auteur d'une telle intervention, à savoir la pureté et la bonne naissance. De même si l'assassinat d'un Prophète décèle la mauvaise naissance de l'assassin, le fait de rester les bras croisés devant le projet d'un tel assassinat (alors qu'on peut l'empêcher) indique la présence d'un trait semblable au trait pervers qui caractérise les assassins. De là, notre héros (étant donné sa pureté et la bonté de son fond) qui avait dissimulé sa foi pendant une longue durée, a estimé que se taire sur un assassinat, constitue une contribution ou une participation au crime. Aussi intervint-il directement pour empêcher la perpétration de ce crime. Telle est l'explication et la cause psychologique et artistique de l'intervention de notre héros. Mais ce nouveau héros, qui fait preuve d'une grande maturité, de sagesse, d'intelligence sociale et de pertinence, n'est pas intervenu d'une façon passionnelle ou naïve, mais avec intelligence et par une attitude fondée sur des arguments irréfutables qui ne laissent aux adversaires aucun prétexte et les désarment complètement, et ce peu importe quel sort lui sera réservé à la suite de cette intervention, sort à propos duquel les textes de tafsîr ne sont pas très tranchants, laissant entendre seulement que ledit héros a été sauvé avec Moïse en traversant la mer, ou qu'il a échappé à une tentative d'assassinat qu'on avait préparée contre lui. En tout état de cause, son argument présenté au peuple a tenu compte de l'intérêt de celui-ci, de ses désirs et de ses sentiments, puisqu'il dit: «la royauté vous appartient aujourd'hui et vous triomphez sur la terre».(15) En d'autres termes, il les a confirmés dans leur pouvoir dont ils jouissaient, et les a mis en garde contre le risque de le perdre au cas où la menace - brandie par Moïse - du châtiment se concrétisera. De même, il les a confirmés dans ce à quoi ils aspiraient et que Moïse leur a promis au cas où ils croiraient en Allah: «s'il dit la vérité, ce dont il vous promet vous parviendra».(16) Bref, son intervention a été empreinte de marques de maturité, de sagesse et surtout elle a joué sur leurs fibres sensibles. La question qui se pose à présent est quelle a été la réaction de Pharaon à cette intervention ou à ce conseil? Puis, quelles sont les données (est la portée) de cette intervention dans le cadre de l'action en vue des principes divins? 

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La réaction de Pharaon au conseil du "Croyant" ressort de la séquence suivante : «Pharaon dit: "Je ne vous montre que ce que j'ai vu moi-même. Je ne vous dirige que sur le chemin de la certitude».(17) Cela signifie que Pharaon reste sur sa position antérieure et dans le cadre du langage trompeur, fait de mensonges et de discours faussement moralisateurs. Le récit se contente de présenter cette partie de la réaction de Pharaon sans entrer dans les détails de ses décisions pratiques à ce sujet, lesquelles traduisent pourtant mieux sa réaction réelle.  

Puis le récit entreprend l'exposé de nouvelles positions du héros, comme nous allons le voir plus loin. Mais là le lecteur peut s'interroger, sur un plan purement romanesque: Pourquoi le récit s'est-il abstenu de déterminer l'action que Pharaon entreprendra contre Moïse? S'est-il apprêté à le tuer? A-t-il ajourné son exécution? Pourquoi le récit a-t-il enjambé ces détails pour poursuivre son exposé sur les positions du héros? Quelle est la raison artistique de ce procédé romanesque? 

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Il est à remarquer que le récit du «Croyant du peuple de Pharaon» est conçu selon une ossature romanesque spécifique, fondée sur la "théâtralisation" du récit, en ce qui concerne le dialogue de chacun de ses deux héros: le Croyant et Pharaon. Ainsi, le Croyant s'adresse trois fois ou plus à son peuple, et son dialogue est entrecoupé, plus d'une fois par le dialogue de Pharaon avec son peuple. "Le Croyant", parlant à son peuple, dit: «ne tuez pas Moïse!». Puis, il se tait. Et là Pharaon, à ce moment précis s'interpose, pour dire que la sagesse est de tuer Moïse. Jusque là le dialogue semble se dérouler entre le Croyant et Pharaon, mais par peuple interposé, ou tout en faisant semblant, chacun à son tour, de s'adresser au peuple et non à l'autre. C'est donc un dialogue indirect. Puis, le Croyant revient à la charge, s'adresse à son peuple et lui rappelle l'anéantissement des peuples des siècles passés, avant de se taire, comme pour céder la place à Pharaon, lequel s'adresse à son ministre Hâmân et lui dit: «construis-moi une tour pour que je puisse voir le Dieu de Moïse», et ensuite il se tait. Là le Croyant revient et dit à nouveau à son peuple: «suivez-moi, je vous conduirais vers la Voie de la rectitude», etc. Ce dialogue divisé en parties, aurait pu être déroulé d'un seul trait, et c'est d'autant plus faisable, que le Croyant et Pharaon ne se parlent pas directement pour que leur dialogue requière des questions et des réponses et prenne la forme d'un dialogue multilatéral, mais parlent chacun à son tour, à leur peuple, au point que la parole de chacun semble n'avoir aucun rapport avec celle de l'autre. Par exemple, alors que le Croyant du peuple de Pharaon parlait de l'anéantissement des peuples des siècles passés: le peuple de Noé, le peuple de 'Âd, le peuple de Thamûd, le récit rompt la chaîne de son exposé pour donner la parole à Pharaon. Mais qu'a dit Pharaon à ce moment-là? Il a demandé à son ministre Hâmân de lui construire une tour pour qu'il voie le Dieu de Moïse. Or, il n'y a aucun rapport apparent entre les propos du croyant et la déclaration de Pharaon. Le premier parle des expériences et sorts des peuples passés, et Pharaon de la construction d'une tour !  

Puis, le Croyant a repris la parole, mais pour dire quelque chose qui n'a rien à voir, là non plus, avec ce que Pharaon venait de déclarer, puisque le Croyant dit à l'adresse de son peuple: «Suivezmoi! Je vous dirigerai sur le Chemin de la rectitude». Donc les interruptions des dialogues de la sorte, sans qu'il y ait entre les deux personnages, Pharaon et le Croyant, une discussion qui l'exigerait, doivent répondre à un motif artistique important. Autrement, pourquoi, ce récit à la différence de tous les autres récits coraniques est-il le seul à adopter ce type de dialogue entrecoupé en séquences, sans qu'il y ait un rapport manifeste entre les dialogues interrompus tantôt par le Croyant tantôt par Pharaon, alors que l'un et l'autre ne se parlent pas. 

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A notre avis, nous avons affaire ici à un récit "théâtralisé", s'il est permis de s'exprimer ainsi. Car il est familier (dans le domaine de la littérature romanesque) que certains romans ou récits, sont conçus pour être lus seulement, et d'autres sont écrits pour être joués sur scène. Certes, le roman et le théâtre se veulent deux genres bien distincts, mais il arrive que dans certains récits les situations sont totalement ou partiellement théâtrales, tout en conservant leur genre ou leur caractère romanesque. Or dans le texte dont nous traitons ici, bien qu'il soit romanesque et non théâtral, certaines parties en sont conçues avec une dimension théâtrale exigée par la situation romanesque. On peut imaginer cette situation de la façon suivante: Supposons qu'il y ait une salle de conférence ou de réunion dans laquelle sont présents Pharaon, Hâmân et tous les ministres du premier nommé, ainsi que les hauts fonctionnaires, et peut-être une foule du public. Assiste à cette réunion également le Croyant du peuple de Pharaon en tant que haut fonctionnaire. Pharaon ouvre la séance en proposant l'élimination physique de Moïse. Là, le Croyant du peuple de Pharaon intervient, exprimant son opinion et demandant à l'assemblée de ne pas le tuer. Mais Pharaon l'interrompt, ou commente son opinion et affirme que l'assassinat de Moïse est la voie de la rectitude. Là, le Croyant du peuple de Pharaon intervient de nouveau, s'adresse à l'assistance, leur rappelle les événements des siècles passés et comment les peuples de 'Âd, de Thamûd et de Noé y avaient péris, en raison de leur persistance dans la mécréance. Puis le Croyant cesse de parler, et Pharaon reprend la parole, s'adresse aux auditeurs - comme s'il cherchait à discréditer la personnalité du Croyant, à réfuter ses opinions ou à le ridiculiser en parlant de tout autre chose - et dit à son ministre Hâmân: «construis-moi une tour pour monter au ciel et voir le Dieu de Moïse».  

Mais le Croyant (conscient des propos ridicules et insignifiants de Pharaon), reprend encore la parole et dit à l'assemblée: «Ô mon peuple! Suivez-moi! Je vous dirigerai sur le Chemin de la rectitude», et continue à discourir sincèrement et sérieusement, à l'opposé de Pharaon qui leur a rebattu les oreilles d'insanités, de sottises et de sarcasmes. Sur ce, la réunion se termine avec cette dernière intervention du Croyant. Et puis, le récit s'engage dans un autre tournant. * * * En tout état de cause, le récit, selon notre opinion artistique particulière, était en train de rapporter le déroulement de la réunion à laquelle avaient assisté Pharaon, Hâmân, le Croyant, et tous ceux qui étaient concernés par cette affaire. Voilà pourquoi l'élément "dialogue" était coupé en séquences, et Pharaon, en raison de sa personnalité corruptrice, déchirée et perverse avait empêché que ce dialogue prenne la forme de "question-réponse" ou de discussion soutenue et cohérente, il a même essayé de banaliser cette affaire en répondant par des sarcasmes, comme nous le montre le récit en détails. Et c'est là donc l'explication de la formulation du dialogue "à bâton rompu" de telle manière qu'on croirait à l'absence de rapport entre ses répliques ou entre les interlocuteurs... Il est clair que l'élaboration du dialogue de cette façon que la nature de la réunion ou de l'assemblée tenue par Pharaon, a dictée, reste très vital, très réjouissant, reflétant le mouvement de la réalité dans tout ce qu'elle comporte de simplicité et de complexité à la fois. Il nous transmet tous les faits de la réunion ou de l'assemblée, avec toutes ses contradictions qu'incarne Pharaon, et tout son sérieux que personnifie le Croyant du peuple de Pharaon. Mais il le transmet - non pas directement, à travers une scène et un public d'assistants, mais indirectement - sous une forme romanesque et non théâtrale - par un procédé de dialogue spécifique, différent des autres procédés de dialogue qu'on rencontre familièrement dans les autres récits coraniques, et ce afin de nous amener, nous les lecteurs ou les auditeurs de Coran, à déceler, nous-mêmes, la présence d'un nouveau mouvement dans le récit, qui traduit l'existence d'une réunion privée ou publique, dictée par des circonstances particulières et marquée par des traits spécifiques, réunion dont nous détaillerons les résultats plus loin. 

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Avant d'aborder ces résultats, récapitulons pour mieux suivre le dialogue théâtral dont la majeure partie est constituée du discours du héros, le Croyant du peuple de Pharaon, entrecoupée par des commentaires ponctuels de Pharaon lui-même. Après avoir constaté que Pharaon reste insensible à ses conseils, le Croyant a poursuivi son discours à l'adresse du peuple, en lui rappelant les sorts peu enviables réservés aux peuples passés et le sort abominable qui lui serait réservé dans l'autre monde, s'il persiste dans son polythéisme. «Ô mon peuple! Oui, je crains pour vous un jour semblable à celui des factieux ; » un sort semblable à celui du peuple de Noé, de 'Âd, des Thamûd et de ceux qui vécurent après eux - Dieu ne tolère pas l'injustice envers ses serviteurs! - «Ô mon peuple! Oui, je crains pour vous le Jour où les hommes s'interpelleront les uns les autres; »le Jour où vous vous détournerez. Vous ne trouverez, alors aucun défenseur contre Dieu. Personne ne dirige celui que Dieu égare».(18) Et là le héros (le Croyant) va mettre l'accent sur la personnalité d'un Prophète en particulier, Joseph (Yousuf) (P), rappelant à son peuple l'attitude sceptique des Coptes envers le message de ce Prophète: «Joseph leur avait autrefois apporté des preuves décisives; vous n'avez pas cessé d'en douter; mais lorsqu'il eut disparu, vous avez dit: »"Dieu n'enverra plus jamais de prophète après lui". » - Dieu égare celui qui est pervers et celui qui doute - «Ceux qui discutent au sujet des Signes de Dieu sans en avoir reçu mandat, provoquent la grande haine de Dieu et des croyants. » - Dieu met un sceau sur le coeur de tout tyran orgueilleux - ».(19) Ceci dit, on peut se demander ici: quelle est la nécessité romanesque de cette évocation de la personnalité de Joseph à l'exclusion de tout autre Prophète?  

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La question est relative aux Coptes et au peuple de Moïse. Joseph avait lui aussi (comme l'affirment certains textes exégétiques) attiré l'attention de son peuple sur les difficultés qu'il rencontrerait dans l'avenir. Cela signifie que l'évocation par le Croyant du peuple de Pharaon de la personnalité de Joseph implique un élément artistique et psychologique clair, relatif à la situation nouvelle (celle du peuple de Pharaon). Car en effet, la prédication de Joseph s'était réalisée, puisque les hommes ont été tués, les enfants égorgés et les femmes enceintes éventrées, de la façon qu'on sait à propos du traitement que les Coptes avaient réservé aux israélites.  

Nous devons attirer l'attention sur le fait que lorsque le récit coranique rappelle à un peuple donné le sort qui a été assigné à un autre peuple, il vise à mettre ce dernier en garde d'une part, et à lui promettre un sort similaire, au cas où il refuserait de tirer la leçon de l'exemple des peuples passés, d'autre part. Ainsi, nous remarquons dans l'un des récits coraniques relatifs à Moïse (P) que l'accent est mis sur les bienfaits prodigués par le Ciel aux Israélites, et en premier lieu, sur leur délivrance des griffes des Coptes. Mais les Israélites se sont montrés ingrats à l'endroit de ces bienfaits, et ont perdu la tête au point que leurs crimes ont surpassé ceux de leurs bourreaux et persécuteurs. Aussi le Ciel a-t-il dépeint dans le récit précité (relatif à Moïse) des sorts noirs proportionnels aux crimes qu'ils (les Israélites) avaient commis, ce qui veut dire que le rappel des bienfaits, fait à ces derniers est associé (sur le plan romanesque) au sort qui leur est réservé en fin de compte, en récompense de leur ingratitude envers les bienfaits dont ils avaient bénéficié. Ici dans le récit du Croyant du peuple de Pharaon, le rappel du passé prend une direction différente dont le but n'est pas déterminé par le même souci de dessiner un sort particulier à un tel ou tel autre peuple, mais plutôt pour adresser seulement une mise en garde générale, afin d'amener les gens à croire en Dieu. Effectivement, le Message du Ciel a frayé son chemin parmi de grands nombres de gens, sujet qui ne nous intéresse pas actuellement, étant donné que le récit vise autre chose. En tout état de cause, lorsque, à travers le Croyant, le récit fait le rappel de la personnalité de Joseph à l'exclusion de toute autre personnalité historique, il cherche par ce procédé romanesque et psychologique à introduire la prédiction de Joseph d'une part, et l'incroyance des Israélites - après sa mort - aux messages des Prophètes, d'autre part: «mais lorsque Joseph eut disparu, vous avez dit: "Dieu n'enverra plus jamais de prophète après lui»(20), et à établir, enfin, un lien entre tout ce qui précède avec l'état d'incroyance que vivait le peuple de Pharaon, quand Moïse a présenté son message. 

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Pendant que le héros, le Croyant poursuivait, lors de la réunion sa mise en garde, Pharaon qui y était présent demandait à son ministre Hâmân de lui construire une tour pour qu'il voie ce qui se passe dans le Ciel (Pharaon dit: «Ô Hâmân, construis-moi une tour pour que j'atteigne les cordes célestes et je monterai vers le Dieu de Moïse»(21)). Mais le héros, fait l'ignorance totale de ce propos ridicule de Pharaon qui montre davantage son insolence, et va continuer imperturbablement son discours qui porte implicitement entre les lignes une réponse indirecte au Tyran (Pharaon). Remarquons que sur le plan romanesque, si le Croyant a conclu la dernière séquence de son discours par: «Dieu met un sceau sur le coeur de tout tyran orgueilleux»(22) - et si l'on considère cette phrase comme un commentaire du Ciel et non du Croyant - c'est parce que la dernière proposition sarcastique de Pharaon, apparaît comme l'application concrète de cette Parole d'Allah: «Dieu met un sceau sur le coeur de tout tyran orgueilleux», laquelle signifie qu'il n'y a plus aucun espoir de ramener la personne égarée de la sorte sur le Chemin de la guidance. Donc, comme nous l'avons dit, le Croyant n'a prêté aucune attention à cette sottise (la construction d'une tour), et poursuivi son discours: «Le Croyant dit: "Ô mon peuple! Suivez-moi! Je vous dirigerai sur le Chemin de la rectitude. »Ô mon peuple! La vie de ce monde n'est qu'une jouissance éphémère. La vie future est la demeure de la stabilité».(23) Il ne faut pas perdre de vue que dans la réunion Pharaon avait déjà adressé la parole au peuple, en prétendant qu'il le guiderait sur la voie de la rectitude: «Je ne vous montre que ce que j'ai vu moi-même. Je ne vous dirige que sur le chemin de la rectitude».(24) Mais le récit répond à cette prétention en faisant dire au Croyant que la rectitude réside dans la soumission aux principes du Ciel. Suivons encore le héros qui continue son discours à l'attention de son peuple: «Ô mon peuple! Pourquoi vous appellerais-je au salut, alors que vous m'appelez au Feu? »Vous m'appelez à l'incrédulité envers Dieu, au polythéisme dont je n'ai aucune connaissance, mais moi, je vous appelle auprès du Tout-Puissant, auprès de Celui qui ne cesse de pardonner. »Celui auprès duquel vous m'appelez ne peut, sans aucun doute, être invoqué ni en ce monde, ni dans la vie future. Oui, notre retour sera vers Dieu et les pervers deviendront les hôtes du Feu. »Vous vous souviendrez de ce que je vous dis: je confie mon sort à Dieu. Dieu voit parfaitement Ses serviteurs».(25) Par ces séquences, se termine le discours du héros, le Croyant du peuple de Pharaon, et le récit s'engage dans un autre tournant. De là, il convient d'attirer l'attention sur l'importance de ces propos par lesquels le héros achève son discours. Leur importance réside en ceci qu'ils révèlent des traits spécifiques de l'art ou de la technique romanesque utilisés dans ce récit et dont la suite sera reflétée sur le mouvement des péripéties, le sort du héros et sur les fins que connaîtra son peuple, comme nous les détaillerons dans les pages suivantes.  

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La valeur des mots par lesquels le héros a clos son discours, considérée sur le plan de la structure organique du récit et l'adhésion de ses lignes architecturales, tient au fait qu'ils amènent le lecteur ou l'auditeur à se creuser la tête pour prédire ou deviner les fins ou les cheminements des péripéties. Si certains de ces propos du héros laissent entrevoir la suite des événements, d'autres restent entourés de mystère. Les uns suscitent chez le lecteur la crainte et l'appréhension relativement au sort du héros, d'autres éveillent en lui des sentiments de pitié et d'affliction pour les sorts réservés au peuple qui n'a pas voulu entendre raison. En tout état de cause l'élément d'intéressement (ou de suspense) à la suite des événements, pourrait ne pas paraître à un lecteur non averti, mais pour un connaisseur ou un lecteur assidu de roman, cet élément de suspense est présent dans son esprit, puisqu'il ressent que chaque mot prononcé par le héros et chaque geste qu'il esquisse porte un sens ou une signification, surtout lorsqu'on sait que ce héros n'était pas un personnage ordinaire, mais un des tout premiers pionniers des Croyants, quelqu'un qui a cru en Dieu très tôt, au point que certains textes d'exégèse le considèrent comme au nombre des quatre personnages de l'histoire, à incarner ceux qu'Allah a désignés sous le vocable: «...les premiers arrivés(26), qui seront bien les premiers»(27), c'est-à-dire à la tête des "premiers" à avoir la Foi, dans des circonstances où personne d'autre n'avait cette chance. Or une personnalité d'une telle piété, qu'Allah à entourée de Ses soins particuliers ne saurait prononcer une mise en garde ou lancer un avertissement sans que cet avertissement ou cette mise en garde n'influe sur le mouvement du récit et le futur des péripéties. Cette mise au point faite, examinons les significations que comportent les propos du héros à la clôture de la séance ou de la réunion tenue en vue de débattre du projet de l'assassinat de Moïse (P). 

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Le Croyant du peuple de Pharaon dit: «Ô mon peuple! Pourquoi vous appellerais-je au salut, alors que vous m'appelez au Feu!».(28) C'est la première des séquences dont nous attendons, sur le plan romanesque, qu'elle ait des incidences sur les sorts réservés au peuple de Pharaon, puisqu'elle fait allusion au Feu. Le héros dit aussi: «Vous vous souviendrez de ce que je vous dis».(29) Et là c'est la deuxième séquence qui promet une suite, puisqu'elle est chargée d'une menace sérieuse qui n'a rien de rodomontade. Et le héros d'ajouter: «Je confie mon sort à Dieu».(30) Cet énoncé laisse supposer que les tyrans vont pourchasser ce héros, mais le lecteur a en même temps tendance à se rassurer, en pensant que le Ciel n'abandonnera pas le héros à son sort et qu'IL l'entourera de Ses soins. Donc lorsqu'on médite sur ces trois énoncés: 1- «Pourquoi vous appellerais-je au salut, alors que vous m'appelez au Feu?»;  

2- «Vous vous souviendrez de ce que je vous dis» ; 3- «Je confie mon sort à Dieu», On se demande quelle suite le récit va-t-il y donner et on reste dans l'attente. Effectivement, l'attente ne sera pas longue. Le récit annonce promptement et d'une façon brusque, le sort subi par le peuple de Pharaon et la délivrance du héros de la malveillance de ce peuple, et ce tout de suite et directement après que le Croyant eut terminé son discours: «Dieu préservera ce Croyant de leurs méchantes ruses, et les gens de Pharaon, IL les enveloppera du châtiment le plus dur».(31) Par ces mots le récit a tout tranché, achevant le rôle du héros et du peuple de Pharaon dans ce bas-monde. Ensuite le récit abordera directement le sort réservé au peuple de Pharaon dans le milieu de Barzakh, puis dans le milieu de l'Enfer, comme nous en parlerons en détails ultérieurement. Mais avant d'aborder cette phase, il est nécessaire de nous attarder encore sur la corrélation organique entre les mots du héros et les sorts réservés à Pharaon et à son peuple, et de tirer quelques leçons idéologiques qui nous serviraient dans notre conduite terrestre. 

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Nous avons vu concernant le sort du héros que la réplique du Ciel à l'énoncé de celui-ci «je confie mon sort à Dieu» fut: «Dieu préserva ce Croyant de leurs méchantes ruses». Dans cette séquence, outre le trait romanesque qui consiste en l'établissement d'un lien entre le discours du héros à l'adresse de son peuple, et le commentaire du récit sur ce discours, il y a un message idéologique qu'il est important de retenir, car il est chargé d'enseignements. En effet on doit remarquer que ce héros a dissimulé sa foi durant de longues années (pour des raisons relevant du principe de la taqiyyah (la dissimulation légale de la foi) qui requiert une telle dissimulation tantôt par souci de préserver la pratique religieuse, tantôt pour mieux servir sa foi, au moment propice, tantôt pour préparer une révolution pour les raisons précitées et par la nécessité qu'impose la nature de l'action clandestine des mouvements de libération. Et subitement, il nous surprend en manifestant sa colère au moment approprié, et selon une méthode psychologique intelligente: d'abord en se présentant sur un registre de neutralité. «Tuerez-vous un homme parce qu'il a dit: "Mon Seigneur est Dieu?"».(32) Puis en se montrant solidaire avec son peuple et soucieux de son intérêt: «la royauté vous appartient aujourd'hui, et vous triomphez sur la terre; mais qui donc nous délivrera de la rigueur de Dieu quand elle nous atteindra?»(33), et avant tout cela il a calmé le jeu ou tempéré l'enjeu en déclarant: «S'il est menteur, son mensonge retombera sur lui; s'il dit la vérité, ce dont il vous menace vous atteindra...».(34) Par cette méthode le héros a modéré l'importance du problème d'une part, l'a lié à l'intérêt du peuple de l'autre (au cas où Moïse aurait dit la vérité) - ce qui sert à rassurer les gens quant à ses bons sentiments envers eux, avant de monter progressivement le ton en leur rappelant d'abord le sort réservé aux peuples passés et comment ils avaient mis en doute le message de Joseph (P), et en affichant enfin sa véritable position lorsqu'il a utilisé le même ton franc sur lequel Moïse (P) s'était adressé à eux, c'est-à-dire le langage de la confrontation directe avec les tyrans, mais formulé selon un style affectif propre à tous les messages du Ciel, et doublé du langage de la menace, mais une menace plutôt paternelle que vindicative, car elle vise à amener les gens à la Foi avec tout ce qu'elle apporte de bienfaits dans ce bas-monde et dans l'Au-delà, au peuple. En tout état de cause, le héros a commencé par la taqiyyah (dissimulation de la Foi) pour avancer progressivement vers la "neutralité" et arriver enfin à "la confrontation franche", et d'autant plus directe qu'il était amené à envisager le pire pour lui-même: son arrestation ou son assassinat. Et là il s'est écrié: «je confie mon sort à Dieu».(35) Moralité, il est important, d'une part, de savoir dissimuler parfois notre foi, pour pouvoir par la suite exploiter notre position, le moment venu, d'une façon intelligente, et non passionnelle ni naïve qui ne tient pas compte des circonstances ambiantes, et d'autre part de nous confier et de nous fier à Allah lorsque nous nous engageons dans la confrontation directe.  

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Le récit a conclu le sort du héros et ceux de ses ennemis d'une façon brève et sans détails. Concernant le sort du premier, le héros, le récit s'est contenté de faire allusion à la préservation de sa vie terrestre: «Dieu préserva ce croyant de leurs méchantes ruses».(36) Notons tout d'abord que ce qui importe pour le récit c'est d'établir un lieu de cause à effet entre le fait que le héros se soit confié à Allah et le fait qu'Allah l'ait sauvé des menées méchantes de ses ennemis. Et s'il a tissé un silence autour de la façon dont fut sauvé le héros, c'est parce qu'il s'intéresse uniquement au salut lui-même du personnage et non à son comment. Telle est donc la justification romanesque de l'absence de détails relatifs au sort du Croyant des gens de Pharaon. En effet, ce que vise le récit, c'est d'attirer notre attention sur la soustraction du héros aux mauvais desseins des gens de Pharaon à son égard, dès lors qu'il s'était confié à Allah. "La confiance en Allah", voilà le message que cette séquence du récit nous transmet, après nous avoir communiqué le message de la taqiyyah et le message de "la confrontation directe avec les ennemis" dans le domaine du jihâd. "Se confier à Allah" signifie que le combattant dans les champs de bataille ou dans le domaine du combat intérieur (le grand jihâd contre le moi), ou encore dans tout acte envers d'Allah, est assuré de la protection du Créateur lorsqu'il se trouve dans les difficultés - si extrêmes soient elles, à condition que cette confiance soit sincère, profonde et éprouvée dans tous les actes d'adoration en général. Et c'est ce que nous avons observé dans les actes ou la conduite du Croyant: il a dissimulé sa foi pour la cause d'Allah; il est intervenu dans le projet de l'assassinat de Moïse, pour la cause d'Allah ; il a conseillé son peuple, puis l'a menacé - au risque de s'exposer à la mort - pour la cause d'Allah. Il avait confié son sort à Allah, et Allah ne l'a pas déçu: IL l'a préservé des méchantes ruses des gens de Pharaon et IL a administré à ceux-ci le châtiment le plus dur.

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Passons maintenant au sort des gens de Pharaon. Le récit, là encore, fait l'économie des détails du sort réservé à ces tyrans, se bornant à annoncer: «et les gens de Pharaon, Dieu les enveloppa du châtiment le plus dur»,(37) réalisant ainsi une symétrie ou un équilibre entre le sort du héros sauvé par le Ciel sans plus de détails sur ce sauvetage et la vengeance du Ciel des ennemis, sans plus de détails sur cette vengeance. On ne peut donc qu'apprécier cet art romanesque qui se signale clairement à travers cet équilibre géométrique entre le sort respectif des deux parties du conflit: la Vérité et le Faux. Mais il est à noter que le récit n'est pas encore sorti du cadre du sort terrestre des gens de Pharaon. Car nous avons déjà dit, au début de notre exposé, que le milieu dans lequel évolue le récit est composé de trois milieux: le milieu de la vie terrestre, le milieu de Barzakh (tombeau), et le milieu de la vie de l'Au-delà. Il reste donc encore deux milieux qui attendent les gens de Pharaon: le Barzakh ou la tombe, et le milieu infernal dans la Vie future. Mais avant d'aborder ces deux milieux, il est important d'établir un lien de causalité, sur le plan de l'art romanesque, entre lesdits milieux et les derniers mots par lesquels le Croyant a achevé son discours à l'adresse de son peuple... Comme on s'en souvient, à peine ce Croyant a-t-il dit: «Je confie mon sort à Allah»(38), le récit a annoncé au début de la séquence suivante: «Dieu préserva ce croyant de leurs méchantes ruses».(39) Mais le héros avait dit aussi: «Ô mon peuple! Pourquoi vous appellerais-je au salut, alors que vous m'appelez au feu»(40) et «vous vous souviendrez de ce que je vous dis».(41) Ces deux dernières paroles du Croyant dénotent une signification romanesque de la première importance dans la mesure où elles se refléteront sur les sorts des gens de Pharaon dans ce monde et dans la Vie future en particulier, c'est-à-dire dans le milieu de Barzakh (tombe) et le milieu de l'Enfer. En d'autres termes, ou en terminologie de la critique romanesque, les deux phrases par lesquelles le héros a clos son discours, "développent" le mouvement des péripéties et les font évoluer organiquement, de sorte qu'elles laissent un effet "causal" sur la variation des péripéties suivantes et sur leur attachement à tel sort ou tel autre. En effet, l' "Enfer" dont le héros a menacé les gens de Pharaon et le salut auquel il les a invités se sont concrétisés par le "salut" (la vie sauve) effectif du héros et la "punition" effective de ses interlocuteurs (les gens de Pharaon). En outre les péripéties du récit réalisent les prédictions du héros: «Vous vous souviendrez de ce que je vous dis», et font rappeler les gens de Pharaon, mais quand ce sera trop tard.  

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Présentons maintenant le milieu eschatologique, dans ses deux volets, en l'occurrence le milieu de Barzakh et le milieu du Jour dernier, et examinons leur rapport aux paroles du héros: «les pervers deviendront les hôtes du Feu»(42) et «vous vous souviendrez de ce que je vous dis». Il est indubitable que les tyrans se souviendront de ce que le héros leur a dit de même qu'il ne fait pas de doute qu'ils deviendront comme l'a promis les héros, les hôtes du Feu subconséquemment à leur persévérance dans la tyrannie. Le voilà donc le milieu de Barzakh qui arrachent les coeurs des tyrans sans relâche: «Le Feu, ils (y) seront exposés matin et soir».(43) Et voilà le milieu du Jour dernier où ils doivent entrer dans le Feu auquel ils ont été exposés matin et soir, dans la tombe: «l'on dira, le Jour où se dressera l'Heure: "Introduisez les gens de Pharaon au sein du châtiment le plus dur"».(44) Le lecteur peut s'interroger ici sur la justification (romanesque) de la présentation du milieu de Barzakh d'abord, et de celui du Feu (et notamment cette séquence: «introduisez les gens de Pharaon au sein du châtiment le plus dur») par la suite? Nous verrons dans la dernière partie du récit une place spéciale pour les gens de Pharaon dans le milieu du Feu, dans laquelle sont exposées les discussions de ces derniers entre eux, et les blâmes que les uns adressent aux autres, ainsi que le reflet d'autres péripéties du récit sur la relation organique établie entre la conduite des gens de Pharaon dans la vie terrestre et son incidence sur leur position dans l'Au-delà, ainsi que sur leur façon d'agir avec le héros (le Croyant des gens de Pharaon). Avant de traiter de la signification romanesque de la présentation de Barzakh, puis du milieu de l'Enfer lui-même à travers les discussions que les gens de Pharaon y engagent, il est nécessaire de noter que le héros (le Croyant) disparaîtra complètement de la scène, exactement comme l'a fait avant lui, Moïse, et que cette dernière partie du récit sera réservée exclusivement aux gens de Pharaon (dans le milieu eschatologique de l'après vie terrestre).  

Quant à la raison technique de la disparition du héros des théâtres des événements, la question ne pose pas dans la mesure où nous avons déjà expliqué que le rôle du héros s'est achevé avec l'achèvement de sa mission de confronter les tyrans dans la vie terrestre. En ce qui concerne son rôle dans la vie de l'Au-delà, il s'inscrit dans un autre registre et se limite à la réflexion de l'écho de ses paroles, ses prédictions et ses conseils sur les sorts réservés aux gens de Pharaon aussi bien dans la tombe qu'en Enfer. 

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Le Croyant des gens de Pharaon a allongé son discours à l'attention de son peuple, et cet allongement a, sans aucun doute, sa justification. Ses interlocuteurs, Pharaon en tête, ont réagi à ce discours par le sarcasme, par une attitude encore plus orgueilleuse et par plus d'entêtement. De là, proportionnellement à l'allongement du discours, on peut prévoir que la punition, dont le héros a menacé son peuple sera allongée aussi pour qu'il y ait équilibre (sur le plan de l'art romanesque) entre l'espace (ou la durée) consacré à l'exposé des conseils et des menaces du Croyant et la durée ou l'espace qu'occupe la description de la punition subconséquente au refus des gens de Pharaon d'écouter ses conseils, après avoir ignoré les conseils de Moïse, avant lui également. Ainsi le récit a consacré à la description de l'environnement de Barzakh où sombrent les gens de Pharaon une place qui correspond à leurs attitudes et leurs menées criminelles: ils ont tué les hommes, laissé vivre les femmes en veuves et orphelines, égorgé les enfants, outre qu'ils se sont entêtés dans leur orgueil malgré les conseils sincères et désintéressés prodigués non seulement par un étranger comme Moïse, mais aussi par un jeune issu de leurs rangs, faisant partie de la clique au pouvoir, ou mieux un proche parent de Pharaon, un cousin selon certains textes d'exégèse. Malgré tout cela, les gens de Pharaon ont persisté dans la mauvaise voie, attirés viscéralement par l'amour du pouvoir. L'insolence et la vanité de Pharaon ont été portées à leur apogée lorsqu'il a demandé à son ministre impuissant Hâmân de lui construire une tour qui lui permettrait de voir le Ciel, se moquant ainsi de Dieu! Quel horrible sort peut-on prévoir dès lors à un tel tyran, à sa clique gouvernante et à son peuple dominateur! Même la lie du peuple, les faibles de son peuple étaient éblouis par son faux pouvoir, et l'ont suivi et ont suivi sa clique, aspirant à de petits gains, préférant la vie d'ici-bas à celle de l'Audelà, choisissant la tranquillité plutôt que le combat sur le Chemin d'Allah, bien que ce Chemin leur ait été bien montré par ceux, parmi eux, qui ont répondu à l'Appel de la Vérité, ont cru et ont épousé la cause d'Allah malgré toutes les épreuves qu'ils ont subies à cet égard.  

Donc l'amour du pouvoir et la préférence de la tranquillité, malgré l'évidence de la Vérité et la profusion de conseils prodigués, déboucheront forcément sur un sort dont l'horreur est proportionnelle à la jouissance terrestre tant recherchée, et qui s'est évaporée en quelques secondes, emportée par la noyade qui les a livrés au fond de la mer. Mais la mer n'a pas tardé à les livrer à son tour à la chaleur du Feu. Les eaux froides les ont remis aux flammes brûlantes. Les voilà donc, après avoir été emportés par la mer, «exposés matin et soir au Feu», et tout ceci avant le Jour dernier où ce qui les attendra sera de tout autre ampleur. 

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Dans le milieu du Jour du Compte les gens de Pharaon commencent à se souvenir du héros et de ce qu'il leur a dit: «Vous vous souviendrez... ». Ne leur a-t-il pas montré clairement la voie du salut? Ne leur a-t-il pas dit que «les pervers deviendront les hôtes du Feu»? Ils se mettent à se blâmer mutuellement. Chacun rejette sur l'autre la responsabilité de son égarement. Ils se souviennent tous des prédictions du héros. Mais à quoi bon. Ici il n'ont aucune alternative. L'Enfer et rien que l'Enfer; alors qu'ils avaient le choix le jour où le héros s'est adressé à eux en leur indiquant les deux voies opposées qui se dessinent devant eux: la voie du Paradis et la voie de l'Enfer.  

* * * 

Le récit s'achève sur cet exposé sur les gens de Pharaon dans le milieu d'Enfer: «Lorsqu'ils se disputent dans le Feu, les faibles diront aux orgueilleux: "Nous vous avons suivis ; pouvez-vous, maintenant, nous préserver d'une partie de ce Feu?". »Les orgueilleux diront: "Nous y sommes tous plongés" - Dieu juge Ses serviteurs - ».(45) Tel est le dialogue qui se noue entre les deux classes des gens de Pharaon: les faibles et les orgueilleux. Il est un autre dialogue qui s'engage entre les gens de Pharaon et les gardiens de la Géhenne: «Ceux qui seront dans le Feu diront aux gardiens de la Géhenne: "Priez votre Seigneur de diminuer d'un jour notre châtiment". »Les gardiens diront: "Vos Prophètes ne vous ont-ils pas apporté des preuves décisives? Ils répondront: "Oui, ils sont venus!". Les gardiens diront: "Invoquez Dieu!", mais la prière des incrédules n'est qu'aberration!»(46) Cette présentation qui conclut le récit tranche tout. Elle est un développement organique et une évolution artistique d'un exposé riche en péripéties et en situations dans lesquelles le héros, le gens de Pharaon et par la réplique de Pharaon à cette argumentation. Moralité, le public qui avait assisté à la réunion tenue par Pharaon et sa clique, ou qui a reçu l'écho de l'intervention du héros, de son discours et de ses conseils sincères, ce public avec son tyran Pharaon et tous les autres orgueilleux, tiennent une réunion semblable dans la Géhenne, mais uniquement pour se blâmer les uns les autres, et non pour choisir la voie à suivre, comme ils en avaient la possibilité lors de la première réunion, celle de la vie terrestre. Voilà les faibles, ceux qui se sont contentés de suivre, qui avaient léché les pieds de leurs chefs, qui se sont comportés en stipendiés pour satisfaire les désirs malsains de leurs maîtres, qui se sont préféré la tranquillité et la jouissance éphémère, les voilà qui blâment leurs maîtres: «Nous vous avons suivis; pouvez-vous, maintenant, nous préserver d'une partie de ce Feu?»(47) Et leurs chefs de répondre, sur un ton qui, exaspère leur sentiment de douleur, d'amertume et de regret: «Nous y sommes tous plongés. Dieu juge Ses serviteurs». Combien ces stipendiés se sentent-ils bafoués, écrasés et frustrés lorsqu'ils entendent leurs commanditaires se dégager de toute responsabilité? Tout ceci concerne le dialogue des gens de Pharaon entre eux. Quant à leur attitude envers les gardiens de la Géhenne, elle est pire encore. Lorsqu'ils ont demandé à ces derniers de prier Allah pour qu'IL diminue, même d'un seul jour, leur châtiment, ceux-ci leur ont rappelé (comme l'avait fait le héros) les Prophètes qui étaient venus vers eux avec des preuves évidentes à l'appui. Et ces gardiens d'ajouter: «Priez Dieu vous-mêmes!». Ils l'ont dit en se moquant des gens de Pharaon, de la même façon dont Pharaon s'était moqué du héros, dans la réunion terrestre, lorsqu'il avait demandé à son ministre Hâmân, sur un ton moqueur, de lui construire une tour lui permettant d'avoir une vue sur le Ciel afin de voir le Dieu du Croyant des gens de Pharaon. La réplique artistique à la moquerie de Pharaon est donc cette réponse sarcastique lancée par les gardiens de la Géhenne à la figure des tyrans et de leurs agents stipendiés, qui avaient préféré la jouissance éphémère de la vie terrestre et qui avaient raillé les croyants. 

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Sourate (55): Le Miséricordieux (Al-Rahmân) 

Le Récit des Quatre Paradis


A- La Sourate  

46 Il y aura deux Jardins destinés à celui qui redoutait le lieu où se dressera son Seigneur. 

47 Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux, vous nierez? 

48 Deux Jardins pleins de floraison  

49 Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux, vous nierez?

  50 Où coulent deux sources.  

51 Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux, vous nierez?

  52 Où il y aura toutes les espèces de fruits. 

53 Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux vous nierez? 

54 Ils seront accoudés sur des tapis aux revers de brocart et les fruits des deux Jardins seront à leur portée. 

55 Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux vous nierez? 

56 Là, ils rencontreront celles dont les regards sont chastes et que ni homme ni djinn n'ont jamais touchées avant eux.

  57 Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux vous nierez? 

58 Elles seront semblables au rubis et au corail. 

59 Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux vous nierez?  

60 La récompense du bien est-elle autre chose que le bien? 

61 Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux vous nierez?

  62 Il y aura deux autres Jardins en deçà de ces deux-là. 63 Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux vous nierez? 64 Deux Jardins ombragés 65 Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux vous nierez? 66 Dans lesquels jaillissent deux sources. 67 Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux vous nierez? 

68 Ces deux Jardins contiennent des fruits, des palmiers, des grenadiers.  

69 Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux vous nierez? 

70 Il ya aura là des vierges bonnes et belles.  

71 Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux vous nierez? 

72 Des Houris qui vivent retirées sous leurs tentes.

  73 Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux vous nierez?

  74 Que ni homme ni djinn, n'a jamais touchées avant eux. 


75 Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux vous nierez? 

76 Ils seront accoudés sur des coussins verts et sur de baux tapis.

  77 Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux vous nierez? 

78 Béni soit le Nom de ton Seigneur plein de Majesté et de Munificence.  

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Le récit des "Quatre Paradis" occupe les versets 46-78 de la sourate "le Miséricordieux" (alRahmân). Mais avant d'aborder le récit qui nous intéresse, il convient de dire quelques mots à propos de cette Sourate qui se détache des autres chapitres du Coran par beaucoup de ses aspects, et que le Noble Prophète a qualifiée de 'Arûs al-Qor'ân (l'épousée du Coran), c'est-à-dire la plus belle, la plus gracieuse etc... étant donné que les plus beaux jours de la vie d'une femme ce sont les jours de noces où elle met en évidence toute sa beauté et toute sa grâce et qu'elle se voit chérie, choyée et entourée de tous les soins. 


En fait la Sourate "le Miséricordieux" se signale à l'esprit du lecteur aussi bien par sa forme (la force du style, l'intensité des images, la beauté de la description etc...) que par son contenu (ses thèmes et ses messages). Le célèbre orientaliste et traducteur du Coran, le Professeur Jacques Berque a dit à propos de ce chef-d'oeuvre: «Cette sourate, en forme de psaume à répons, dirait-on, ou du moins à refrain, serait par sa grâce, 'arûs al-Qur'ân (la Fiancée du Coran). Tout entière elle commente l'attribut divin Rahmân (...). Ce qui est sûr, c'est que toute la sourate, comme Mu'allaqa de Labîd, se place, pour des raisons rhétoriques ou didactiques, sous le signe duel. On ne peut rester insensible à son grandiose souffle lyrique».(48) La Sourate "Le Miséricordieux" expose en général les différents Bienfaits, matériels, moraux et spirituels qu'Allah a accordés à Ses serviteurs. C'est pourquoi on pourrait l'appeler la "Sourate de la Miséricorde" ou la "Sourate du Bienfait", et c'est la raison pour laquelle elle débute par le Nom béni du "Miséricordieux" qui forme à lui seul un verset, le premier. On ne manquera pas de remarquer qu'un verset en duel (tous deux, vous..) revient en refrain plus ou moins régulier, trente et une fois: «Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux, vous nierez» pour souligner à l'attention aussi bien des humains que des djinns l'évidence et le caractère irréfragable des manifestations de la Miséricorde d'Allah à travers Ses innombrables Bienfaits. Cependant, on peut diviser les contenus de la Sourate en cinq parties: - La première partie (qui couvre les premiers versets) met en évidence les grands Bienfaits divins relatifs à la création de l'homme, à son éducation et à son instruction, à sa nourriture spirituelle et corporelle. - La deuxième partie explique la question de la création des hommes et des djinns. - La troisième partie énumère les Signes et les Preuves divins sur la terre et dans le ciel. - La quatrième partie décrit d'une façon précise et détaillée les Bienfaits et les privilèges (matériels et moraux) réservés dans le Paradis aux serviteurs pieux. - La cinquième partie le destin des pécheurs et des criminels et le châtiment sévère qui les attendra est brièvement abordé. La raison de cette brièveté dans la présentation du destin des pécheurs, qui contraste singulièrement avec la description très détaillée de la récompense décernée aux croyants pieux tient au fait, justement, que cette Sourate est consacrée à la Miséricorde d'Allah qui touche généralement tout le monde, y compris les pécheurs, surtout lorsqu'ils se montrent repentants. Il est dit que la récitation de cette sourate appelle beaucoup de bénédictions et apporte de nombreuses récompenses spirituelles.  

En effet, selon Obay Ibn Ka'b, le Prophète a dit: «Allah compatira à la faiblesse de quiconque récite la Sourate al-Rahmân; celui qui la récite aura montré sa gratitude envers les Bienfaits qu'Allah lui a accordés». Et d'après un hadith attribué à l'Imâm Ja'far al-Sâdiq (p): «Ne manquez pas de réciter la Sourate Al-Rahmân (....) laquelle se présentera à son Seigneur, le Jour de la Résurrection, sous forme humaine, impeccablement présentable et dont exhale le meilleur parfum, et se placera le plus proche possible d'Allah. Allah lui demandera alors: "Qui te récitait avec assiduité et s'appliquait à ta récitation avec persévérance dans le bas-monde?". Elle répondra: "Untel, Untel et Untel...". Ceux-ci seront alors blanchis (de tous péchés) et Allah leur dira: "Intercédez en faveur de quiconque vous désirez". Là ils intercéderont en faveur de tous ceux qu'ils voudront, jusqu'à ce qu'il ne reste plus personne en faveur duquel ils désireront intercéder. Allah leur dira alors: "Entrez au Paradis et installez-vous là où il vous plaira».(49) Selon l'Imâm al-Sâdiq également: «On doit réciter la Sourate al-Rahmân le vendredi, et dire "Je ne nie aucun de Tes Bienfaits, O Seigneur!", chaque fois qu'on récite le verset "Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux, vous nierez"».(50) Toujours, selon l'Imâm: «Quiconque récite la Sourate al-Rahmân, la nuit, et dit "Je ne nie aucun de Tes Bienfaits, O Seigneur!" après chaque récitation du verset "Quel est donc celui des Bienfaits de votre Seigneur que, tous deux, vous nierez", Allah le fera escorter d'un Ange protecteur jusqu'au matin, et s'il fait la même chose (la même récitation) à son réveil, le matin, Allah le fera escorter d'un Ange protecteur jusqu'au soir».(51)


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B-Le Récit 

Dans cette Sourate, "Le Miséricordieux" il y a une narration qui décrit deux par deux, quatre Paradis dans le milieu de l'Au-delà, c'est-à-dire qu'il y a deux Paradis pour un héros et deux autres pour un second héros, et que chaque couple de Paradis est décrit - quant aux détails du milieu - d'une façon distincte de l'autre, distinction certainement significative, sur laquelle il est important de nous attarder. Lisons tout d'abord l'introduction faite par le récit, des deux premiers Paradis: «Il y aura deux Jardins destinés à celui qui redoutait le lieu où se dressera son Seigneur. »Quel est donc celui des bienfaits de votre Seigneur que, tous deux, vous nierez? »Deux Jardins pleins de floraison».(52) Lisons ensuite l'introduction faite par le récit des deux autres Paradis: «Il y aura deux autres Jardins en deçà de ces deux-là.  

»Quel est donc celui des bienfaits de votre Seigneur que, tous deux, vous nierez? »Deux Jardins ombragés».(53) Cela suppose qu'il y a deux Jardins dont l'environnement est identique en tout: plantes, eau, tapis ou Houris etc., et deux autres Jardins qui sont également identiques mais qui diffèrent des deux premiers. Une question se pose alors: les quatre Jardins ou plutôt les deux doubles Jardins sont-ils destinés à un même type de croyants considérés selon leur degré de piété? Ou bien les deux couples de Jardins ou les deux doubles Jardins représentent-ils deux niveaux ou deux positions préférentiels dans la hiérarchie des valeurs islamique, comme nous allons le remarquer dans la Sourate (56): "L'Échéant" (al-Wâqi'ah) par exemple, où la position réservée aux "Premiers" est supérieure à celle destinée pour les "gens de la droite?" L'importance de cette question réside en ceci qu'elle expliquerait l'importance du devoir ou de l'action de l'homme sur la terre, devoir ou action qui traduit le degré de sa piété (dans ce monde) et détermine la position qu'il occupera, en conséquence, dans le Paradis. Référons-nous donc au récit pour tenter d'obtenir des éléments de réponse à cette interrogation. 

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Selon certains textes de tafsîr (exégèse), les deux couples de Jardins sont destinés aux mêmes types de croyants qui peuvent s'y déplacer à leur guise, mais ce qui les distingue, c'est que les deux premiers constituent une sorte de siège particulier pour le croyant, alors que les deux autres qui se situent tout près de ce siège particulier restent à sa disposition et il peut en jouir quand il le veut. Mais cette interprétation n'est pas plausible pour deux raisons: 1- Parce qu'elle est contraire au sens obvie du texte littéraire; 2- Parce qu'elle est contredite par d'autres exégèses plus crédibles. En effet sur le plan de la structure romanesque du récit, nous - lecteurs ou auditeurs - ne pouvons pas concevoir qu'un récit puisse construire son ossature sur deux doubles Jardins différents l'un de l'autre, sans que cette différence se reflète sur les héros pour lesquels ces Jardins constituent les environnements et les lieux de jouissance. Donc logiquement il doit y avoir forcément deux types différents de héros qui occuperont respectivement les deux doubles Jardins distincts, chacun selon son rang. Le critique littéraire ou quiconque possède un goût romanesque en général et connaît les procédés d'esquisse d'un "milieu" et d'un "héros" ou "personnage", et les rapports organiques entre les deux, peut, même sans avoir connaissance des textes de tafsir, déduire que les deux premiers Jardins sont destinés à une catégorie de personnes différente d'une autre catégorie, laquelle devrait être inférieure. Autrement, il n'y aurait pas de justification technique à cette division des Jardins sur le plan de l'ossature romanesque générale. Mais ce qui est encore plus déterminant à cet égard, c'est que les textes de tafsîr dignes de foi, attribués aux Ahl-ul-Bayt vont dans ce sens: ce qui incite à mieux apprécier la valeur de la technique romanesque qui caractérise les récits du Noble Coran, puisqu'elle permet au lecteur de découvrir lui-même le message que le récit renferme, comme nous allons le voir plus clairement au fur et à mesure que nous développons notre étude de ce récit. Ce qui nous intéresse à présent, c'est d'aborder, en premier lieu, les détails relatifs aux deux premiers Jardins, et par conséquent aux héros qui en jouissent, et de montrer le lien entre tout ceci avec la tâche d'adoration dont l'homme doit s'acquitter sur la terre, car le sort (réservé aux héros) que le récit dépeint ici dépend de la conduite que le croyant aura choisie sur la terre lorsqu'il s'y trouve tiraillé par le conflit intérieur entre le désir et la raison. 

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La description du milieu de l'Au-delà débute dans ce récit de la façon suivante: «Il y aura deux Jardins destinés à celui qui redoutait le lieu où se dressera son Seigneur». Ce début romanesque revêt une importance esthétique réjouissante relativement à l'ossature du récit et son incidence sur ses messages idéologiques qui cherchent à distinguer deux catégories de personnes qui occuperont subséquemment deux positions différentes dans le milieu paradisiaque. Le récit dit qu'il y a deux Jardins destinés à celui qui redoutait son Seigneur. Mais qui est "celui qui redoutait son Seigneur?" Comment le déterminer? La crainte d'Allah ou la crainte révérencielle en général signifie qu'une personne observe les commandements et les interdictions de telle sorte qu'elle mérite une récompense proportionnelle au degré de son observance des ordres d'Allah. Cette observance des principes divins peut être qualifiée de très élevée, d'un degré tellement supérieur qu'elle dépasse tous les degrés qu'il puisse y avoir entre l'observance et la nonobservance, entre l'obéissance et la désobéissance, entre la détermination (à observer un principe divin) et l'hésitation, entre la sincérité dans l'observance et l'observance dont se dégage une odeur d'égoïsme. Les textes de tafsîr projettent une lumière claire sur ce sujet, surtout lorsqu'ils émanent des Imâms d'Ahl-ul-Bayt(54). En effet, l'Imâm al-Bâqer dit à ce propos: «Un homme est très attiré par la satisfaction d'un des désirs de ce monde. Mais la satisfaction de ce désir s'avère constituer une désobéissance à Allah. Cet homme se rappelle alors "le lieu où se dressera son Seigneur"... Il abandonne donc son désir par crainte d'Allah. Et c'est lui qui aura été désigné par ce verset(55) coranique, et les deux Jardins évoqués dans ledit verset sont aux croyants pieux et aux premiers d'entre eux à avoir obéi à Allah». L'Imâm Ja'far al-Sâdiq, commentant ce même verset dit à son tour: «Celui qui est conscient qu'Allah le voit, entend ce qu'il dit et sait ce qu'il fait de bien et de mal, et qui, de ce fait s'abstient de mauvaises actions, c'est lui qui "aura redouté le lieu où se dressera son Seigneur"». Ces deux hadîths de tafsîr expliquent on ne peut plus franchement et clairement que les deux Jardins décrits par le récit reviendront aux personnes qui se seront abstenues de tout péché par crainte d'Allah. Donc c'est l'observance totale des principes divins, sans que cette observance soit entachée d'un acte de désobéissance, qui conduit un croyant à occuper, au Paradis, une position que d'autres, qui auraient commis, d'une façon ou d'une autre, un péché, ne pourront obtenir. Ceci est le message idéologique de ce début romanesque: «Il y aura deux Jardins destinés à celui qui redoutait le lieu où se dressera son Seigneur». Passons ensuite à la signification technique ou romanesque (de ce début), et à son lien avec les parties suivantes du récit, lesquelles apporteront un éclairage complet sur cet aspect.  

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Nous avons expliqué que le début romanesque qui évoque deux Jardins, indique que ceux-ci incarnent une position on ne peut plus sublime, étant donné qu'ils sont destinés à des croyants que la crainte révérencielle empêche de commettre un péché, si minime soit-il, ce qui leur fait mériter une récompense supérieure à celle destinée à des gens dont la conduite obéissante est teintée de péché ou marquée d'hésitation. Mais d'un point de vue purement romanesque, ce début annonce clairement que le couple de Jardins en question est destiné aux "premiers des croyants" et aux croyants pieux, et non aux croyants en général, pour lesquels un autre couple de Jardins, inférieurs aux deux premiers, sont réservés. Nous pouvons saisir cette différence entre les deux doubles Jardins à travers le lien que le récit nous laisse établir entre son début et sa fin. Ainsi, alors que le début du récit annonce: «Il y aura deux Jardins destinés à celui qui redoutait le lieu où se dressera son Seigneur», la fin conclut: «La récompense du bien est-elle autre chose que le bien?».(56) Or, il est évident que le mot "bien" (ihsân) ne couvre sa signification linguistique (en arabe) que s'il est accompagné ou synonyme d'absence totale de péché, position qui qualifie les premiers à avoir la "Foi" ou les croyants marqués par la crainte révérencielle, ou la piété (taqwâ), comme l'expliquent les textes de tafsîr que nous avons consultés. En tout état de cause, la structure architecturale du récit (le début et la fin) montre ce lien entre la "crainte d'Allah" et le "bien", ce qui concorde avec les textes de tafsîr relatifs à ce sujet. Maintenant, lorsque nous laissons de côté le début et la fin du récit pour nous diriger vers ce qu'on appelle en langage de littérature romanesque le "milieu", à savoir l'espace dans lequel se développent les péripéties - s'il s'agit d'un roman d'action - ou la description, s'il s'agit d'un roman descriptif, comme c'est le cas dont nous traitons ici, il nous faut nous arrêter longuement sur les dimensions de ce "milieu" et sur ses héros (personnages) dont les traits nous ont été dévoilés, à travers le début et la fin du récit, et qui ont eu le privilège d'accéder à ces deux Jardins sublimes. 

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Le récit dit à propos de ce milieu ou de ces deux Jardins: 1- qu'ils sont «pleins de floraison»(57); 2- «où coulent deux sources»(58); 3- «où il y aura deux espèces de tout fruit»(59); 4- «Ils seront accoudés sur des tapis aux revers de brocart et les fruits des deux Jardins seront à la portée»(60); 5- «Ils y trouveront celles (les Houris) aux regards chastes, qu'avant eux aucun homme ou jinn n'aura déflorées».(61) «Elles seront semblables au rubis et au corail».(62) Telles sont les dimensions ou les ingrédients de ces deux Jardins sublimes qui représentent les hautes positions du Paradis par rapport aux autres. Mais pour connaître la nature de la différence entre la première et la seconde classe de croyants, si l'on peut s'exprimer ainsi, nous devons lire les ingrédients de deux Jardins inférieurs aussi: «Il y aura deux autres Jardins en deçà de ces deux-là».(63) Que cachent-t-ils?: 1- «Deux Jardins ombragés»(64); 2- «Dans lesquels jaillissent deux sources»(65); 3- «Ils contiennent des fruits, des palmiers, des grenadiers»(66); 4- «Il y aura là des vierges bonnes et belles»(67);  

5- «Ils seront accoudés sur des coussins verts et sur de beaux tapis».(68) De prime abord, on croirait que les ingrédients des deux couples de Jardins sont identiques ou semblables, mais lorsqu'on les examine de plus près, on découvre vite qu'il y a une différence entre eux, différence qui renforce la thèse selon laquelle chaque couple de Jardins est destiné à une catégorie différente de croyants, et non celle selon laquelle les deux premiers Jardins servent de siège particulier, et les deux autres comme un lieu public. En effet, il y a cinq éléments communs dans les quatre Jardins ou les deux couples de Jardins: 1- Les plantes ou les arbres; 2- L'eau ou les sources; 3- Les fruits; 4- Les lits, etc. 5- Les Houris. Mais si chacun de ces cinq éléments semble identique dans certains de ses aspects dans les deux couples de Jardins, il en diffère de l'un à l'autre, dans d'autres aspects. Essayons maintenant d'examiner minutieusement chacun de ces cinq éléments, tout en notant qu'ils sont apparus dans le même ordre dans les deux descriptions (sauf pour les houris et les lits): 1- la plante, 2- l'eau, 3- les fruits. Concernant les lits et les Houris, ils paraissent respectivement en quatrième et cinquième position dans la description des deux Jardins supérieurs, et inversement dans les descriptions des deux Jardins inférieurs. Or, il ne fait pas de doute que la description de chacun des cinq éléments suivant un ordre précis revêt une importance architecturale dans l'ossature du récit: les arbres, l'eau, les fruits. De même, concernant les deux Jardins destinés aux croyants de la première catégorie, le fait de faire figurer la description des lits (4e dans l'ordre) avant la description des Houris (5e dans l'ordre), est significatif sur le plan architectural (de l'ossature du récit). La question qui se pose maintenant est: pourquoi la description des lits figure dans la quatrième position, avant la description des Houris lorsqu'il s'agit des croyants de la première catégorie, alors que cet ordre est inversé dans le cas de la seconde catégorie? Cette interrogation, tout comme l'interrogation relative à la différence entre les deux catégories de croyants, est d'une grande importance dans la mesure où elle se rapporte à notre conduite dans la vie terrestre et à la conséquence de cette conduite (selon nos préoccupations spirituelles et matérielles) sur la récompense dans l'Au-delà, récompense qui nous prépare un environnement qui concorde avec la nature de nos préoccupations spirituelles et matérielles dans l'Au-delà aussi.  

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Nous avons dit que les quatre Jardins, les deux Jardins supérieurs et les deux Jardins inférieurs renferment cinq éléments ou cinq ingrédients environnementaux: les plantes, l'eau, les fruits, les lits, les Houris. Il nous faut maintenant comparer chacun de ces cinq éléments dans les deux couples de Jardins afin de bien saisir ce qui différencie le double Jardin supérieur du double Jardin inférieur. Commençant par les plantes ou les arbres. Le récit dit à cet égard en ce qui concerne le double Jardin supérieur: «deux Jardins pleins de floraison»(69), ou «aux branches fraîches»(70) (selon une autre traduction), et en ce qui concerne le double Jardin inférieur: «Deux Jardins ombragés»(71) (ou «de verdures assombries»(72) ou «Ils sont d'un vert sombre»(73) ou «assombris à force de verdure»(74), selon d'autres traductions). Sur le plan de la dimension esthétique de chaque deux Jardins, ceux supérieurs ont des branches, et ceux inférieurs sont d'un vert sombre ou aux plantes touffues. Normalement la vue de branches suspendues tout comme la vue d'arbres assombris par la couleur ou la densité, constituent toutes deux un paysage agréable, réjouissant et merveilleux en général. Mais la différence entre la vue de branches et la vue d'arbres assombris par la couleur vert foncé ou par leur densité est évidente en ce qui concerne le degré de la jouissance esthétique que chacune des deux vues offre au spectateur ou à l'observateur. Nous pouvons percevoir cette différence à travers nos expériences dans l'observation des paysages de la nature: la vue d'une densité d'arbres ou d'arbres vert fourré n'est-elle pas moins réjouissante que la vue de branches suspendues d'une façon remarquable et harmonieuse, surtout lorsque la branche porte des fruits ou des bourgeons. En outre lorsque le branchage est bien fourni et étendu de sorte qu'il couvre une large surface, cela remplace l'élément esthétique qui caractérise les deux Jardins inférieurs, à savoir la densité ou la quantité des arbres. En d'autres termes, les deux Jardins supérieurs portent les mêmes caractéristiques et quelque chose de plus que les deux Jardins inférieurs. Ceci n'est qu'un des aspects de la différence qui distingue les deux couples de Jardins.

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Le deuxième élément commun aux quatre Jardins est l'eau.  

A propos des deux Jardins supérieurs le récit dit à ce sujet: «Où coulent deux sources».(75) Et pour ce qui concerne les deux Jardins inférieurs: «Dans lesquels jaillissent deux sources».(76) Dans le premier cas les deux sources coulent, dans le second cas, elles jaillissent. De prime abord l'eau ou la source jaillissante paraîtrait plus réjouissante que la source coulante, notamment pour nos yeux qui sont généralement plus excités par la vue du jet d'eau. Mais une observation plus minutieuse nous conduirait à avoir une réaction contraire à notre réaction ordinaire à cet égard: notre attirance vers les sources jaillissantes est passagère, par comparaison à notre attirance vers l'écoulement de l'eau ou des sources. En effet, l'écoulement de l'eau présente une variété de vues ou de paysages - suivant les divers tournants et ramifications qu'elle emprunte à partir des quatre ou six côtés (ou plus) de la source - qui chasse la monotonie qu'engendre un seul et même mouvement de l'eau qui jaillit d'une source. Certes l'eau jaillissante pourrait avoir les mêmes tournants et ramifications que l'eau de sources coulantes, mais le paysage qu'elle offre demeure moins réjouissant du fait de la nature même de son mouvement qui reste superficiel par rapport à la forme de la surface de la terre, et non pas uni à elle, comme c'est le cas de l'eau des sources coulantes qui prend la forme de cette surface. En outre la facilité de l'utilisation des eaux des sources coulantes (boire, lavage, moyen de transport) est plus grande que celle des eaux des sources jaillissantes. En un mot: l'aspect utilitaire est nettement plus perceptible dans le cas de l'eau coulante que dans celui de l'eau jaillissante. Ainsi, les eaux qui coulent demeurent plus réjouissantes et plus utiles que les sources jaillissantes, ce qui constitue une faveur supplémentaire réservée aux héros ou personnages des Jardins supérieurs par rapport à ce qui est accordé aux personnages des Jardins inférieurs. 

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Le troisième des cinq éléments que renferme l'environnement des quatre Jardins est le fruit. En ce qui concerne les fruits des Jardins supérieurs le récit annonce: «Ils contiennent deux espèces de chaque fruit»(77), et ceux des deux Jardins inférieurs:  

«Ils contiennent des fruits, des dattiers, des grenadiers».(78) Là encore, à première vue, on croirait que les deux Jardins inférieurs renferment en plus des fruits en général, les dattiers et les grenadiers, alors que dans les deux Jardins supérieurs il y a deux espèces de tout fruit. Mais lorsque nous réfléchissons un peu plus sur le texte, nous remarquerons que les deux descriptions nous permettent de constater que les croyants qui ont pour demeure les deux Jardins supérieurs, sont en fait favorisés là aussi. Certes, les dattes et la grenade - selon l'exégèse qui renvoie le texte coranique à son contexte historique - constituent les meilleurs des fruits. Et lorsque le récit nous dit que les deux Jardins inférieurs comprennent des fruits, des dattiers et des grenadiers, il entend par là que dans ces deux Jardins il y a tous les fruits, y compris les meilleurs d'entre eux, en l'occurrence: les dattes et les grenades. Mais lorsque nous nous référons aux deux Jardins supérieurs, nous nous rendrons compte qu'ils renferment tout ce que les deux Jardins inférieurs renferme, et davantage, puisque'il y a non seulement toutes les sortes des fruits (comme dans les deux Jardins inférieurs), mais en plus, il y en a deux espèces de chacun (de ces fruits). Ainsi, les raisins par exemple, se trouvent aussi bien dans les deux Jardins inférieurs que dans les deux Jardins supérieurs, mais dans ces derniers, il existe deux espèces de ce fruit: le raisin frais et le raisin sec par exemple, et chacun d'eux, est appétissant et a une propriété particulière, alors que dans les deux Jardins inférieurs il n'y en a qu'une espèce. Donc, il y une grande différence dans le degré de jouissance et de satisfaction des besoins selon qu'il est accordé aux personnages de la première ou de la seconde catégorie des croyants qui accéderont au Paradis: ceux de la première catégorie auront droit à deux espèces de chaque fruit. Une fois encore, notons que l'existence de cette différence évoque dans notre esprit la différence - dans la conduite terrestre de l'homme - entre un croyant qui ne commet aucun péché lorsqu'il se trouve comme tout un chacun, impliqué dans le conflit intérieur entre le désir et la raison, et un autre croyant qui tombe en proie à l'hésitation entre les deux parties en conflit, ou qui rate parfois l'occasion de montrer son obéissance, en ne sachant pas la saisir à temps, ou encore qui ignore les domaines de l'obéissance - y compris l'acquittement d'un acte recommandé, ce qui aura une incidence sur le degré de la récompense qui lui sera décernée le Jour dernier. * * * Il nous reste maintenant à examiner les deux derniers éléments (les lits et les Houris) que le récit cite dans un ordre différent selon qu'il s'agit des deux Jardins supérieurs ou des deux Jardins inférieurs, pour voir dans quelle mesure la description de ces deux éléments permet de percevoir la différence de traitement réservé aux héros respectifs des deux paires de Jardins. Concernant les lits préparés pour les héros des deux Jardins supérieurs, le récit raconte: «Ils seront accoudés sur des tapis aux revers de brocart et les fruits des deux Jardins seront à leur portée».(79)  

Et pour ce qui concerne ceux des deux Jardins inférieurs, il dit: «Ils seront accoudés sur des coussins verts et sur de beaux tapis».(80) Les héros des Jardins supérieurs et ceux des Jardins inférieurs jouissent tous deux du privilège de pouvoir s'accouder lorsqu'ils s'assoient. Mais la différence entre les deux catégories de héros ou de croyants, c'est que ceux du couple de Jardins supérieurs, c'est-à-dire ceux qui «redoutaient tellement le lieu où se dressera leur Seigneur» dans la vie terrestre qu'ils s'étaient abstenus du moindre péché, leur privilège est marqué par d'autant plus de soins et de jouissance que le revers de leurs lits ou tapis était de brocart, de soie à dessins. Quant à l'endroit des tapis ou des lits, le récit se tait, pour des motifs artistiques, laissant au lecteur le loisir de l'imaginer. En outre, il y une autre marque artistique qui caractérise cette image de lits à revers de brocart sur lesquels sont accoudés les héros: elle suggère au lecteur combien ces derniers vivent dans un climat de douceur, de velouté, de bien-être, de luxe, de réjouissance et de satisfaction en reposant leurs dos sur un bloc de brocart qui fait le revers du lit et non son endroit. Que dire alors de l'endroit? Le récit n'a pas besoin de le décrire (du point de vue romanesque) dans la mesure où la mise en évidence de la haute qualité du revers conduirait le lecteur à imaginer que l'endroit serait d'une qualité ou d'une douceur du moins égale sinon supérieure, étant donné qu'il a déjà découvert que ce qui distingue les héros des deux Jardins supérieurs, c'est le plus haut degré de luxe dont ils jouissent.  

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Lorsque nous abordons les personnages de la seconde catégorie et des deux Jardins inférieurs nous remarquons que l'accoudement se fait «sur des coussins verts et sur de beaux tapis»(81) (ou selon d'autres traductions: «sur des tapis verts, et des splendeurs de fable»(82), «sur des sièges verts et merveilleux, jolis»(83), ou «sur des coussins verts et des tapis épais et jolis»(84)). Ce qui est traduit par coussin ici en arabe (rafraf) lequel peut être un coussin, un tissu, les jardins particuliers du Paradis, ou toute autre chose que le récit qualifie de vert, cette couleur étant de toute évidence plaisante pour les yeux du spectateur ou de l'observateur. Quant au mot traduit ici par tapis (en arabe 'abqarî) il peut désigner lui aussi tapis ou toute autre chose que le récit qualifie de "beau" pour mieux réjouir le spectateur. Détail important sur le plan de l'art romanesque, dans ces descriptions faites relativement au milieu des personnages de la seconde catégorie, l'aspect de luxe ou de réjouissance qui prédomine regarde l'envers ou l'extérieur des choses décrites et se rapporte au sens de la vue. Ainsi, les "coussins" sont verts et les tapis, sont d'aspect beau. Donc nous avons affaire à de belles formes et aux couleurs vertes, et non à la matière ou à la substance de ces tapis, coussins ou tissus: lin, brocart, etc. Cette différence entre l'accoudoir des personnages des Jardins supérieurs et celui des personnages de la catégorie inférieure, doit faire l'objet d'un développement exhaustif, afin que nous puissions mieux saisir les aspects de la beauté artistique du récit et leurs reflets sur les indices qui font ressortir la différence entre ce qui est accordé à des personnages de la catégorie supérieure et à des personnages d'une position inférieure. Remarquons encore, au risque de nous répéter, ce grand aspect artistique du récit qui s'est ingénié à mettre en exergue la matière ou le côté intérieur des lits (le revers) sur lesquels s'accoudent les personnages de la catégorie supérieure, et la forme extérieure des lits sur lesquels s'accoudent les personnages de la catégorie inférieure. Or une grande différence sépare ces deux figures ou images: l'image de l'aspect intérieur et l'image de l'aspect extérieur. Lorsque l'aspect intérieur se traduit par "brocart" (pour les personnages des deux Jardins supérieurs), l'aspect extérieur se dévoile de lui-même, vu que celui-là (l'aspect intérieur) est plus important que celui-ci (l'aspect extérieur) d'une part, et que l'intérieur est révélateur de l'extérieur, d'autre part. Et lorsque c'est le contraire qui se produit et que seul l'endroit (l'extérieur) est mis en évidence, comme c'est le cas des accoudoirs des personnages des deux Jardins inférieurs, le revers ou l'intérieur ne se révèle pas de lui-même. 

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Mais la différence entre les deux paires de paradis ne se limite pas aux indices que nous avons soulignés jusqu'ici. Il y a un autre repère nettement plus perceptible que le récit a placé dans l'environnement des deux Jardins supérieurs permettant ainsi de le distinguer du milieu des personnages des deux Jardins inférieurs. Relisons donc chacune des deux descriptions. A propos des héros des deux Jardins supérieurs, le récit a relaté: «Ils seront accoudés sur des tapis aux revers de brocart et les fruits des deux Jardins seront à leur portée».(85) Et à propos des personnages des deux Jardins inférieurs: «Ils seront accoudés sur des coussins verts et sur de beaux tapis».(86) Ici, on remarque dans le milieu des personnages des Jardins supérieurs un détail de taille qu'on ne retrouve pas dans l'environnement des personnages des Jardins inférieurs. Ce détail ou ce plus est: «et les fruits des deux Jardins seront à leur portée». Or, dans le cas des personnages des Jardins inférieurs, ce privilège d'avoir à la portée de la main les fruits du Paradis, lorsqu'ils sont assis et accoudés sur leurs lits ou coussins, n'existe pas. La question qui se pose alors est pourquoi le fruit revient encore pour constituer un privilège pour les personnages des deux Jardins supérieurs? Et pourquoi le récit a-t-il entouré de silence cet élément (le fruit) pour ce qui concerne les personnages des deux Jardins inférieurs? La réponse à ces deux questions requiert un examen approfondi d'une série de procédés artistiques auxquels a recouru le récit et que nous abordons tout de suite. 


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Nous avons remarqué que les croyants promis aux deux Jardins supérieurs jouissent de privilèges dont sont privés ceux de la catégorie inférieure, en ce qui concerne l'accoudement sur les lits du Paradis. En outre nous avons vu apparaître un nouveau privilège accordé aux premiers, à savoir la proximité des fruits qui leur sont destinés et qui se trouvent à la portée de leurs mains lorsqu'ils sont tranquillement et paisiblement accoudés sur leurs lits ou coussins. Certes, il est possible que les personnages de la seconde catégorie jouissent du même privilège d'avoir à la portée de la main les fruits qui leurs sont destinés, surtout si l'on suppose que le récit ayant noté ce privilège chez les personnages de la première catégorie, fait l'économie de la mentionner à nouveau, lors de la description du milieu des personnages de la seconde catégorie, laissant au lecteur le soin de déduire une telle possibilité. Cette hypothèse est d'autant plus plausible que les récits coraniques recourent toujours à l'économie d'expression et évitent la répétition chaque fois que le lecteur est susceptible de deviner lui-même ce que le récit omet de répéter ou mentionner. Cependant et malgré la plausibilité de cette hypothèse, nous pressentons que ce privilège demeure le domaine réservé des personnages de la première catégorie, sachant surtout que le récit s'applique à mettre en avant une distinction entre deux degrés de la piété, ce qui rend absurde l'idée que le récit, tout en cherchant à attirer l'attention des lecteurs sur un privilège qu'il attache à la première catégorie de pieux, en omettant de la mentionner dans la description du milieu des personnages de la seconde catégorie, procède en sorte que ces lecteurs déduisent euxmêmes que ces derniers jouissent eux aussi de ce privilège. Une telle déduction aurait été possible dans le cas contraire où l'élément supprimé, l'est dans la description des personnages de la première catégorie et non dans celle des personnages de la seconde catégorie, étant donné que par définition les premiers, la catégorie des privilégiés jouissent de plus de privilèges que la seconde catégorie et qu'ils ne devraient pas par conséquent être privés de privilèges accordés à cette dernière. Et c'est ce que nous avons vu effectivement dans la description, faite par le récit, des lits de la première catégorie, dont les endroits ou les aspects extérieurs (forme et couleur) n'ont pas été décrits ou mentionnés, alors que, concernant la seconde catégorie, au contraire, l'accent a été mis sur la peinture des aspects extérieurs: «Ils seront accoudés sur des coussins verts et sur de beaux tapis».(87) Dans un tel cas le récit a omis la description extérieure (la couleur verte et la beauté des lits), laissant au lecteur le soin de le déduire, pour une raison simple: si la seconde catégorie jouit de la belle couleur des lits, la première catégorie doit a fortiori en jouir. En bref le privilège accordé par le Ciel aux héros des deux Jardins supérieurs, le privilège d'avoir les fruits à leur portée, représente sans aucun doute un élément qui sert à départager les deux catégories de pieux. 


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Là, une question de la première importance, relative à la technique romanesque, ne manque pas d'être soulevée: le récit coranique se caractérise par sa précision totale, sa sélectivité et sa concision dans la narration des événements et dans la description. Lorsqu'il présente un élément romanesque, il ne le fait pas une seconde fois, comme on l'a vu à propos des fruits. Ainsi, le récit a parlé d'abord de l'élément (plante ou arbre) et établi à travers lui une comparaison entre la différence de degré chez les croyants, puis il a abordé l'élément (eau) et fait à travers lui une comparaison dans le même sens, ensuite il a présenté l'élément (fruits) pour montrer à travers lui la différence de traitement réservé aux différentes catégories de croyants. Et puisque la distinction entre les différentes catégories de croyants à travers les éléments "fruits" a été faite une première fois dans les versets 52: «où il y aura deux espèces de tous fruits», et 68: «ces deux Jardins contiennent des fruits, des dattiers, des grenadiers», pourquoi le récit n'a-t-il pas inséré ici même l'autre privilège attaché aux fruits, à savoir: «et les fruits des deux Jardins seront à leur portée» (verset 54), qu'il évoquera lorsqu'il décrira l'élément (lit), lequel constitue pourtant un élément indépendant auquel le récit a réservé une place à part? La réponse à cette question fait ressortir clairement la valeur artistique du récit coranique, et redouble notre intérêt et notre admiration pour cet art grandiose. Lorsque le récit décrit les lits et les coussins réservés aux croyants respectifs des Jardins supérieurs et des Jardins inférieurs, il vise à faire la distinction entre les privilèges accordés aux premiers et aux seconds, à travers le haut degré de luxe ou de bien-être attaché aux privilèges des personnages des deux Jardins supérieurs. Et puisque ce luxe a atteint un si haut degré pour ceuxci que même les revers de leurs lits sont de brocart avec tout ce que cela implique de douceur, velouté, et d'absence de toute rudesse, cela signifie que le Ciel veut leur assurer une ambiance de repos total et leur éviter tout effort ou mouvement corporel qui perturberait ce repos absolu et constituerait un élément discordant avec cette ambiance de douceur et de tranquillité totale. Aussi a-t-il ajouté au confort et au luxe de leurs lits ou coussins, la possibilité de cueillir de leurs mains ou même de leurs bouches les fruits suspendus juste au-dessus de leurs têtes, et de les manger, tout en restant allongés, étendus ou accoudés sur leurs lits, sans se donner la peine de se lever pour les chercher, ou sans être dérangés dans leur quiétude par d'éventuels serviteurs qui viendraient les leur apporter. N'est-ce-pas le plus haut degré absolu de luxe et de bien-être?

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Les Houris, c'est le cinquième et dernier des éléments communs de l'environnement des deux couples de Jardins paradisiaques. Concernant cet élément, le privilège ou le détail distinctif dont jouissent les personnages des deux Jardins supérieurs est évident et saute aux yeux, dès qu'on fait une lecture comparative de la description faite à cet égard dans les deux couples de Jardins. A propos des deux Jardins supérieurs, il est dit:  

«Là, ils rencontreront celles (les Houris) dont les regards sont chastes et que ni homme ni djinn n'a jamais touchées avant eux».(88) «Elles seront semblables au rubis et au corail»(89) Et des deux de Jardins inférieurs: «Il y aura là des vierges bonnes et belles».(90) «Des Houris qui vivent retirées sous leurs tentes».(91) «Que ni homme ni djinn, n'a jamais touchées avant eux».(92) Ce privilège attaché aux Houris des deux Jardins supérieurs est, comme on ne manque pas de le remarquer, que ces Houris «seront semblables au rubis et au corail»(93), détail dont sont dépouillées les Houris des deux Jardins inférieurs. Mais en dehors de ce privilège ou de ce détail distinctif (propre aux personnages des deux Jardins supérieurs) qui ne fait que confirmer les autres privilèges attachés aux quatre autres éléments que nous avons examinés, ce qui nous intéresse ici relativement à l'élément Houris, c'est l'aspect moral de celles-ci, que le récit met en évidence, et l'opportunité pour nous, les lecteurs, de tirer la leçon de cet aspect moral dans notre vie terrestre. En effet lorsqu'on relit la partie du récit relative à cet élément, on se rend compte que trois traits caractérisent la morale ou les moeurs des Houris: un trait apparaît lors de la description relative aux deux Jardins supérieurs et deux dans le contexte des deux Jardins inférieurs. Le premier trait c'est: «celles dont les regards sont chastes»(94) et les deux autres traits: «des vierges bonnes et belles»(95) et «des Houris qui vivent retirées sous leurs tentes».(96) Ces trois traits ou qualités chez les Houris, à savoir «les regards chastes», «bonnes», «retirées sous leurs tentes» sont de toute évidence des qualités morales dont nous devons nous armer à notre tour, lorsque nous traitons de la conduite humaine sur la terre et sa conséquence sur la récompense décernée dans l'Au-delà, comme le suggère le récit en établissant d'une façon artistique la corrélation entre notre comportement sur la terre et ce que nous aurons dans la vie future, et ce afin de mieux nous servir de notre vie présente dont la seule raison d'être est l'adoration d'Allah ou la Lieutenance d'Allah sur la Terre, et son incidence sur la vie éternelle dont la raison d'être est également l'adoration. Le récit des Quatre Jardins qui met l'accent sur l'aspect moral des Houris en les décrivant comme étant «aux regards chastes», «bonnes» et «retirées sous leurs tentes», nous conduit à attirer l'attention sur le fait que ce qui différencie l'environnement de la vie future de celui de la vie terrestre, c'est que dans la première (la vie future) l'élément "conflit" disparaît de la structure humaine, dans ce sens que la satisfaction des besoins vitaux ou psychologiques n'est plus précédée d'un conflit entre le bien et le mal, le désir et la raison, mais s'opère suivant une propension unilatérale qui tend à satisfaire les deux sortes des besoins d'une manière purement rationnelle et purement orientée vers le bien. Dans l'environnement du Paradis, les relations sociales par exemple sont marquées par une entente totale et non précédée de processus de report ou de refoulement du sentiment de haine, de fierté ou de domination, comme cela existe dans la vie terrestre chez les personnes très pieuses qui refoulent ou écartent leurs tendances à la haine, à l'orgueil ou à la domination pour laisser la place à leurs propensions à l'amour, à l'humilité et à l'ascétisme. Le processus de refoulement auquel recourent les gens pieux dans la vie terrestre disparaît dans la vie future où la propension au mal n'existe pas, et l'inexistence de cette propension fait disparaître avec elle la raison d'être du processus de refoulement. Ceci vaut également pour la satisfaction des besoins vitaux tels que le manger, le sexe, etc... Là aussi la satisfaction de ces besoins se fait en l'absence de toute tendance au mal. Mais on pourrait objecter que si telle est la vérité (absence de tendance au mal au Paradis) pourquoi le récit coranique met-il l'accent sur «leurs regards chastes», «leur bonté», «leur retrait sous les tentes», qui devraient constituer les caractères normaux et communs de tous les habitants du Paradis, où ne prévalent que les tendances au bien et où disparaissent toutes les propensions au mal? En fait si le récit introduit ces détails, c'est certes pour décrire une réalité de l'environnement paradisiaque d'une part, mais c'est surtout - et c'est là qu'apparaît la valeur du rôle de l'art dans la transmission de messages - pour attirer notre attention sur notre conduite terrestre dans ce domaine, et sur la façon dont doit se comporter la femme vis-à-vis de l'homme. 


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La première qualité que le récit a soulignée lorsqu'il a abordé le cinquième élément de l'environnement des deux Jardins supérieurs était: «les Houris dont les regards sont chastes». De même la première qualité mentionnée dans la description des Houris des deux Jardins inférieurs était «bonnes», suivie de «retirées sous leurs tentes», avant d'énumérer les autres traits relatifs à l'aspect vital de la personnalité. Or, il ne fait pas de doute, du point de vue purement artistique, que le fait d'introduire en premier lieu une qualité avant les autres qualités, signifie que le récit cherche à mettre en évidence ladite qualité -en raison de son importance- plus que sur toute autre. Et lorsque le récit débute la description des deux Jardins supérieurs et des deux Jardins inférieurs par l'introduction de qualités telles que «aux regards chastes», «bonnes», «retirées sous leurs tentes», il veut attirer notre attention sur la nécessité de nous doter de ces même qualités dans notre vie terrestre. Ces vérités nous pouvons les appréhender lorsque nous examinons de plus près les qualités ou les traits moraux précités. Par exemple, «aux regards chastes» signifie que ces femmes limitent leurs regards à leurs maris seulement. Et «retirées sous leurs tentes», signifie qu'elles se renferment chez elles, évitant ainsi de s'exposer aux regards des hommes. Or, ce sont ces mêmes traits sur lesquels la Législation islamique insiste pour ce qui concerne les femmes dans la vie terrestre, puisque le Noble Coran et les Traditions d'Ahl-ul-Bayt (Le Prophète et sa Famille) commandent à la femme d'éviter de voir un non-mahram(97) et d'être vue par lui, et de parler avec lui sauf dans le cas d'un besoin absolu ou de force majeure, et de limiter (réserver) ses rencontres, ses regards et paroles, à son mari. 

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L'appréhension de ces vérités se cristallise plus concrètement lorsque nous découvrons la nature de la structure humaine dans la vie future, et nous nous rappelons ce que nous avons déjà signalé, à savoir que l'élément "mal" et "le conflit" intérieur qui lui est concomitant disparaissent dans la vie de l'Au-delà. Si l'accent est mis sur le "voile" ou la "discrétion physique" de la femme, sur "sa vie retirée dans la maison", sur "la limitation de son regard à son mari" même dans la vie future où la tendance au mal et le processus conflictuel entre le bien et le mal sont totalement absents, que dire alors de la vie terrestre où l'être humain est en permanence attiré par sa tendance au mal avec tous les conflits intérieurs qui s'ensuivent? Redisons-le une fois de plus: le récit vise, par un procédé romanesque indirect, à attirer notre attention sur la nécessité pour la femme de corriger son attitude dans la vie terrestre, de limiter ses regards à son mari, et ses mouvements au cadre qui lui est déterminé. Peut-être le testament que la Maîtresse des femmes des mondes, Fatimah al-Zahrâ' (p) a laissé à la femme et voulant que celle-ci ne voie personne et ne soit vue par personne de non-mahram demeure un critère très clair de sa bonne conduite. 

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Conclusion: nous avons pu, à travers l'étude de ce récit déterminer les différents procédés artistiques réjouissants qu'il a suivis pour nous faire connaître les vérités relatives à l'environnement des quatre Jardins, et découvrir la nature de la structure architecturale ou de l'ossature artistique générale à travers lequel il nous a permis de percevoir les points distinctifs entre les deux Jardins supérieurs et les deux Jardins inférieurs. Cependant nous nous devons de rappeler au lecteur, une fois de plus, les messages ou les significations idéologiques du récit, étant donné que la valeur artistique n'a d'autre raison d'être que l'approfondissement et l'éclaircissement des messages moraux ou idéologiques que le récit porte et véhicule. Ne faut-il pas tirer la leçon de tels récits coraniques futuristes qui nous dessinent les différents aspects des deux couples de Jardins et les points distinctifs qui les départagent, pour façonner nos comportements, dans la vie terrestre selon le modèle qu'ils nous présentent, étant donné que la corrélation entre la vie terrestre et la vie future est tellement indissociable que notre futur reste totalement tributaire de nos actes de piété pour l'accomplissement desquels nous avons été créés? Autrement nous risquerions de manquer d'exploiter, comme il se doit, chaque instant de notre existence éphémère et pourtant si précieuse, en vue de la construction de notre demeure éternelle.

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