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Sourate (56): L'Echéant (Al-Wâqi'ah)

  I- Le Récit des Premiers Arrivés 

II- Le Récit des Gens de la Droite 

A- La Sourate  

1 Lorsque celle qui est inéluctable surviendra,  

2 nul ne traitera sa venue de mensonge. 

3 Elle abaissera et elle exaltera!

  4 Lorsque la terre sera violemment secouée,  

5 lorsque les montagnes seront mises en marche

  6 et qu'elles seront une poussière disséminée, 

7 vous formerez trois groupes: 

8 Les compagnons de la droite! - Quels sont donc les compagnons de la droite? -

  9 Les compagnons de la gauche! - Quels sont donc les compagnons de la gauche? - 


10 Et les premiers arrivés qui seront bien les premiers, 

11 voilà ceux qui seront les plus proches de Dieu,  

12 dans les Jardins du délice:  

13 il y en aura une multitude parmi les premiers 

14 et un petit nombre parmi les derniers arrivés;  

15 placés côte à côte sur des lits de repos, 


16 ils seront accoudés, se faisant vis-à-vis. 


17 Des éphèbes immortels circuleront autour d'eux 

18 portant des cratères, des aiguières et des coupes remplies d'un breuvage limpide  

19 dont ils ne seront ni excédés, ni enivrés; 


20 les fruits de leur choix 

21 et la chair des oiseaux qu'ils désireront.  

22 Il y aura là des Houris aux grands yeux, 


23 semblables à des perles cachées,  

24 en récompense de leurs oeuvres.  

25 Ils n'entendront là ni parole futile, ni incitation au péché, 


26 mais une seule parole: «Paix! ... Paix! ...»  

27 Les compagnons de la droite! - Quels sont donc les compagnons de la droite! -  

28 Ils se tiendront au milieu de jujubiers sans épines 

29 et d'acacias bien alignés.

  30 Ils jouiront de spacieux ombrages,

  31 d'une eau courante, 


32 de fruits abondants 

33 non cueillis à l'avance, ni interdits.

  34 Ils se reposeront sur des lits élevés. 

35 C'est Nous, en vérité, qui avons créé les Houris d'une façon parfaite.

  36 Nous les avons faites vierges, 

37 aimantes et d'égale jeunesse 

38 pour les compagnons de la droite. 

39 Il y aura une multitude d'élus parmi les premiers arrivés  

40 et une multitude parmi les derniers.

  41 Les compagnons de la gauche! - Quels sont donc les compagnons de la gauche! -  

42 Ils seront exposés à un souffle brûlant, dans une eau bouillante, 

43 sous une ombre de fumée chaude,

  44 ni fraîche, ni bienfaisante.  

45 Ils vivaient auparavant dans le luxe; 

46 ils persistaient dans le grand péché; 

47 ils disaient: «Lorsque nous serons morts, que nous serons poussière et ossements, serons-nous vraiment ressuscités?  

48 Est-ce que nos premiers ancêtres...?» 

49 Dis: «En vérité, les premiers et les derniers  

50 seront réunis à un moment fixé d'un Jour connu».  

51 Oui, vraiment, ô vous, les égarés, les négateurs! 

52 Vous mangerez les fruits de l'arbre Zaqqoum;  

53 vous vous en remplirez le ventre; 

54 vous boirez ensuite de l'eau bouillante;  

55 vous boirez comme des chameaux altérés. 

56 - Tel sera leur partage, le Jour du Jugement - (...) 



******



La Sourate 

"L'Echéant", comme son titre l'indique parle, tout au long de ses 96 versets, du Jour de la Résurrection et de ses caractéristiques. Cependant on peut diviser ce sujet principal en huit thèmes secondaires:

  1- Les prémices de l'avènement du Jour de la Résurrection et les événements terribles qui les accompagnent. 


2- La répartition des gens, ce Jour-là, en trois groupes: Les Gens de la droite, Les Gens de la gauche, Les Premiers arrivés.

  3- Description détaillée des "Premiers arrivés" et surtout des récompenses qui les attendent dans l'au-delà. 

4- Description détaillée des "Gens de la droite" et des différents bienfaits qu'Allah leur accorde.  

5- Description des châtiments horribles que "Les Gens de la gauche" subissent dans l'Enfer. 

6- L'énumération des arguments de la véracité de la Résurrection et des preuves de l'existence du Créateur Unique: la création de l'homme à partir d'un sperme insignifiant, l'apparition de la vie dans les plantes, la descente de la pluie, la création du feu etc...  

7- La description de l'agonie et du transfert de ce monde vers l'au-delà, ce qui constitue un prélude au Jour de la Résurrection. 

8- Vue générale sur la récompense accordée aux croyants et la punition dont sont passibles les mécréants. Mais selon une autre division thématique et structurale de cette sourate, celle-ci comporte une sorte d'exorde ou de prologue qui couvre les versets 1-11, un finale ou épilogue (versets 88-96), une première partie à trois séquences: versets 12-26 dont le thème est les "Premiers arrivés", versets 27-40 qui décrivent "Les Gens de la droite", versets 41-56 qui mettent en scène "Les Gens de la gauche". A cette première partie qu'on peut qualifier de description eschatologique, succède une seconde, plus courte (versets 57-74), qui présente selon l'expression de l'orientaliste Jacques Berque(98), un raisonnement naturaliste ou plus simplement l'argumentation de l'existence du Créateur. Les versets 75-82 répondent aux polythéistes qui mettent en doute la nature divine du Coran en affirmant que ce grandiose Livre d'Allah est une évidence qui ne requiert aucune démonstration, et les versets 83-87 décrivent l'état d'agonie d'un mourant qui s'apprête à effectuer son voyage vers l'au-delà. 

* * * 

Quelques mots à propos des effets bénéfiques ou des vertus attachées à la récitation de cette sourate. Selon un hadith attribué au Noble Prophète (P): «Quiconque récite Sourate al-Wâqiah ne sera pas inscrit au nombre des inconscients» étant donné que les versets de cette sourate ont la propriété d'éveiller et de mouvoir de telle sorte qu'ils ne permettent pas au lecteur de se cantonner dans un état d'inconscience. Et selon un autre hadith le Prophète (P) dit: «Les Sourates Houd (11), al-Waqi'ah (56), alMursalât (77) et al-Naba' (78) m'ont fait vieillir à cause de la mention qui y est faite (surtout dans sourate al-Waqi'ah) des nouvelles terrifiantes de ce qui se passera le Jour du Rassemblement, lors de la Résurrection, et des châtiments terribles infligés aux polythéistes ou du sort horrible qui avait été réservé aux peuples précédents».(99) Selon l'Imâm al-Sâdiq: «Quiconque récite Sourate al-Waqi'ah chaque veille du vendredi (la nuit de jeudi à vendredi) Allah l'aimera et le fera aimer de tout le monde. Il ne connaîtra jamais dans sa vie ni misère ni pauvreté ni dénuement ni aucune grave maladie de ce monde. Et il sera parmi les compagnons de l'Imâm Ali (dans l'au-delà)».(100) Enfin d'après un autre récit hagiographique, un jour 'Othmân Ibn Affân a rendu visite à 'Abdullâh Ibn Mas'ûd, lors de sa maladie qui l'emporta. Il lui demanda alors: - De quoi souffres-tu? - De mes péchés, répondit 'Abdullâh. - Qu'est-ce que tu désires?, demanda encore 'Othmân. - La Miséricorde de mon Seigneur - Ne veux-tu pas que je fasse venir un médecin pour toi? - C'est le médecin qui m'a rendu malade. - Ne veux-tu pas que j'ordonne qu'on t'apporte une allocation? - Tu ne m'as pas accordé une allocation lorsque j'en avais besoin. Tu veux maintenant m'en accorder une alors qu'elle ne me sert plus à rien! - Garde-la pour tes filles, insista 'Othmân. - Elles n'en auront pas besoin, elles non plus, car je leur ai ordonné de réciter Sourate al-Waqi'ah, ayant entendu le Messager d'Allah (P) dire: «Quiconque récite Sourate al-Waqi'ah chaque nuit ne connaîtra jamais le dénuement».(101) C'est d'ailleurs pour cette raison que cette Sourate a été dénommée, selon un hadith, la Sourate de la Richesse (Sourate al-Ghinâ).

  * * * 

B- Les Récits


I- Le Récit des Premiers Arrivés


Sourate l'Echéant comprend trois "scènes" ou "paysages" qu'on peut appeler des récits de milieu, c'est-à-dire des récits où prédomine la description du milieu par opposition au récit où prédomine un "personnage", ou celui où prédomine la péripétie ou l'événement. Ainsi, les récits qui mettent en scène la vie des Saints par exemple, l'élément prépondérant c'est l'hagiographie d'un Prophète (Adam, Ibrâhim, Noé, etc.), de telle sorte que tous les rouages du récit s'articulent autour de ce héros. Quant aux récits d'événements ou de péripéties, le héros y disparaît, ou presque, au point que même son nom n'y figure pas. Le lecteur se trouve devant une série d'événements qui polarisent son attention et occupent la place centrale du récit. Enfin, il y a un genre de récit coranique où l'élément prédominant est la description du milieu, lequel peut être un lieu ou un espace géographique particulier, appartenant à ce bas-monde ou à l'Autre monde. La Sourate "l'Echéant" dont nous traitons ici, fait donc partie de ce dernier genre romanesque, le récit du milieu. Ce milieu est divisé en trois parties. La première partie, c'est le milieu des "Premiers arrivés", c'est-à-dire l'élite humaine pour laquelle un endroit spécial a été préparé, "Les Jardins du délice". La deuxième partie, c'est le milieu des "Compagnons de la droite", lesquels sont moins privilégiés que la catégorie précédente, et la place qui leur a été aménagée est différente de celle destinée à ladite catégorie. La troisième catégorie est le milieu des "Compagnons de la gauche", pour lesquels la demeure choisie est l'Enfer, demeure qui sied bien à leur attitude dans la vie "de la mise à l'épreuve", la vie d'ici-bas. Arrêtons-nous maintenant sur la première catégorie (celle des "Premiers arrivés"), pour voir de plus près le paysage de leur environnement. Lisons tout d'abord le texte romanesque les concernant: «Les premiers arrivés qui seront bien les premiers, »voilà ceux qui seront les plus proches de Dieu, »dans le Jardin du délice; »il y en aura une multitude parmi les premiers »et un petit nombre parmi les derniers arrivés»(102)  

Avant d'aborder la description faite de cette catégorie de personnages, il convient de connaître leurs traits tels que le récit lui-même les a dépeints. Allah - IL est Très-Haut et Glorifié - les a qualifiés de: «premiers arrivés» et de «les plus proches de Dieu». Concernant leur nombre, ils ont été décrits comme étant un grand groupe de «premiers arrivés» et un petit groupe de «derniers arrivés». Il s'agit de savoir maintenant comment cette catégorie de personnages a-t-elle pu obtenir des privilèges (que nous verrons lorsque nous développerons notre exposé sur le milieu qui leur a été préparé) qui les classent comme étant «les premiers arrivés» par rapport aux autres, et comme étant de grand nombre dans un temps antérieur et de petit nombre dans la période ultérieure? Les textes exégétiques diffèrent quant à l'identification des "premiers à obéir à Allah" et à appliquer le principe de Lieutenance (Khilâfah) sur la terre".(103) Les uns les mentionnent nominalement, d'autres se contentent de les généraliser, d'autres encore donnent plus de détails à ce sujet. Toutefois, le texte d'exégèse qui affirme que «les premiers» sont les envoyés de Dieu et l'élite parmi la création, et qui est attribué à l'Imâm al-Sâdiq (p), semble concorder avec le privilège accordé aux Envoyés (P) et aux Imâms d'Ahl-ul-Bayt (p) en tant que représentant le sommet du concept de l' "adoration" ou de la "piété", comme on le sait. Il est naturel que s'ajoutent à cette catégorie (comme le laissent entendre certains textes exégétiques et comme le commande l'apparence du texte romanesque du Coran) les personnes exemplaires qui étaient plus promptes que les autres à croire aux Messages divins, ou les personnes exemplaires qui se sont montrées plus sincères et plus dévouées que les autres dans leurs pratiques religieuses, et ce peu importe que cela désigne de grands nombres de nations précédentes et un petit nombre de la nation du Prophète Mohammad (P), ou un petit nombre parmi les gens des temps ultérieurs par rapport aux premiers temps en général. Passons maintenant à la description faite du milieu ambiant préparé pour les Premiers. Le Ciel semble leur avoir octroyé tout d'abord trois moyens de satisfaire leurs besoins: le manger, le boire, le siège. Puis le Ciel a varié chacun de ces moyens. Et enfin, IL les a soumis à une sélection spécifique, concernant le bien-être (le luxe) dans le mode de satisfaction. Concernant la place réservée à la position assise des intéressés, la description est la suivante: «Placés côté à côté sur des lits dressés. »Ils seront accoudés, se faisant vis-à-vis».(104)  

Le seul fait de préciser qu'ils sont assis "accoudés" c'est-à-dire à l'aise et décontractés constitue un signe de "bien-être". Et si l'on y ajoute le fait qu'ils soient assis sur des lits et non sur le sol du Paradis, le "bien-être" atteint un degré supérieur. En outre, lorsqu'on apprend que les lits eux-mêmes sont décrits comme étant tressés, c'est-à-dire bien tissés et aux chaînons enchevêtrés, le "bien-être" paraît toucher son zénith, si on se place sur le plan du besoin esthétique. Mais pour que la satisfaction de besoin se réalise d'une façon complète, elle a été liée à la préparation d'un climat psychologique et social (pour ceux qui sont assis sur les lits) on ne peut plus positif: ils sont assis les uns devant les autres, et non pas isolés, ni parsemés ça et là. Le fait de s'asseoir l'un devant l'autre signifie que l'on n'a pas besoin de faire le moindre effort ou mouvement pour parler à son interlocuteur ou vis-à-vis, ce qui constitue un signe évident de confort. Cependant le bien-être de la position assise n'est pas tout le bien-être auquel ont droit les personnages de cette catégorie. Car au plaisir que procure cette façon confortable de s'asseoir, s'ajoute le plaisir procuré par la qualité de la boisson et de la nourriture destinées aux bienheureux de cette catégorie, comme nous le verrons plus loin. Mais là encore, manger et boire des choses délicieuses ne suffiraient peut-être pas à réaliser le plus haut degré du bien-être, s'ils ne sont pas accompagnés d'autres moyens ou ingrédients de l'esthétique et du confort. Sans doute la première chose que les personnes assises "sur des lits de repos tressés" désireraient, c'est d'avoir à leur disposition des gens qui les servent et leur apportent ce qu'elles délectent. Or, là encore elles sont bien servies car: «Des éphèbes immortels circuleront autour d'eux».(105) Que ces éphèbes soient créés par le Ciel spécialement pour servir les gens assis "sur les lits tressés", ou des enfants de ce bas-monde, n'ayant pas fait de bonnes choses, ou des enfants de polythéistes, dispensés du Compte, parce que non majeurs, ils sont dans tous les cas réquisitionnés spécialement pour prendre soin de cette catégorie privilégiée des habitants du Paradis, et circuler entre eux afin de leur apporter toutes sortes de boissons et mets qu'ils affectionneraient, leur évitant de déployer le moindre effort alors qu'ils sont assis confortablement entre amis dans cette séance éternelle. 

* * * 

Récapitulons: "les Premiers" se trouvent dans "les Jardins du délice"; ils sont assis, accoudés, sur des lits tressés, les uns devant les autres, dans un confort inégalable, dispensés de déployer le moindre effort pour satisfaire leurs besoins pendant qu'ils sont assis entre eux dans une position de repos total. De plus la nourriture leur est gracieusement offerte avec le plus haut degré de confort et de bien-être, puisque des éphèbes immortels sont là pour leur servir à boire et à manger.  

Maintenant, il s'agit de savoir de quelle façon fastueuse les boissons et la nourriture leur sont présentées et avec quel degré de confort, de bien-être ou de luxe? Concernant la boisson, le récit coranique dit: «Des éphèbes immortels circuleront autour d'eux, » portant des cratères, des aiguières et des coupes remplies d'un breuvage de source, »dont ils ne seront ni excédés, ni enivrés».(106) Il va sans dire que l'on peut s'abreuver avec n'importe quel ustensile disponible. Toutefois, le Ciel tient à abreuver Ses serviteurs dévoués (qui ont été les premiers à faire le bien) avec les instruments les plus luxueux qui sont séants au même degré de bien-être dont ils bénéficient lorsqu'ils sont assis sur des lits tressés entre amis chéris. Ainsi, au lieu d'une seule sorte d'ustensile, le Ciel leur en a destiné trois dont chacun présente par son aspect esthétique, aux "Premiers" une double satisfaction du sens de la vue (le plaisir de l'oeil) et du sens du goût. Il y a donc les "cratères" ou les "jattes" avec leur rebord large, les "aiguières" limpides et brillantes, avec leur anse et leur trompe, et les coupes dont l'aspect plaisant se passe de description. Il est évident aussi que chacun de ces trois types d'ustensiles a un aspect esthétique différent. Les coupes sont différentes des aiguières, de même que celles-ci et celle-là diffèrent des cratères. Chacun d'eux se distingue des autres non seulement par son aspect extérieur, mais également par la façon de les tenir dans la main et d'en verser le contenu dans la bouche. Tout ceci indique que le Ciel veut réaliser à Ses serviteurs les plus obéissants le plus haut degré de bien-être qu'IL leur a promis. Jusque-là, on a pu remarquer, dans le milieu de "Jardins du délice" réservé par le Ciel à Ses serviteurs les plus dévoués, une concordance dans le bien-être relativement à la façon de s'asseoir et de s'abreuver. On va constater maintenant la même concordance de bien-être dans la façon de servir à manger à cette élite. Lisons le récit coranique à ce propos: «les fruits de leur choix »et la chair des oiseaux qu'ils désireront».(107) La nourriture ici est de deux sortes: fruit et viande.  

Lorsque nous transposons ces deux sortes de nourriture dans notre expérience ou goût terrestre, nous dirions que la chair des oiseaux est plus attrayante que la chair des troupeaux par exemple. Et si l'on ajoute à ce fait, que les chairs des oiseaux sont très variées et que chacun de nous peut s'estimer chanceux d'avoir dégusté la chair de l'une de ces nombreuses espèces d'oiseaux, on peut imaginer combien est grand notre plaisir lorsqu'on évoque la possibilité de nous délecter à notre guise et à volonté d'une variété infinie de chairs d'oiseaux. Donc le choix de la chair des oiseaux à l'exclusion des autres chairs, puis la possibilité de manger tout ce que nous désirerions de la variété infinie de ces chairs si prisées, représentent le sommet de la satisfaction de nos besoins vitaux. Ceci concerne évidemment le besoin le plus pressant ou le plus impérieux dans la vie d'ici-bas. Quant à un besoin moins impérieux que la viande, en l'occurrence, le fruit, là encore "les Premiers", ces privilégiés du Paradis, ont l'embarras du choix: «les fruits de leur choix».(108)  

* * * 

Continuons à suivre la description faite par le récit coranique de la nourriture et de la boisson et examinons cette description avec notre optique terrestre. "Les premiers" à avoir obéi à Dieu boivent donc dans des coupes, des aiguières et des jarres une boisson coulante, c'est-à-dire quelque chose qui coule comme le fleuve, ou le fleuve lui-même. Il ne faut pas perdre de vue que la qualité de ce qui coule est très évocatrice pour la satisfaction d'un besoin vital et d'un besoin esthétique. En effet, tout ce qui coule, comme le fleuve et qui est perceptible par l'oeil, porte plusieurs significations. Lorsqu'on laisse promener son regard sur un courant abondant et inépuisable, on se sent rassuré et on ressent un équilibre intérieur dépouillé de toute angoisse relative aux perspective de l'avenir. Le courant exubérant, bien fourni, permanent, procure en même temps un plaisir esthétique pour l'oeil, car la vue du fleuve évoque une beauté et une attirance. Mais le récit coranique couronne tous ces plaisirs et bien-être dont jouissent nos héros du Paradis par une qualité bien particulière, difficilement concevable pour un esprit terrestre, lorsqu'il ajoute: «dont ils ne seront ni excédés, ni enivrés».(109) Ce commentaire, nous le comprendrions sans doute mieux lorsque nous le transposons dans notre expérience ou vie terrestre où la structure de la physiologie humaine est faite de telle sorte que les pulsions cherchent à être satisfaites d'un côté, et qui seront satisfaites effectivement de l'autre. En d'autres termes notre organisme est fait de telle manière qu'il provoque en nous la sensation (ou la pulsion) de la soif, et ce besoin (ou cette sensation) sera satisfait une fois que nous aurons bu une quantité déterminée d'eau, qui correspond au besoin de l'organisme. 


Mais si nous imaginons que le processus de la satisfaction de ce besoin (de boire) serait un processus continuel et ininterrompu, qui ne soit pas précédé d'une "tension" (le besoin impérieux de boire) par exemple, ou que cette "tension" ne soit pas associée (comme cela se produit dans notre vie d'ici-bas) à des possibilités d'échec (non-satisfaction du besoin) ou tout simplement à la crainte de l'échec, si nous concevons donc une telle structure ou physiologie nouvelle de l'être humain auprès de Dieu, nous saisirons mieux et plus clairement la valeur du boire que nous n'interrompons pas, dont nous ne serons pas saturés et qui ne nous cause aucune nuisance, et ce même sans nous limiter à une quantité convenable de la boisson consommée. N'est-ce pas le plaisir illimité! Du même coup, nous comprendrons mieux le sens de ce commentaire qui nous laisse transposer notre processus de satisfaction de besoins (de boire) dans la vie de l'Au-delà où les habitants des Jardins du délice peuvent boire à leur volonté sans crainte et sans inquiétude aucune. En un mot, le plaisir dans la vie terrestre à un début et une fin, alors qu'il est infini pour les habitants du Paradis. De là nous percevons clairement combien est considérable et immense le don ou le bienfait que le Ciel accorde à Ses serviteurs les plus pieux. En tout état de cause la description romanesque du milieu ou de l'environnement des "Premiers" sur les plans du boire, du manger et de la manière de s'asseoir et de fréquenter les compagnons chéris, incarne le sommet du bien-être dans la satisfaction du besoin de l'homme dans ce domaine. Mais ce privilège ou ce bien-être ne s'arrête pas là. Il déborde vers un nouvel élément, puis vers le type de relation morale entre les "premiers" à avoir obéi à Dieu, à L'adorer et à assumer la fonction de "Lieutenance" de Dieu sur la terre. Récapitulons pour mieux en saisir la portée: le Ciel a préparé pour ceux qui sont les "premiers" à Lui obéir, la satisfaction de besoins vitaux avec le plus grand degré de bien-être imaginable, comme nous l'avons remarqué: une boisson servie dans des jattes, des aiguières et des coupes; des fruits à leur choix; des chairs d'oiseaux à leur appétit; des houris aux yeux grands et beaux... Ces besoins vitaux ont été doublés des besoins psychologiques dont le premier est la rencontre entre des gens qui s'aiment et qui sont assis les uns devant les autres sur des lits tressés. Et maintenant le texte romanesque couronne ce besoin psychologique par un trait spécifique de comportement, à savoir la concordance sociale absolue qui marque la relation sociale des privilégiés des "Jardins du délice": «Ils n'entendront là ni parole futile, ni incitation au péché, »mais une seule parole: Paix!... Paix...».(110) Mais avant d'aborder ce phénomène social qui prévaut dans les "Jardins de délice", il convient de prêter attention au commentaire du récit sur les besoins vitaux qui sont préparés pour les "Premiers", en l'occurrence les besoins relatifs à la faim, à la soif, à la sexualité et au sens esthétique. Ce commentaire est: «en récompense de leurs oeuvres».(111)  

Il est la somme idéologique de tous les besoins vitaux énumérés par le récit. Ainsi, la nourriture, dissociée du concept d'adoration ou de lieutenance sur la terre ne signifie plus qu'un besoin dont l'importance s'estompe fondamentalement. Il en va de même pour les autres besoins relatifs au boire et au sens esthétique. Nous sommes maintenant devant deux milieux: le milieu de la vie d'ici-bas et le milieu de l'Audelà. Concernant le milieu d'ici-bas, le récit l'a rayé (d'une façon indirecte) de la mémoire de l'homme, et l'a réduit en un seul but idéologique et psychologique «en récompense de leurs ouvres», c'està-dire que l'action pour Allah est le seul justificatif de la préparation luxueuse des besoins vitaux dans la vie de l'Au-delà. Si la nourriture, par exemple, constitue (dans le milieu terrestre) un simple moyen permettant à l'être humain de s'acquitter de ses devoirs d'adoration, elle se transforme (dans le milieu de l'Audelà) en un autre moyen d'adoration également, mais d'un type différent. Mais comment comprendre cette différence entre les deux moyens? Le rapport de l'être humain avec Allah demeure un pur besoin rationnel ou psychologique, que ce soit dans ce bas-monde ou dans l'autre. Quant au besoin vital, c'est-à-dire biologique, tel que le manger etc... il est dans le cadre de la vie terrestre un moyen traversé par un conflit, et dans le cadre de la vie de l'Au-delà un moyen dépouillé de tout conflit. Ainsi, lorsque nous ajournons la consommation d'un plat délicieux, nous aurons dépassé la phase de conflit entre le désir de manger le plat et la volonté d'ajourner la satisfaction de ce désir. L'exemple d'un tel ajournement est lorsque nous accomplissons le jeûne ou lorsque nous nous trouvons devant un plat dont la licité n'est pas encore établie pour nous, ou lorsque nous devons acquitter un devoir urgent. Dans tous ces cas, on est amené à ajourner la satisfaction d'un besoin vital et à dépasser la phase de conflit entre la satisfaction et l'ajournement de la satisfaction de ce besoin ou de ce désir. On aura dépassé cette phase de conflit, lorsqu'on sera totalement convaincu que la nourriture n'est nécessaire que dans la mesure ou la limite où l'organisme en a besoin, et que l'accomplissement du jeûne ou d'un devoir urgent, ou l'abstention d'un plat dont la licité est douteuse, constituent le choix positif qui concorde avec la notion de lieutenance sur la terre (notion qui signifie que la seule raison d'être de l'homme sur terre est l'adoration d'Allah et l'application de Ses Instructions). En revanche, dans la vie de l'Au-delà, un tel conflit n'existe évidemment pas, et en conséquence, le choix n'existe pas non plus. La nourriture demeure un moyen mécanique (comme la circulation sanguine, par exemple) dont le fonctionnement n'est pas doté d'un dispositif d'arrêt et de marche.  

En outre, ce moyen ou instrument, s'il a acquis un tel mode de satisfaction, c'est parce qu'il constitue "une récompense" des oeuvres d'adoration dans la vie d'ici-bas, ce qui signifie que l'action d'adoration - lequel est un besoin rationnel et psychologique - est la seule signification de l'existence de l'Homme. De là, les relations sociales dans la vie de l'Au-delà, avec tout ce qu'elles comportent de significations psychologique et rationnelle demeurent le trait qui enveloppe le comportement décrit par le texte romanesque en guise d'épilogue: «Ils n'entendront là ni parole futile, ni incitation au péché, mais une seule parole: "Paix!.. Paix!..."».(112) Si nous transposons la nature des relations sociales dans l'Au-delà (relations marquées, selon le récit par l'absence de paroles futiles et de péché, d'une part, et par l'échange de mots de salutation, de paix et d'amour, d'autre part) dans notre vie terrestre, nous réalisons leur haute valeur, ainsi que l'importance artistique d'une telle présentation romanesque. Ainsi, au lieu de nous demander directement de nous doter d'un comportement fondé sur l'amour dans nos rapports humains terrestres, le récit l'a fait d'une façon indirecte plus subtile et plus suggestive, en nous informant que les gens du Paradis ne se font pas mal les uns aux autres ni ne s'accusent mutuellement, qu'ils se saluent aimablement et qu'ils se montrent affectueux les uns envers les autres. Ce comportement qui caractérise les gens du Paradis, le récit nous appelle à l'adopter dans notre vie terrestre, mais sans nous le dire directement et nous inspire la nécessité de nous entraîner et de nous accoutumer à éviter les paroles futiles et les propos blessants et à les substituer par un langage d'amour et des mots utiles. La seule différence entre nous-mêmes et les gens du Paradis, c'est que chez ces derniers l'absence de la parole futile et méchante ne résulte pas d'un conflit intérieur, alors que notre comportement à nous, qui vivons sur terre est fondé sur une structure de conflit, conflit que le Ciel nous demande de dépasser en acceptant de reporter (d'ajourner) la satisfaction du désir passager, et en nous entraînant à établir des relations fondées sur l'amour d'autrui et sur la suppression des propos vains dans notre langage. Ayant expliqué le procédé romanesque par lequel le récit nous a amené à en déduire le message idéologique, il nous faut maintenant traiter en détail des concepts : "absence de parole futile", "absence de péché", "salutation et Paix", présentés par le récit à la fin de la description du milieu des "premiers" à obéir à Allah dans les Jardins du délice qui leur sont destinés. Comme nous l'avons dit, ces derniers (les premiers à obéir à Allah) ne prononcent pas, au Paradis, des paroles inutiles: «Ils n'entendront là ni parole futile...». Or si nous transposons ce phénomène dans la vie d'ici-bas, nous remarquons que la "parole futile" peut se présenter sous différentes formes: parole sans finalité, parole de trop, plaisanterie, chant, polémique stérile etc... Et comme nous l'avons dit aussi, le récit vise (du point de vue artistique) à transposer cette vérité dans notre conduite terrestre afin de nous amener à corriger et à discipliner celle-ci à travers la phase de conflit qui caractérise le comportement humain dans la vie d'ici-bas. En effet, les traditions d'Ahl-ul-Bayt (P) nous commandent de nous taire lorsque la parole ne s'avère pas nécessaire. Et dans le domaine des maladies psychologiques, les Ahl-ul-Bayt (p) citent comme l'une d'elles l' "amour de parler", défaut dont il faut absolument se départir, par l'effort et l'exercice de l'âme. Il est évident que lorsque quelqu'un a l'habitude de dire n'importe quoi, alors que la situation ne requiert pas qu'il parle, il cherche à attirer l'attention sur sa personne atteinte d'un complexe d'effacement et d'infériorité et essaie par tous les moyens de s'affirmer. Quant à une personnalité saine, la confiance en soi, en son indépendance et en sa qualité, suffit à conjurer cette vile propension à dire n'importe quoi uniquement pour parler. 

* * *

La deuxième valeur (message) idéologique du récit est l' "absence de péché": «Ils n'entendront là ni parole futile ni incitation au péché». Il est clair qu'un mot blessant ou accusateur qui porte préjudice aux autres, est le symptôme d'une tendance agressive chez le sujet: haine, animosité, jalousie, envie. Il est inutile ici de rappeler ce que les Ahl-ul-Bayt (P) ont dit à ce propos, puisque le Législateur insiste à la base sur la nécessité de purifier l'âme et de l'entraîner à l'amour au lieu de la haine. Et c'est là le troisième message que le récit nous communique à travers sa description des «premiers à obéir à Allah» dans leur milieu de Paradis: «mais une seule parole: Paix!... Paix!...» Car la salutation (même lorsqu'elle s'apparente à une affectation), n'est pas un simple mouvement verbal dépouillé de toute portée ou de toute signification concrète, mais traduit sinon un sentiment d'amour, du moins une tentative de s'exercer à l'amour et d'effacer des profondeurs de l'homme les vestiges ou les restes de la haine ou de la tension qui pourrait habiter un membre de la société humaine. Mis à part les messages idéologiques du récit, celui-ci s'est terminé par une description qui oppose le psychologique au vital (la nourriture, la boisson, le sens esthétique), voulant nous montrer ainsi (par cet épilogue) que la moralité véritable qui se dégage du milieu des "premiers à obéir à Allah" est la marque d'amour qui caractérise les relations entre ces derniers. En un mot les "premiers à obéir à Allah" forment une élite que le récit a décrite comme étant au sommet du bien-être vital et psychologique. Ils sont suivis (au Paradis) par les "gens de la droite", lesquels sont moins bien lotis que "les Premiers". Il est naturel que l'on s'attende que les "gens de la droite" soient moins bien traités, sur le plan de la satisfaction de leurs besoins au Paradis, que les "premiers à obéir à Allah", puisque le test ou l'épreuve terrestre que ceux-ci ont passé, a montré qu'ils avaient consenti plus de sacrifice ou d' "ajournement" que ceux-là concernant la satisfaction de plaisirs et de besoins dans la vie terrestre. Voyons maintenant comment le récit dépeint le milieu paradisiaque destiné aux "gens de la droite": «Les compagnons de la droite! Quels sont donc les compagnons de la droite? »Ils se tiendront au milieu de jujubiers sans épines »et d'acacias bien alignés. »Ils jouiront de spacieux ombrages, »d'une eau courante, de fruits abondants »non cueillis à l'avance, ni interdits. »Ils se reposeront sur des lits élevés. »C'est nous, en vérité, qui avons créé les Houris d'une façon parfaite. »Nous les avons faites vierges, »aimantes et d'égale jeunesse ... ».(113) Quiconque médite sur ce milieu paradisiaque préparé aux "gens de la droite" s'aperçoit qu'il est très différent de celui destiné aux "premiers à obéir à Allah" quant au degré de la satisfaction des besoins ou au degré de bien-être dans cette satisfaction, d'une part, et par l'absence de l'élément social ou de la définition des relations sociales entre les membres de cette catégorie, d'autre part. Il va de soi que cette différence entre les deux milieux tient à la différence dans l'acquittement de chacun des deux groupes de ses devoirs de lieutenance sur la terre. Mais les procédés romanesques que le récit suit à cet égard nous révèlent de nouveaux faits qui méritent un développement ici. En effet, le premier élément qui disparaît dans le milieu paradisiaque des gens de la droite est le "lieu de repos" et les moyens de bien-être qui s'y attachent: il n'y a pas de lits qualifiés de tissés, sur lesquels ils (les premiers à obéir à Allah) sont accoudés, face à face... Ces descriptions (les lits qui sont tissés, sur lesquels sont assis les "premiers" "accoudés", "face à face", comme des gens qui s'aiment) ont disparu dans la présentation du milieu paradisiaque des "gens de la droite" au point qu'aucune description de lieu de repos n'y est faite, sauf ces allusions «une ombre épandue» et «des couches exaltées» à propos desquelles nous ne sommes pas certains qu'elles désignent un lieu tapissé, puisque l'apparence du texte et certains exégètes laissent entendre qu'elles symbolisent les femmes. La question qui se pose maintenant est: le récit a-t-il recouru au procédé de l'économie de la narration ou a-t-il voulu éviter la répétition, en supprimant une description devenue superflue, ayant déjà paru à propos du milieu paradisiaque des "Premiers?" Il n'est pas possible de répondre, avec certitude, par l'affirmative à cette question, étant donné que nous savons forcément qu'il y a une différence de degré dans la foi des croyants et des gens pieux (dans ce bas-monde), ce qui nécessite qu'il y ait également une différence dans la récompense décernée au Paradis à chacun, suivant le degré de sa foi. Toutefois, nous retrouvons ailleurs, dans d'autres versets coraniques des généralisations relatives à la place où l'on s'assoit dans le Paradis, comme: «couchés sur des lits d'apparat»,(114) «des lits élevés»,(115) «des tapis étalés»,(116) «sur des lits de repos bien alignés»(117)... etc. Ainsi, les lits d'apparat, les lits élevés, les tapis, sur lesquels on s'accoude ou s'assoit sont cités dans le contexte des gens du Paradis, sans que ces textes coraniques mentionnent la différence entre ces gens. Ces détails n'empêchent pas que la question posée plus haut se pose encore: pourquoi n'y a-t-il pas une description du lieu de repos des "gens de la droite?" Ces derniers sont-ils compris dans les généralisations relatives à la description des gens du Paradis (en général), ce qui les englobe dans cette description (de lieu)? Dans l'affirmative, pourquoi la description du lieu a disparu ici et non pas dans le cas des "premiers à obéir à Allah". 

II- Le Récit des "Gens de la Droite" 

Le milieu des "Gens de la droite" au Paradis est caractérisé par les éléments suivants: 1- «Ils se tiendront au milieu de jujubiers sans épines»(118) ce qui épargne au consommateur de ces jujubiers tout effort d'en enlever les épines lorsqu'il veut en manger; 2- «d'acacias bien alignés»(119): une sorte de fruit ou de plante qui se distingue par son goût délicieux ou par la beauté de sa forme; 3- «des ombrages spacieux»(120): dont l'effet ne risque pas d'être aboli par le soleil; 4- «d'une eau courante»(121): inépuisable pour le consommateur; 5- «des fruits abondants»(122): qui ne disparaissent à aucune saison et dont les bénéficiaires ne seront privés pour aucune raison; 6- «des lits élevés»(123): qui peuvent être soit des tapis élevés soit le symbole des houris.  

Ce qui nous intéresse dans cette description, c'est d'abord son lien avec notre conduite terrestre, et c'est ensuite sa différence avec la description du milieu eschatologique (paradisiaque) des "Premiers", et le rapport de cette différence à notre conduite terrestre également. Concernant la différence entre les deux milieux paradisiaques, destinés respectivement à chacune des deux catégories de personnages précitées, elle est très évidente. Ainsi, les hauts degrés de luxe ou de bien-être (relatif aussi bien au lieu de séjour qu'au boire, au manger et au service) que nous avons remarqués dans la description du milieu paradisiaque des "Premiers" ont totalement disparu ici (dans la description du milieu paradisiaque des Gens de la droite). Par exemple, lorsqu'on parcourt tous les versets coraniques qui décrivent (dans différents endroits et à diverses occasions) les "lits" ou les "tapis" au Paradis, on constate que la seule fois où les lits sont décrits comme étant tressés, c'est-à-dire tissés et enchevêtrés, c'est lors de la description du milieu des "Premiers". Il en va de même pour ce qui concerne la qualité du "service" dont bénéficient ceux-ci: nulle part ailleurs dans le Coran, on ne retrouve réunies les "cratères", les "aiguières" et les "coupes", comme elles le sont ici. On remarque la même chose pour la qualité de la nourriture, puisque le seul endroit où il est question de manger la chair des oiseaux, c'est lorsqu'il s'agit des "Premiers". Ces détails sont, à n'en pas douter, très significatifs, et porteurs d'un message: la satisfaction des besoins dans la vie de l'Au-delà est directement proportionnelle à la non-satisfaction des désirs (ou des besoins) dans la vie terrestre. En d'autres termes plus on fait de sacrifices (de désirs et de besoins) dans la vie d'ici-bas, plus ces désirs et besoins seront satisfaits dans l'autre monde. Les "Premiers" sont l'élite de l'humanité, des gens pieux et proches d'Allah, qui n'ont jamais fait montre d'une conduite reprochable. Tandis que ceux qui sont classés derrière ou après eux, ils oscillent selon différents degrés entre la bonne conduite et l'erreur, mais en règle générale, ils orientent leurs regards vers Allah et consacrent leurs énergies au service de la "lieutenance" de l'homme sur terre. Pour illustrer l'expression "différence de degrés" dans l'obéissance à Allah qui les caractérise, disons que la personne qui se dévoue totalement à Allah dans ses actions et activités n'est pas pareille à celui dont la bonne oeuvre ne se dépouille pas totalement de relents d'égoïsme. De même celui qui accourt au champ de bataille pour le Jihâd est traité différemment par Allah de celui qui reste éloigné du combat sur le chemin d'Allah, et celui qui fait le Jihad avec son sang n'a pas la même récompense que celui qui se contente de faire le Jihâd avec son argent ou ses biens. Moralité, répétons-le encore: le message idéologique du récit est que: autant le croyant renonce à la satisfaction de ses désirs égoïstes dans la vie terrestre, autant il aura des satisfactions dans la vie de l'Au-delà. En d'autres termes le degré de la satisfaction dans la vie future est proportionnel au degré du renoncement dans la vie de ce bas-monde. Telle est la leçon à tirer de ce récit coranique.  

Peut-être ce qui renforce cette vérité est-ce le rappel par lequel le récit a débuté la description des "Gens de la gauche", après avoir terminé la description du milieu des "Premiers" et celui des "Gens de la droite". En effet, le récit commence la description des "Gens de la gauche" par ce prologue: «Ils vivaient auparavant dans le luxe».(124) Or qu'est-ce que le luxe, sinon le sommet de la satisfaction des désirs! Certes, le récit en parlant par la suite des attitudes des "Gens de la gauche" fait un lien entre ces attitudes et la négation du Jour dernier; mais en fait, c'est le luxe dans ce bas-monde qui se trouve à l'origine de cette négation. Et c'est cela qui explique pourquoi le concept de "luxe" a constitué le début de la narration et est venu avant d'évoquer la négation du Jour dernier par ces "Gens de la gauche". Par ce procédé romanesque, le récit veut signifier que le luxe ou la recherche de la satisfaction des désirs se trouve à l'origine ou derrière toute attitude négative, peu importe que celle-ci se traduise par la négation du Jour dernier ou par la préférence donnée aux jouissances de la vie d'ici-bas. La personne qui s'abstient de s'engager dans le Jihâd tout en croyant en sa légitimité, agit ainsi parce qu'elle reste attachée au luxe de ce bas-monde, avec tout ce que ce luxe comporte d'attachement à la vie et à ses attraits. De la même façon, celui qui s'adonne à la duperie, aux mensonges, à la tromperie, à la calomnie, au dénigrement, ou qui fait montre de vanité, d'esprit de dominance etc., incarne sans aucun doute la recherche du luxe de ce monde avec sa jouissance éphémère. Certes, le plus haut degré du "luxe" demeure incarnée par la négation du Jour dernier, mais cela ne signifie nullement que les croyants soient dégagés pour autant de leur responsabilité lorsqu'ils donnent la priorité au "luxe" de la vie d'ici-bas dans leurs actes et comportements quotidiens. Peut-être la différence que le récit a établie entre les "Premiers" et les "Gens de la droite", en la liant d'abord au degré de renoncement aux désirs de ce monde, ou au "luxe", et en la liant par la suite au phénomène de "luxe" par lequel a débuté le récit des "Gens de la gauche", nous suggèret-elle, d'une façon artistique indirecte, la nécessité de comprendre ce message idéologique: notre renoncement aux désirs, dans notre conduite terrestre reste le seul critère de la place qui nous sera réservée dans le Ciel, et c'est le degré de ce renoncement qui détermine le niveau de l'étage auquel nous aurons droit dans l'échelle des valeurs célestes. 

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Lorsque nous suivons la description du milieu infernal, nous remarquons que l'enfoncement de ses personnages dans le "luxe" terrestre est symétrique à leur enfoncement dans le supplice céleste. En effet le récit commence par l'introduction de toutes les caractéristiques du contexte ou milieu sensoriel auquel est confronté celui qui s'y trouve: «Les compagnons de la gauche! Quels sont donc les compagnons de la gauche? »Ils seront exposés à un souffle brûlant, dans une eau bouillante, sous une ombre de fumée chaude...»(125) Il y a ainsi trois stimulateurs ou excitateurs: souffle brûlant, eau bouillante, fumée chaude. Le sens du toucher qui demeure la matière qui subit le supplice est associé aux sens de l'ouïe et de la vue, outre le sens de l'odorat (le souffle et la fumée). Il suffit que la terreur de la brûlure soit associée à la terreur du souffle brûlant et à celle de la fumée pour que le supplicié ressente l'immensité de la terreur que subissent quatre de ses sens: le toucher, l'odorat, la vue et l'ouïe. En outre, le cinquième sens, le "goût", a droit à une séquence particulière que le récit lui consacre, en s'adressant aux négateurs: «Vous mangerez les fruits de l'arbre Zaqqoum; vous vous en emplirez le ventre».(126) Ceci concernant le manger. Quant au boire: «vous boirez ensuite de l'eau bouillante; vous boirez comme des chameaux altérés».(127) Donc tous les organes des sens qui reçoivent les stimulateurs et les traduisent en réactions physiques et psychologiques se conjuguent pour infliger le supplice au supplicié, ce qui révèle l'étendue de la terreur par opposition à l'étendue du "luxe", ou l'étendue de la différence entre l'obéissance et la désobéissance et les degrés qui les séparent dans la conduite terrestre avec la conséquence de celle-ci sur le milieu de l'Au-delà. 

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  Sourate (68): Al-Qalam 

Le Récit des Gens du Verger A- La Sourate  

10 N'obéis pas à celui qui profère des serments et qui est vil;

  11 au diffamateur qui répand la calomnie; 12 à celui qui interdit le bien; au transgresseur, au pécheur;

  13 à celui qui est arrogant et bâtard par surcroît. 

14 Ne lui obéis pas même s'il possède des richesses et de nombreux enfants. 

15 IL dit, lorsque nos Versets lui sont lus: «Voici des histoires racontées par les Anciens!»

16 - Nous lui ferons une marque sur le museau! -  

17 Oui, Nous les éprouvons comme Nous avons éprouvé les propriétaires du Jardin qui avaient juré de faire leur récolte au matin;  

18 mais ils avaient juré sans faire de restriction. 

19 Une calamité envoyée par ton Seigneur les surprit tandis qu'ils dormaient  

20 et ce fut au matin, comme si tout avait été rasé.

  21 Ils s'interpellèrent alors: 

22 «Partez de bonne heure à votre champ, si vous voulez procéder à la récolte». 

23 Ils se mirent en route en causant entre eux à voix basse:

  24 «Que nul pauvre n'entre ici aujourd'hui, malgré vous». 

25 Ils partirent donc de bonne heure, décidés à ne rien donner, bien qu'ils en eussent les moyens.  

26 Lorsqu'ils virent ce qui était arrivé, ils dirent: «Nous sommes sûrement égarés 

27 et nous sommes ruinés!» 

28 Le plus modéré d'entre eux dit: «Ne vous avais-je pas avertis? Si seulement vous aviez rendu gloire à Dieu!» 

29 Ils dirent: «Gloire à notre Seigneur! Oui, nous avons été injustes»;  

30 et ils se tournaient les uns vers les autres en se faisant mutuellement des reproches. 

31 Ils dirent: «Malheur à nous! Oui, nous avons été rebelles! 

32 Mais il se peut que notre Seigneur nous donne en échange quelque chose de meilleur que ceci. Nos désirs se portent ardemment vers notre Seigneur!» 












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Cette sourate s'appelle aussi "Sourate Nûn". Elle comprend cinquante-deux versets. Dans la première partie de ce chapitre qui décrit les vilains traits de quelques figures typiques des détracteurs du Prophète (P), Allah demande à Son Messager de ne pas prêter attention à ces derniers qui essayaient de le rabaisser et de le faire douter du sérieux de sa mission, et exalte ses propres mérites et hautes qualités. Dans une seconde partie Allah l'informe comment IL les a soumis à une épreuve (pénurie et famine) semblable à celle des "Gens du Jardin" dont la Sourate nous relate le récit (que nous aborderons plus loin). Dans une troisième partie, Allah tourne en ridicule les mécréants (qui insinuaient que si le Prophète disait la vérité et qu'il existait une vie future, ils y seraient mieux lotis que les Musulmans, comme ils le sont dans ce bas-monde), en informant Son Messager que le Jour où les Croyants auront pour récompense les doux jardins du Paradis, un traitement horrible attendra en revanche les polythéistes. Et dans la dernière partie de la Sourate, Allah dit au Prophète de ne pas perdre patience ni d'abandonner son peuple - comme l'a fait Jonas - et d'attendre jusqu'à ce qu'Il décide de la victoire de ses adeptes et de la défaite de ses contradicteurs. * * * Selon Ibn Abî Ka'ab, le Prophète (P) dit: «Quiconque récite sourate Nûn wal-Qalam Allah lui accorde la récompense décernée à ceux dont IL a ennobli le caractère».(128) Selon l'Imâm al-Sâdiq (p): «Quiconque récite la Sourate Nûn wal-Qalam, lors d'une Prière obligatoire ou recommandée, Allah lui évitera à jamais la pauvreté dans sa vie, et la pression de la tombe lorsqu'il mourra».(129) La Sourate al-Qalam (le Calame) comprend une seule petite nouvelle, précédée d'une brève allusion à certaines attitudes des opposants au Message de l'Islam, qu'elle (la Sourate) nous présente comme suit: S'adressant au prophète, la sourate dit: «N'obéis pas à celui qui profère des serments et qui est vil; au diffamateur qui répand la calomnie...»(130) Abstraction faite de l'identité des individus vils qui se sont opposés au Saint Prophète et à son Message, la sourate a mis en exergue certains de leurs traits: des gens qui profèrent de faux serments, qui ne dédaignent pas le mensonge, qui blessent les gens par leurs langues, qui répandent la calomnie et la corruption, et qui font montre d'avarice envers les pauvres.  

Ces traits pervers qui ont marqué les orgueilleux contemporains du Message de Mohammad (P), ont été repris par la nouvelle pour les attribuer à ses personnages, visant par là à adresser un message indirect au lecteur ou à l'auditeur pour qu'il réforme sa conduite et la discipline.


  B- Le Récit  

Retraçons maintenant les éléments constitutifs de la nouvelle (le récit): «Oui, Nous les éprouvons comme Nous avons éprouvé les propriétaires du Jardin qui avaient juré de faire leur récolte au matin; »Mais ils avaient juré sans dire "si Allah le veut". »Une calamité envoyée par ton Seigneur les surprit tandis qu'ils dormaient »et ce fut au matin, comme si tout avait été rasé».(131) Avant de consulter les textes de tafsîr, le lecteur ou l'auditeur pourrait déduire schématiquement que les contemporains du Message de l'Islam ont été soumis à une épreuve. Cette "épreuve" ressemble à une autre épreuve à laquelle avaient été soumis des gens non identifiés qui possédaient vraisemblablement une ferme fruitière et qui avaient juré un jour qu'ils récolteraient les fruits de leur ferme le lendemain matin, sans assortir leur serment de la réserve de la Volonté d'Allah, c'est-à-dire sans tenir compte de la Volonté d'Allah dans la réalisation de leur projet. Puis un imprévu s'est produit... le Ciel a envoyé sur le verger une calamité qui l'a rasé complètement et l'a transformé comme une nuit ténébreuse par sa désolation, et ce avant même l'arrivée du matin où ils eussent dû faire la récolte, et alors qu'ils étaient encore plongés dans leur sommeil. C'est tout ce qu'on peut comprendre comme péripéties de la nouvelle qui ne donne pas davantage de détails. Mais si nous nous référons aux textes de tafsîr, au prologue de la nouvelle qui fait allusion à «celui qui profère des serments»(132), «celui qui interdit le bien»(133), et que nous relisons par la suite la nouvelle, une diversité de lumière apparaît, et apporte au récit un éclairage artistique et idéologique auquel il convient de s'arrêter. * * * Selon les textes d'exégèse (tafsîr), il y avait un verger au Yémen, situé à quelques kilomètres de Sana'a. Il appartenait à un vieillard pieux qui ne rapportait rien des fruits de sa propriété avant, d'en donner une partie en aumône aux pauvres. Puis le vieillard s'éteignit et ses fils lui succédèrent.  

Selon certains textes de tafsîr, les fils du vieillard pensèrent alors à priver les pauvres des fruits du verger, sous prétexte qu'ils avaient eux-mêmes une famille nombreuse et qu'ils avaient par conséquent, plus droit aux produits de leur jardin que ceux qui avaient l'habitude d'en bénéficier jusqu'alors. Selon d'autres textes exégétiques, les héritiers se sont enorgueillis et sont devenus avides lorsqu'ils constatèrent que leur verger produisait (l'année du décès du vieillard) beaucoup plus de fruits que du vivant de leur père. Aussi décidèrent-ils de garder pour eux la totalité de la récolte du verger et d'en priver les pauvres, en attribuant la générosité de leur père envers les pauvres à sa "sénilité", pour se donner bonne conscience. Ayant pris cette décision, ils ont convenu d'aller le lendemain matin au verger pour en cueillir la totalité des fruits, faisant le serment d'exécuter certainement ce plan, sans en faire assortir la réalisation de la condition de la "Volonté d'Allah". C'est alors, que le Ciel a fait anéantir le verger tel que nous le raconte le récit lui-même. A la lumière de cet éclairage des textes de tafsîr nous pouvons mieux expliquer les procédés artistiques de la construction du récit, sur le plan de sa structure: début, milieu, fin, sur le plan de ses personnages, ses péripéties et ses situations, et enfin sur le plan de son style: dialogue et narration. Le premier trait ou procédé artistique de ce récit est qu'il ne suit pas un tracé linéaire dans le déroulement des faits. Ainsi, lorsqu'il aborde les personnages, il ne présente pas tous leurs traits caractéristiques, qu'il divulguera dans la deuxième partie, à travers le dialogue qui va nous faire connaître toutes les dimensions de leurs personnalités (et ce après que le verger aura été anéanti, comme nous allons le voir plus tard). En tout état de cause, ce sont la signification idéologique du récit et les objectifs visés par le texte coranique qui révèlent l'importance d'une telle structure artistique qui cherche à susciter la curiosité du lecteur, à le tenir en haleine et à le surprendre, pour atteindre les objectifs visés. C'est pourquoi, il est important de nous étendre un peu sur ce sujet. Il faut tenir compte que lorsque la sourate coranique s'adresse au Prophète (P) dans ces termes: «N'obéis pas à celui qui profère des serments et qui est vil; au diffamateur qui répand la calomnie; à celui qui interdit le bien... »(134), elle met en évidence, dans un récit réaliste, des concepts précis à travers lesquels elle veut nous faire comprendre comment un individu qui jure par Allah, par exemple, sans pour autant, tenir compte de Sa Volonté, ou comment celui qui interdit le bien et en prive les pauvres connaîtront des sorts sombres, impitoyables auxquels ils ne s'attendaient jamais. Or les péripéties du récit sont venues confirmer cette vérité avec d'autant plus d'évidence qu'il nous raconte comment un verger productif qui n'a jamais connu de stérilité, ni aucune calamité agricole tout au long de la vie du vieillard est subitement anéanti, et mieux, par une calamité absolument imprévue, et d'autant plus imprévue que sa production avait augmenté l'année même de la mort de son propriétaire, ce qui n'a pas manqué de contribuer à la conviction des héritiers que leur verger s'acheminait vers le développement et vers une meilleure santé, sans qu'ils puissent envisager un moment qu'il pourrait disparaître complètement et soudainement, et non progressivement avec le temps. Comment peut-il mourir la nuit même où ses nouveaux propriétaires attendaient le lever du jour du lendemain pour cueillir ses fruits! Oui, ils «avaient juré de faire leur récolte au matin».(135) Ainsi, les péripéties du récit veulent nous montrer la fin noire de «quiconque profère des serments à la légère», de «quiconque interdit les bienfaits d'Allah à autrui». Ce sont là deux modèles d'individus contemporains du Prophète (P), semblables aux personnages présentés par le récit coranique. * * * La première partie ou séquence du récit des Gens du Verger traite de l'événement de l'anéantissement du verger: «une calamité envoyée par ton Seigneur les surprit tandis qu'ils dormaient, et ce fut, au matin, comme si tout avait été rasé».(136) Dans cette séquence, on n'apprend des péripéties du récit que la transformation du verger, d'un jardin très productif en un terrain pareil à la nuit dans sa désolation. Et le seul détail relatif aux attitudes et aux comportements des propriétaires du verger, évoqué dans cette séquence est le serment qu'ils ont fait de récolter les fruits de leur verger le lendemain matin sans tenir compte de la Volonté du Ciel: «Ils avaient juré de faire leur récolte au matin, mais ils avaient juré sans faire de restriction».(137) Pour bien saisir l'aspect de l'art ou de la technique romanesque utilisé dans cette première partie du récit, remarquons que l'incident de l'anéantissement du verger n'a pas pris sa place (normale) dans l'ordre chronologique des péripéties. Il a devancé son temps chronologique, a enjambé sa phase normale, puis il est retourné pour prendre sa place dans l'ordre chronologique objectif. En effet, la première situation ou phase du récit s'annonce lorsque les propriétaires du verger ont juré de se rendre le lendemain matin à leur propriété pour en cueillir tous les fruits, les garder pour eux exclusivement et d'en priver les pauvres. C'est donc la phase de la prise de la décision. La seconde phase, c'est la phase de l'exécution de la décision, c'est-à-dire: aller le lendemain au verger Mais le récit, avant de nous relater cette phase d'exécution, a introduit la troisième phase, celle de la descente d'une calamité céleste qui a rasé complètement le verger. Et c'est après avoir abordé la péripétie de l'anéantis-sement du verger que le récit revient pour présenter la deuxième phase, celle relative à l'exécution de la décision. La question qui se pose maintenant est de comprendre pourquoi le récit a-t-il rompu l'enchaînement chronologique, en relatant la conclusion ou l'épilogue avant la narration des péripéties qui précèdent cet épilogue?  

La réponse à cette question apparaît lorsque nous tenons compte que le récit a omis volontiers d'expliquer la raison qui a conduit les propriétaires à faire le serment de se rendre le lendemain matin au verger pour en cueillir les fruits, afin de tenir en haleine le lecteur qui éprouve le désir de connaître le pourquoi de cette décision, et de l'amener à s'interroger, pendant un temps: pour quelle raison les propriétaires ont-ils pris une telle décision? Quels sont les motifs de cette décision? etc ... Tel est donc l'un des procédés d' "intéressement romanesque" qui conduit le lecteur à rechercher la raison, le motif, et à suivre par conséquent, avec intérêt et passion les péripéties du récit. * * * Le récit ne se contente pas de ce seul procédé d'intéressement romanesque; il a redoublé l'intérêt ou la curiosité du lecteur lorsqu'il lui a suggéré que la prise de la décision susmentionnée (se rendre le lendemain matin au verger pour en récolter les fruits) est un acte injuste puisque Dieu l'a sanctionnée impitoyablement par l'envoi, la même nuit, d'une calamité qui éradiqua le verger, au point qu'il est devenu pareil à une nuit dans sa dévastation. La surprise du lecteur face à cette calamité imprévisible alors qu'il s'attendait à connaître la phase de l'exécution de la décision prise par les propriétaires, révèle deux doubles traits artistiques. Le premier est le fait que le récit va lui révéler que la décision d'aller au verger pour en cueillir les fruits est une conduite injuste. Le second est que le récit va redoubler son intérêt pour la découverte des détails de cette décision et la raison pour laquelle cette décision est qualifiée d'injuste?! En outre l'occurrence de la calamité alors que les propriétaires sont en train de dormir d'une part et qu'ils n'ont pas encore exécuté leur décision ou projet, d'autre part, constitue un procédé artistique par lequel le récit coranique cherche à faire prendre conscience au lecteur que le Ciel est à l'affût de quiconque se permet une attitude injuste, et qu'IL interviendra avant que l'injuste ne puisse réaliser ses objectifs malveillants. Donc il y a plus d'une raison artistique qui explique la rupture de la chaîne objective du temps (la chaîne chronologique) dans cette séquence (partie) du récit. * * * Passons à la deuxième phase que le récit a enjambée pour y relever d'autres procédés romanesques ou d'autres traits de l'art romanesque du Coran. La première phase ayant été la prise de la décision, la deuxième est donc son exécution, laquelle est relatée par le récit comme suit: «Ils s'interpellèrent alors: "Partez de bonne heure à votre champ, si vous voulez procéder à la récolte". »Ils se mirent en route en causant entre eux à voix basse:  

»"Que nul pauvre n'entre ici aujourd'hui, malgré vous". »Ils partirent donc de bonne heure, décidés à ne rien donner, bien qu'ils en eussent les moyens».(138) Telle est donc la phase de l'exécution: une fois le matin levé, les héritiers se sont interpellés les uns les autres, s'incitant mutuellement à mettre en application leur projet, demandant les uns aux autres d'accourir au champ pour y faire la récolte. Et ils se sont dirigés effectivement vers le verger. Chemin faisant, les frères dialoguaient entre eux, discutaient en chuchotant, se confiant à voix basse. Mais qu'est-ce qu'ils chuchotaient? Le récit nous le fait découvrir en nous faisant écouter leurs chuchotements: «Que nul pauvre n'entre ici aujourd'hui».(139) Cette phrase est la clé qui ouvre au lecteur tous les secrets, qui l'intriguent. En effet, le lecteur ou l'auditeur qui veut savoir le pourquoi de la décision d'aller le lendemain matin au verger, et la raison pour laquelle le Ciel a envoyé une calamité qui a détruit ce verger, découvre maintenant que tout réside dans la motivation injuste de cette décision qui vise à "interdire le bien" et qui montre au lecteur qu'il a affaire à une poignée d'individus dont l'avidité, l'avarice et l'égoïsme les ont poussés à vouloir garder uniquement pour eux les bienfaits d'Allah et d'en priver les pauvres et les miséreux, et à s'abstenir de nourrir un affamé que leur père avait habitué à manger des fruits du verger. * * * Il convient d'attirer l'attention du lecteur sur l'importance de ce dialogue collectif, sur un plan purement romanesque, entre les jeunes personnages avides. En effet, comme on peut le remarquer, le récit ne nous dit pas au début qu'il y a un groupe d'individus qui avaient pris la décision de priver les pauvres de leurs subsistances, mais s'est contenté de nous informer que quelques individus avaient décidé de se rendre à leur champ un matin et que le Ciel a envoyé sur ce champ un feu qui l'a ravagé entièrement, tout en omettant de dévoiler le secret qui a motivé la décision des jeunes d'aller au verger, et la décision du Ciel de raser ce verger, pour ne le déceler qu'ultérieurement, suscitant ainsi la curiosité et l'intérêt du lecteur, lequel de ce fait brûlait de désir de suivre attentivement toutes les péripéties du récit. C'est ce qu'on appelle en terminologie de littérature romanesque l' "intéressement", doublé des éléments "surprise" et "atermoiement"artistiques qui servent à susciter l'intérêt soutenu du lecteur et à tenir ce dernier en haleine. Mais l'élément "intéressement" ne s'arrête pas là. Nous allons remarquer, en suivant les différentes péripéties du récit, davantage d'éléments d'"intéressement" artistique riches en significations idéologiques relatives aux bienfaits accordés par Allah à Ses serviteurs, au fait que le Ciel est à l'affût de quiconque cherche à interdire le bien, au regret que certains pourraient ressentir à la suite d'un comporte-ment malveillant, à la possibilité de se repentir des péchés, ainsi qu'à d'autres significations que nous mettrons en évidence plus loin.  

Lorsque les propriétaires du verger s'y dirigèrent le matin, confiants qu'ils allaient mettre à exécution leur projet injuste, projet visant à interdire aux pauvres leur droit à la récolte, ils furent surpris par un fait inattendu. Ils ont constaté que leur verger avait été rasé complètement et rendu pareil à une nuit ténébreuse. Tout ceci s'est déroulé à travers trois phases: 1- La phase de la prise de la décision; 2- La phase de la destruction du verger; 3- La phase de l'échec du projet de priver les pauvres de leurs droits. Puis arrive la quatrième et dernière phase, celle de la réaction suscitée par le rasage du verger, chez les héritiers qui y avaient mis de grands espoirs. Mais quelle a été cette réaction des propriétaires du verger en le voyant dans cet état de néant? Il paraît d'après le récit que ces héritiers ont reconnu leur erreur dans la prise de leur décision. Il paraît également - et c'est là l'un des traits de cet art romanesque que le récit nous dévoile dans sa dernière partie - qu'un des héritiers au moins, "le fils du milieu", celui qui se situe par l'âge, entre les aînés et les cadets (ou celui qui était le plus mûr d'entre eux, selon une autre interprétation du sens du terme arabe utilisé, awsat) n'avait pas été d'accord avec ses frères sur leur dessein de priver les pauvres de leurs droits, ni n'avait partagé leur opinion à ce sujet, ou tout au moins qu'il leur avait demandé d'assortir leur serment de la condition de la Volonté d'Allah. Tout ceci, le récit nous le relate à travers un dialogue collectif auquel il a recouru à dessein. Il est intéressant maintenant de connaître tout d'abord les détails des réactions des héritiers et d'analyser, ensuite, l'importance du procédé romanesque auquel le récit a recouru pour dévoiler le personnage (le fils du milieu) qui a mis en garde les propriétaires du verger contre leur mauvaise conduite ou décision. * * * Lisons donc la réaction des héritiers à la vue du verger brûlé: «Lorsqu'ils virent ce qui était arrivé, ils dirent: «Nous sommes sûrement égarés; non nous sommes privés».(140) Telle est la première réaction à la vue de la calamité: ils reconnaissent qu'ils avaient été égarés lors de la prise de leur décision d'interdire aux pauvres leurs subsistances, sans même subordonner cette décision à la Volonté de Dieu. Mais selon certains exégètes, l'énoncé «nous sommes égarés» est à prendre ici au sens propre et non figuré, c'est-à-dire que, les héritiers n'en croyant pas leurs yeux en voyant le verger ravagé, doutaient qu'il s'agisse de leur verger et pensaient avoir, peut-être, perdu leur chemin.  

Cependant, malgré ce doute, l'un d'entre eux a rectifié, comme si, n'étant pas convaincu que le verger brûlé soit un verger autre que le leur, l'idée de la vengeance divine lui sauta à l'esprit, en s'écriant: «non, nous sommes privés» des fruits de ce verger, ayant omis de tenir compte de la Volonté divine et ayant pensé à interdire aux pauvres leurs subsistances. Le texte du récit nous a permis de percevoir nous-mêmes, nous les lecteurs, les sentiments de ceux qui ont reconnu leur culpabilité et l'ont avouée de leurs propres bouches, à travers le dialogue au pluriel, dans cette partie du récit. En fait, cet aveu de culpabilité joue un rôle important, comme technique romanesque, dans la mesure où il nous permet de connaître le fond de ce personnage. C'est ce que nous verrons plus loin. En outre, le dialogue au pluriel a révélé d'autres éléments importants en nous faisant découvrir davantage d'aspects qui nous échappent dans la conduite des personnages. En effet, le lecteur ou l'auditeur pense de prime abord que tous les personnages étaient d'accord entre eux sur la décision de priver les pauvres, ainsi que sur le serment: «ils avaient juré sans faire de restriction».(141) Cette pensée (que tous les héritiers, sans exception, étaient d'accord) ne s'est pas formée fortuitement dans l'esprit du lecteur. Ce sont les trois premières parties du récit qui l'ont suggérée, puisque'elles parlent des "gens du verger" sans en excepter aucun. Et c'est la quatrième partie du récit qui nous dévoile un nouveau secret jusqu'alors caché: «Ne vous avais-je pas avertis: "Si seulement vous aviez rendu gloire à Dieu».(142) Donc l'un des héritiers n'était pas content, dès le départ, de la conduite de ses frères; mieux, il leur a même conseillé: «Si seulement vous rendiez gloire à Dieu»; si seulement vous aviez fait restriction; si seulement vous craigniez Dieu; si seulement vous préleviez de vos biens le droit des pauvres!. Evidemment le texte ne mentionne pas tous ces conseils, mais le lecteur peut les déduire de la parole prononcée par le frère juste ou modéré: «Si seulement vous rendiez gloire à Dieu». Mais plus important de tout ceci est l'effet de surprise que le récit a créé en gardant un secret tout au long de la narration, pour le dévoiler soudainement au dernier moment, suscitant ainsi plus d' "intéressement artistique", lequel constitue l'un des éléments les plus puissants de l'art ou de la technique romanesque, comme le savent tous ceux qui sont versés dans ce genre littéraire. * * * En tout état de cause, le dialogue entre les héritiers nous fait connaître d'autres réactions après que le frère "modéré" leur a rappelé qu'il les avait bien conseillés dès le départ: «Gloire à notre Seigneur! Oui, nous avons été injustes».(143)  

Cette réaction indique que les héritiers avaient gardé au fond d'eux-mêmes un peu de pureté, puisqu'ils n'ont pas hésité à reconnaître leurs torts, en réalisant tout d'abord qu'ils étaient privés des fruits de leur verger à cause de leur malveillance et leur avidité en voulant priver les pauvres de ces fruits, en admettant de nouveau qu'ils étaient injustes ensuite, en se blâmant en troisième lieu, les uns les autres de leurs comportements: «et ils se tournaient les uns vers les autres en se faisant mutuellement des reproches»,(144)et enfin en se lamentant sur leur attitude passée: «Ils dirent: "Malheur à nous! Oui, nous avons été rebelles!».(145) Ces différentes réactions indiquent que ces gens n'étaient pas des personnes au coeur endurci et insensible aux leçons et aux expériences. C'est pourquoi leur attitude fut couronnée par la repentance doublée de l'espoir que Dieu les compensera par un nouveau verger meilleur que celui qui a été rasé: «Il se peut que notre Seigneur nous donne en échange quelque chose de meilleur que ceci. Nos désirs se portent ardemment vers notre Seigneur».(146) Ainsi, le récit se termine par un épilogue qui parle de la repentance et des larges perspectives qu'elle offre au repentant, repentance à laquelle Dieu nous invite si souvent et nous appelle à la demander avant qu'il ne soit trop tard. C'est cette repentance qui nous apprend que la Miséricorde d'Allah n'a pas de limite, Miséricorde qui a conduit les héritiers malveillants non seulement à regretter leur mauvaise conduite et à s'en excuser, mais aussi à réclamer à Allah de compenser leur perte par un meilleur verger. Allah, IL est Glorieux et Très-Haut, accepte le peu (de repentir que Ses serviteurs montrent) et pardonne beaucoup (de péchés qu'ils commettent). IL nous fait sentir dans ce récit où IL fait exprimer aux personnages fautifs le désir de Le voir suppléer leur verger ravagé, par un meilleur, les immenses effets bénéfiques de la "repentance". IL nous fait réaliser que Ses serviteurs sont exaucés dans leur désir de se voir accorder davantage de bienfaits divins, bien qu'ils aient commis des péchés contre lesquels ils avaient été mis en garde, mais à condition, bien entendu, que leur repentance soit sincère, définitive et sans velléité aucune de récidive. Tel est donc le message du récit des "Gens du Verger", à nous les lecteurs et à tous les serviteurs. 




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  Sourate (71): Noé 

Le Récit de Noé



A- La Sourate  

1Oui, Nous avons envoyé Noé à son peuple:

  «Avertis ton peuple avant qu'un douloureux châtiment ne l'atteigne!»

  2Il dit: «Ô mon peuple! Je suis pour vous un avertisseur explicite. 

3Adorez Dieu! Craignez-Le! Obéissez-moi! 

4IL vous pardonnera vos péchés; IL vous accordera un délai jusqu'à un terme fixé; mais quand vient le terme fixé par Dieu, il ne peut être différé. - Si vous saviez!» - 

5Il dit: «Mon Seigneur! J'ai appelé mon peuple nuit et jour  

6et mon appel n'a fait qu'augmenter son éloignement.  

7Chaque fois que je les ai appelés pour que Tu leur pardonnes, ils ont mis leurs doigts dans leurs oreilles; ils se sont enveloppés dans leurs vêtements; ils se sont montrés orgueilleux. 

8Je les ai ensuite appelés à haute voix; 

9j'ai fait des proclamations et je leur ai parlé en secret. 

10 J'ai dit: "Implorez le pardon de votre Seigneur; IL est Celui qui ne cesse de Pardonner;  

11 IL vous enverra, du ciel, une pluie abondante;  

12 IL accroîtra vos richesses et le nombre de vos enfants; IL mettra à votre disposition des Jardins et des ruisseaux. 

13 Pourquoi n'attendez-vous pas de Dieu un comportement digne de Lui 

14 alors qu'IL vous a créés par phases successives? 

15 N'avez-vous pas vu comment Dieu a créé sept cieux superposés? 

16 IL y a placé la lune comme une lumière; IL y a placé le soleil comme une lampe.  

17 Dieu vous a fait croître de la terre comme les plantes 

18 puis IL vous y renverra et IL vous en fera ensuite surgir soudainement.

  19 Dieu a établi pour vous la terre comme un tapis 


20 afin que vous suiviez des voies spacieuses"».  

21 Noé dit: «Mon Seigneur! Ils m'ont désobéi; ils ont suivi celui dont les richesses et les enfants n'ont fait qu'accroître la perte».  

22 Ils ont tramé une immense ruse

  23 et ils ont dit: «N'abandonnez jamais vos divinités: n'abandonnez ni Wadd, ni Souwa', ni Yaghout, ni Ya'ouq, ni Nasr!» 

24 Ceux-ci ont pourtant égaré un grand nombre d'hommes. Tu ne fais qu'accroître l'égarement des injustes.

  25 Ils furent engloutis et introduits dans un Feu, à cause de leurs fautes. Ils ne trouvèrent aucun protecteur en dehors de Dieu. 

26 Noé dit: «Mon Seigneur! Ne laisse sur la terre aucun habitant qui soit au nombre des incrédules.  

27 Si Tu les épargnais, ils égareraient Tes serviteurs et ils n'engendreraient que des pervers absolument incrédules.

  28 Mon Seigneur! Pardonne-moi ainsi qu'à mes parents; à celui qui entre dans ma maison en tant que croyant; aux croyants et aux croyantes. Augmente seulement la perdition des injustes!»


                              * * * 

La Sourate Nouh (Noé), tire son titre du Prophète du même nom à qui elle est entièrement consacrée. Cependant cette sourate ne relate qu'un bref extrait de la Mission de ce grand Messager considéré comme le premier des cinq "Apôtres doués de constance" (ulû-l-'azm)(147), alors que d'autres Sourates telles que "Al-Chu'arâ' (Les Poètes)", "Al-A'râf", "Al-Anbiyâ' (Les Prophètes)" et surtout la Sourate Hûd traitent d'une façon beaucoup plus détaillée, d'autres tranches de sa riche biographie. La brève séquence de la Mission de Noé abordée dans cette sourate montre avec quelle persistance celui-ci a appelé son peuple à l'Unicité, épuisant tous les arguments irréfutables pour le ramener à la raison, et comment ce peuple hautain et réfractaire à la Vérité fit preuve d'aveuglement en refusant obstinément d'entendre raison, aveuglement et refus qui l'ont conduit subséquemment à l'anéantissement. Compte tenu que cette sourate a été révélée à la Mecque à un moment où le Prophète de l'Islam (P) et le petit nombre de ses disciples vivaient dans des circonstances similaires à celles qui avaient prévalu à l'époque de Noé (P) et ses adeptes, elle présentait aux premiers (les Musulmans) une bonne matière de réflexion et leur permettait de tirer beaucoup de leçons dont: 1- Recourir aux raisonnements et aux arguments logiques pour amener les gens à l'Islam. 2- Faire montre de compassion envers les gens à qui l'appel est adressé et leur faire comprendre que cet appel a pour but leur propre salut. 3- Persister sur cette voie et ne jamais désespérer ni baisser les bras quand bien même les polythéistes se montrent peu enclins à entendre la voix de la raison. 4- Alterner la carotte et le bâton pour la persuasion, c'est-à-dire tantôt avertir les récalcitrants du sort horrible qui les attendrait s'ils continuaient leur cheminement sur la mauvaise voie, tantôt leur faire miroiter la délivrance et la félicité auxquelles ils sont promis s'ils acceptaient de sortir du mauvais chemin. 5- Les derniers versets de cette sourate mettent en garde les polythéistes rebelles et entêtés contre le châtiment terrible qu'ils subiront, s'ils continuaient dans leur rébellion. 6- Enfin cette sourate servait à rassurer le Noble Prophète et les premiers Musulmans, ainsi que tous les croyants qui se trouveraient dans la même situation difficile qu'Allah veille sur eux et qu'ils doivent faire preuve d'une grande patience et poursuivre leur oeuvre lors même qu'ils ne voient pas le bout du tunnel dans leur longue marche. En bref, la "Sourate de Noé" ébauche les grandes lignes de la lutte permanente entre les Gens de la Vérité et les Gens du Faux et dessine pour les premiers la voie qu'ils devraient suivre pour atteindre leur sain objectif. * * * Notons enfin qu'il est très recommandé de réciter cette sourate, car le Prophète (P) dit: «Quiconque récite la Sourate Nouh fera partie des croyants sauvés par l'Arche de Noé». Quant à l'Imâm al-Sâdiq (p), il dit à ce propos: «Celui qui croit en Allah et au Jour Dernier, et récite le Coran, qu'il ne manque jamais la récitation de la Sourate de Noé, car tout croyant qui la récite pour l'amour d'Allah et avec patience pendant une prière obligatoire ou recommandée, Allah le fera habiter dans les demeures des vertueux et lui réservera trois Jardins».(148) ****** 

B- Récit  

Le récit commence ainsi:  

«Nous avons envoyé Noé à son peuple: "Avertis ton peuple avant qu'un douloureux châtiment ne l'atteigne!"»(149)  

Cette introduction romanesque ou ce prologue nous suggère que les péripéties et situations du récit s'articulent autour d'un avertissement direct et d'un châtiment imminent au cas où l'avertissement serait sans effet. Et lorsque nous lisons tout le récit (lequel couvre la totalité de la sourate qui lui est entièrement consacrée), qui regorge de situations passionnantes, nous constaterons qu'il se termine par l'exécution du châtiment qui a balayé et éradiqué le peuple incriminé. Toutefois, le lecteur hésiterait, à ce stade, à déduire, sur un plan purement romanesque, cette conclusion tranchante avant d'avoir terminé la lecture du récit. Cette hésitation tient sans aucun doute à la technique romanesque utilisée dans ce récit, car celuici ne débute qu'au milieu de péripéties ambiguës dont le lecteur ne connaît aucun détail. Autrement dit le récit commence avec "un avertissement" qui devrait être précédé forcément de péripéties qui le justifieraient, péripéties d'une telle gravité qu'elles requièrent la menace d'un "châtiment douloureux" brandi par le Ciel de cette façon remarquable. En d'autres termes, la première question que se poserait le lecteur après avoir lu ce prologue est de savoir ce que le peuple de Noé a commis pour avoir droit à un tel avertissement? Et c'est sans doute la première chose qu'il chercherait à connaître dans la suite du récit Donc ce début romanesque, «Nous avons envoyé Noé à son peuple: "Avant qu'un douloureux châtiment ne l'atteigne"» implique, sur le plan de la forme architecturale du récit, l'existence de péripéties qui précèdent l'avertissement, une mise en garde effective que Noé lancera, et l'attente d'un châtiment qui emporterait le peuple fautif au cas où il s'obstinait dans l'erreur. * * * Maintenant que fera Noé vis-à-vis de son peuple après avoir reçu l'ordre du Ciel de lancer à ce dernier une mise en garde? Noé a averti les siens ainsi: «Ô mon peuple! Je suis pour vous un avertisseur explicite. »Adorez Dieu! Craignez -Le! Obéissez-moi!».(150) Cet avertissement décèle certains faits précédents, ramenant le lecteur au début de la situation. Mais alors! Quel type d'exigence l'avertissement a-t-il formulé? C'est l' "adoration d'Allah" et l' "obéissance à Noé" en ce qui concerne son appel à l'adoration d'Allah. De là, nous déduisons que le peuple en cause adorait quelqu'un d'autre qu'Allah, et était en situation de refus de l'adoration du Créateur. On doit inférer également que ce refus ou cette rébellion avait revêtu une forme particulière qui commanda un avertissement d'une telle sévérité. Mais le Ciel, toujours Compatissant envers Ses serviteurs leur laisse des occasions diverses pour qu'ils se ressaisissent et retournent à la raison. Ainsi, IL leur promet d'abord de leur pardonner et d'oublier leurs erreurs passées. IL leur promet ensuite qu'il ajournera sine die tout châtiment qu'ils auraient mérité. IL leur fait comprendre, enfin, que le châtiment mis en sursis sera appliqué irrévocablement au cas où ils n'en tiendraient pas compte. Tout ceci est exposé dans la réplique suivante de Noé: «IL vous pardonnera vos péchés; IL vous accordera un délai jusqu'à un terme fixé par Dieu, mais quand vient le terme fixé par Dieu, il ne peut être différé. Si vous saviez!».(151) La question qui se soulève dans l'esprit du lecteur maintenant est: Noé ayant commencé par exécuter effectivement les ordres du Ciel en disant clairement à son peuple: «Je suis pour vous un avertisseur explicite», en lui faisant miroiter le pardon du Ciel: «Il vous accordera un délai jusqu'à un terme fixé», et en brandissant la menace de l'irrévocabilité du châtiment en sursis: «mais quand vient le terme fixé par Dieu, il ne peut être différé», quelle est l'efficacité de son avertissement? Le peuple de Noé a-t-il répondu à son appel et s'est-il orienté vers l'adoration d'Allah? Le seconde partie du récit répondra en détail à cette interrogation. * * * Il apparaît que lorsque Noé (P) s'est conformé aux ordres du Ciel et a lancé un avertissement à son peuple, il n'a eu comme réaction qu'une fin de non recevoir. Il apparaît aussi qu'il a dû connaître tellement de déconvenues qu'il ne lui restait qu'à s'adresser au Ciel pour se plaindre des réactions négatives suscitées par son Appel à l'adoration d'Allah. En effet, Noé s'est écrié amèrement en s'adressant à Allah: «Mon Seigneur! J'ai appelé mon peuple nuit et jour. »Et mon appel n'a fait qu'augmenter son éloignement».(152) Ce dialogue unilatéral avec le Ciel dénote le sentiment d'amertume qu'éprouvait Noé lorsqu'il invitait son peuple à Allah. Il peinait jour et nuit pour propager le Message du Ciel, consacrant la totalité de son temps à cette tâche. Mais les gens étaient tellement fermés à son appel que celui-ci n'a fait qu'augmenter l'éloignement de son peuple. De là, nous comprenons le pourquoi de l'"avertissement" et du "châtiment douloureux" que cet avertissement a brandi. Car on a affaire à un peuple que l'Appel à Allah n'a fait que l'en éloigner encore davantage (d'Allah). 


Ces gens avaient été tellement embobinés et aveuglés par Satan et avaient repoussé Noé si farouchement qu'il s'en est plaint auprès d'Allah dans les termes suivants: «Chaque fois que je les ai appelés pour que Tu leur pardonnes, ils ont mis leurs doigts dans leurs oreilles; ils se sont enveloppés dans leurs vêtements; ils se sont obstinés; ils se sont montrés extrêmement orgueilleux».(153) Cette figure: «leurs doigts dans leurs oreilles» et cette autre figure: «se sont enveloppés dans leurs vêtements», conjuguées avec l' "obstination" et l' "orgueil" pour représenter les quatre niveaux de comportement ou les quatre réactions de la part de ces gens à la demande de pardon faite par Noé en leur faveur, nous montrent clairement que les orgueilleux ont atteint un tel degré d'orgueil qu'il n'est plus possible de s'attendre à ce qu'ils puissent entendre raison. * * * Arrêtons-nous un instant aux deux figures précitées: «ils ont mis leurs doigts dans leurs oreilles», et «ils se sont enveloppés dans leurs vêtements» pour mieux saisir combien elles sont révélatrices de la personnalité des orgueilleux. Si ces gens orgueilleux et imbus de leurs idées reçues, s'étaient contentés de refuser le message de Noé (P), on aurait pu dire que leur refus tient tout simplement à l'étroitesse de leur esprit. Mais voilà. Il ne s'agissait pas d'un simple refus. Leur attitude a pris la forme d'un comportement enfantin presque pitoyable, lorsqu'ils ont «mis leurs doigts dans leurs oreilles». Cette figure ou cette image laisse voir que les orgueilleux ont refusé même d'écouter la voix de Noé (P), et d'entendre même la "demande de Pardon". Leur perversité a atteint un tel degré qu'il est permis de conclure qu'ils portent au fond d'eux-mêmes une haine noire envers les voix de la piété. Les malades psychiques ou les pervers diffèrent les uns des autres dans le degré de la dépravation dont ils sont atteints. Un pervers, pourrait éprouver de la haine pour sa propre personne, pour les autres et pour les valeurs de piété, mais il se contente d'emmagasiner cette haine sans la refléter sur son comportement extérieur ou sans l'extérioriser à travers une parole ou un geste. Il l'intériorise quitte à en endurer les flammes. Mais lorsque sa perversité déborde de l'intérieur et s'extériorise, cela signifie qu'elle a atteint un stade dangereux. Si cette extériorisation se limite à la parole, elle indique un certain degré de la perversité. Mais si elle se reflète sur les gestes ou le mouvement, par exemple, lorsqu'on met les doigts dans les oreilles, en signe de refus de l'écoute d'un conseil, là, la maladie ou la perversité aura atteint son paroxysme, et suscite un sentiment de pitié. Les orgueilleux du peuple de Noé (P) ont dévoilé le zénith de la perversité intérieure dont ils souffraient, lorsqu'ils ont traduit en acte la haine qu'ils intériorisaient, en fermant leurs oreilles avec leurs doigts, en guise de refus enfantin de l'appel au bien que Noé leur a adressé.  

C'est un fait établi dans le domaine psycho-pathologique que le retour au comportement infantile indique clairement le haut degré de la maladie dont souffre le sujet. Ce stade de maladie se traduit par l'incapacité du sujet à l'adaptation, une crise intérieure, la perte de tout moyen de soulagement de son état dépressif, ce qui l'accule au retour à des comportements auxquels il était habitué dans son enfance, lorsqu'il protestait contre la non-satisfaction de ses besoins par toutes sortes de gestes et de comportements susceptibles d'attirer l'attention ou la pitié des adultes; tout ceci en raison de son immaturité. On dirait donc que les orgueilleux, en posant leurs doigts dans leurs oreilles, par réaction à l'appel au message du Ciel lancé par Noé (P) et à la demande de pardon faite en leur faveur, ont fait un retour au stade infantile pour soulager leurs dépressions et leurs conflits intérieurs, exprimant ainsi leur incapacité totale à s'adapter à la situation et à la traiter avec discernement. Mais il y a un autre indice de "retour en enfance" qui est encore plus symptomatique de cet état pathologique du peuple de Noé, à savoir l'enveloppement de leurs visages avec leurs vêtements pour éviter de voir leur interlocuteur en train de les appeler à Allah et d'implorer pour eux Son Pardon. Le lecteur peut s'imaginer une scène dans laquelle un sujet atteint de cet état morbide, avec lequel on discute sur une question idéologique ou intellectuelle, et où il couvre subitement son visage avec son vêtement pour ne pas voir son interlocuteur qui ne fait que discuter. Ceci ne pourrait se produire qu'avec de petits enfants dépouillés de toute éducation sociale, et atteints d'un tel degré de perversité qu'il est nécessaire de les isoler et de les placer dans un établissement pour inadaptés sociaux. Et lorsque nous transposons cette scène chez des adultes, nous pouvons déduire qu'ils ont atteint le zénith du retour au stade infantile, un stade dans lequel ils sont incapables même de regarder en face quelqu'un leur demander gentiment de se ressaisir et implorer pour eux le pardon. S'ils s'étaient contentés de détourner le visage ou de se détourner pour éviter de le voir ou d'être vus par lui, leur état pervers aurait été moins grave. Mais le fait qu'ils aient recouru à l'enveloppement de leurs visages avec leurs vêtements, indique qu'ils ont été atteints du plus haut degré du "retour en enfance". Ainsi, le texte romanesque dépeint les orgueilleux comme formant une poignée de dépravés, à travers deux figures: «les doigts mis dans les oreilles» et «le visage enveloppé par les vêtements». Mais le récit ne se contente pas de ces deux images, il les a renforcées avec d'autres manifestations intérieures de la maladie d'orgueil: «Ils se sont obstinés», «ils se sont montrés extrêmement orgueilleux». Il va de soi que l'entêtement et l'obstination représentent un aspect criard des tensions du pervers. Quant à l'orgueil, il est inutile de le commenter, car sa place dans la perversité est évidente.  

En tout état de cause, lorsque le récit a fait suivre les deux images extérieures (du comportement des orgueilleux) d'une description intérieure des sentiments de ces orgueilleux, notamment en employant l'adjectif substantivé "orgueilleux" au superlatif "extrêmement", il visait à montrer la symétrie entre la description intérieure du peuple de Noé et la description extérieure de leur attitude, la symétrie entre l' "obstination" et l' "orgueil" d'une part, et «les doigts mis dans les oreilles» et «l'enveloppement des visages avec les vêtements» d'autre part. * * * Le lecteur pourrait s'attendre que le récit se termine par la description réaliste qu'il a faite du peuple de Noé, et qu'il n'en reste que l'occurrence du châtiment promis par Noé (P), étant donné que les "orgueilleux" se sont montrés tellement irrécupérables, irréductibles, intraitables et obstinés qu' «ils ont mis leurs doigts dans leurs oreilles» et qu' «ils se sont enveloppés dans leurs vêtements» par aversion pour la vérité. Mais, le récit ne se termine pas là, voulant sans doute mieux nous faire saisir l'étendue de la Miséricorde d'Allah et la patience inimaginable de Son Messager, car voilà que Noé poursuivant ses complaintes auprès du Seigneur contre ces "orgueilleux", continue de relater ses déboires: «Je les ai ensuite appelés à haute voix, »j'ai fait des proclamations et je leur ai parlé en secret absolu. »Je (leur) ai dit: "Implorez le pardon de votre Seigneur; IL est Celui qui ne cesse de pardonner».(154) Il est à noter que Noé (P) a employé deux fois la forme extrême, absolue ou superlative: une fois dans «en secret absolu» (asrartu lahum isrâran) et une fois, comme nous l'avons vu dans «extrêmement orgueilleux» (istakbarû istikbâran). L'emploi de cette forme montre que l'appel de Noé (P) a requis tellement d'effort, d'assiduité et d'insistance, qu'il était inutile de continuer. Et de l'autre côté, l'obstination du peuple de Noé a atteint un tel degré qu'il n'était plus possible d'espérer qu'il pourrait infléchir. En d'autres termes, Noé a épuisé tout ce qu'il fallait pour ramener son peuple à la raison, et celui-ci a tout fait pour refuser l'appel de Noé. Il y a donc symétrie opposée entre la persistance de Noé à demander le pardon à son peuple, et la persistance de celui-ci dans son refus de cette demande pieuse. On peut remarquer la persistance de Noé (P) dans cette parole «j'ai appelé mon peuple nuit et jour» et dans celle-ci «j'ai fait des proclamations (publiques) et je leur ai parlé en secret absolu». Ainsi il n'y a pas un moyen auquel il n'ait pas recouru en épuisant toutes ses ressources. Il appelait son peuple pendant le jour à demander pardon; il le faisait également pendant la nuit. Il lui lançait cet appel publiquement; et il le répétait discrètement. Mieux, il a déployé tous les efforts possibles pour les conseiller en secret, puisqu'il dit: «Je leur ai parlé en secret absolu», dans l'espoir de pouvoir les amener à accepter le conseil, loin du climat de suivisme, d'imitation et de crainte des autres. Car il est possible par exemple, que certains orgueilleux, refusent, par souci de suivisme et sous l'effet de la "suggestion collective", de répondre à un appel au bien, mais que lorsqu'ils se trouvent soustraits à de telles influences, ils pourraient faire preuve d'un esprit de discernement et de penser uniquement en termes d'objectivité. Toutefois, Noé ne s'est pas satisfait de ces tentatives, il a multiplié les moyens de persuasion pour convaincre son peuple et le faire entendre raison, en lui rappelant les bienfaits d'Allah et en lui expliquant que s'il demande pardon à Allah, IL le lui accorde et de plus: «IL vous enverra, du Ciel, une pluie abondante; »IL accroîtra vos richesses et le nombre de vos enfants; IL mettra à votre disposition des jardins et des ruisseaux».(155) En continuant à se plaindre de l'attitude de son peuple, Noé explique qu'il a tout d'abord fait miroiter la "récompense future" pour l'amener à avoir foi en Allah, en invoquant à plusieurs reprises le Pardon d'Allah: «Chaque fois que je les ai appelés pour que Tu leur pardonnes», «Implorez le Pardon de votre Seigneur; IL est Celui qui ne cesse de pardonner». Il a ensuite essayé de les intéresser à des récompenses immédiates: pluies, biens, enfants, jardins, fleuves, etc. Donc, Noé aura évoqué toutes les sortes de récompenses, y compris la satisfaction des besoins essentiels et secondaires, dans l'espoir de conduire son peuple sur le droit chemin. Car chez les humains, la "récompense", aussi bien que le "châtiment" pourraient constituer un stimulus à une réaction ou à une réponse positive, de même que la vérité objective, non associée ni à l'un (récompense) ni à l'autre (châtiment), pourrait l'être. Noé a recouru jusqu'ici à l'un de ces trois procédés pour arracher une réponse positive à son peuple, puisqu'il a évoqué la récompense immédiate (dans ce bas-monde) et la récompense future (dans l'autre monde), et après avoir brandi la menace du châtiment (le deuxième procédé) toujours sans résultat, il a fait appel enfin au troisième procédé, à savoir l'explication des vérités d'une façon objective, dans l'espoir que cette méthode - qui traite des vérités vécues concrètement par l'homme - sera à même de conduire son peuple à adhérer au message du Ciel. Il dit à son peuple: «Pourquoi n'attendez-vous pas de Dieu un comportement digne de Lui, »alors qu'IL vous a créés par phases successives».(156) Il a demandé à son peuple de glorifier Allah et de voir Sa Grandeur en lui rappelant des faits vécus par les gens eux-mêmes, et en tête desquels: la création même de l'homme, lequel a été créé par Allah par phases successives: goutte de sperme, caillot de sang, masse flasque, os, chair ... jusqu'à la forme finale. Et après leur avoir remis dans la mémoire, la vérité la plus familière à leurs esprits, et la plus proche de leurs connaissances, à savoir l'homme lui-même, il a passé à la création du Ciel (dont la lune et le Soleil), vérité qui occupe toute la portée de leur vue.  

«N'avez-vous pas vu comment Dieu a créé sept Cieux superposés? »IL a placé la lune comme une lumière; IL y a placé le Soleil comme une lampe».(157) Puis il leur a rappelé la création de la terre en attirant leur attention sur les bienfaits qu'ils en tirent quotidiennement, et ce après avoir évoqué la naissance de l'Homme de la terre elle-même: «Dieu vous a fait croître de la terre comme les plantes, »puis IL vous y renverra, et IL vous en fera surgir soudainement».(158) Après ce rappel (dont nous expliquerons la fonction technique dans le récit plus loin), il a attiré leur attention sur les dons de la terre elle-même: «Dieu a établi pour vous la terre comme un tapis »afin que vous suiviez des voies spacieuses».(159) Par ce rappel de la création du Ciel (et de ses bienfaits pour l'homme), des sept Ciels et de la terre, Noé clôt l'exposition du troisième procédé qu'il avait suivi dans ses tentatives vaines de ramener son peuple à Allah, procédé consistant à projeter la lumière sur les vérités objectives que l'homme vit quotidiennement. Avec ce troisième procédé, Noé aura épuisé les trois moyens possibles de persuasion: le "bâton", la "carotte" et le "raisonnement", sans réussir apparemment à convaincre son peuple. * * * Avant de poursuivre le reste des péripéties du récit, il est important de nous étendre sur certains traits de la technique romanesque que décèle sa trame. Il est notable qu'au cours de sa narration de la création du Ciel, de la terre et de l'homme, Noé (P) a mis l'accent sur le phénomène de la naissance de l'humanité: «Dieu vous a fait croître de la terre comme les plantes»(160), puis sur le thème de la mortalité de l'homme: «Puis, IL vous y renverra»(161) et enfin, sur l'évocation du Jour de la Résurrection: «et IL vous en fera ensuite surgir soudainement».(162) Le récit a abordé cette vérité relative à la naissance de l'homme, à sa mort et à sa résurrection dans le contexte des expériences familières de l'homme, telle que: sa constatation du processus de sa constitution qui commence par "une goutte de sperme" et se termine par la "forme finale", sa vision du Ciel, de la lune et du Soleil. Il ne fait pas de doute que lorsque l'approche de ces vérités "invisibles" relatives à la naissance et à la résurrection de l'homme, est associée à des vérités "visibles", elle concourt à produire l'effet escompté que nous avons souligné plus haut.

L'autre trait de la technique romanesque qu'il est important de signaler réside en ceci que le récit ne présente pas ces vérités par le procédé de "narration" (c'est-à-dire la parole du Ciel), mais à travers un dialogue, le dialogue de Noé avec son peuple. Mieux, même ce dialogue de Noé avec son peuple, le récit ne l'a pas transcrit directement, mais à travers la plainte de Noé contre son peuple, adressée au Ciel. En d'autres termes, Noé s'adresse à Allah et il Lui raconte qu'il a parlé avec son peuple de cette manière et de cette autre. Autrement dit, c'est Noé lui-même qui transmettait à Allah son histoire (récit) avec son peuple, et c'est le récit coranique qui nous transmet à son tour le récit (l'histoire) de Noé tel qu'il l'avait transmis au Ciel. Nous nous devons de méditer donc sur ce procédé romanesque réjouissant et original dans sa façon de solliciter la réceptivité du lecteur au message que le récit vise à lui transmettre. Ainsi, Noé est un narrateur qui raconte au Ciel son histoire avec son peuple: «Il dit: "Mon Seigneur! J'ai appelé mon peuple nuit et jour"; je (leur) ai dit: "Implorez le pardon de votre Seigneur; IL est Celui qui ne cesse de pardonner», et le récit coranique devient à son tour un narrateur qui nous raconte l'histoire de Noé telle qu'il l'a relatée au Ciel ... et ainsi de suite. Donc nous sommes devant une structure romanesque qui recourt à un procédé littéraire très plaisant lorsqu'il nous invite, nous les récepteurs, à découvrir la méthode de Noé (P) de transmettre son message, en permettant de voir les plus petits détails de sa conduite et de son comportement, détails décrits directement par lui-même, et non relatés par quelqu'un d'autre. Procédé vivant qui stimule la réceptivité du lecteur ou de l'auditeur et le tient en haleine. Revenons à présent aux péripéties du récit et à leur suite. Après avoir expliqué qu'il avait épuisé vainement trois procédés de persuasion (bâton, carotte et raisonnement) pour ramener son peuple vers le Ciel, Noé continue sa plainte auprès d'Allah contre la rébellion, l'ignorance, la ruse et le polythéisme de ces gens "orgueilleux". «Noé dit: "Mon Seigneur! Ils m'ont désobéi; ils ont suivi celui dont les richesses et les enfants n'ont fait qu'accroître la perte". »Ils ont tramé une immense ruse et ils ont dit: "N'abandonnez jamais vos divinités; n'abandonnez ni Wadd, ni Souwâ', ni Yaghout, ni Ya'ouq, ni Naçr". »Ceux-ci ont pourtant égaré un grand nombre d'hommes».(163) Là se termine l'histoire de Noé avec son peuple, racontée à travers la plainte qu'il a adressée au Ciel. Après quoi, le récit emprunte un autre tournant, menant vers la conclusion de la situation et la demande de l'anéantissement des orgueilleux, comme nous le verrons ailleurs.  

Mais avant de clore ce chapitre, il est instructif de revenir un instant sur les détails relatifs à la dernière séquence de ses complaintes à propos de la rébellion, l'ignorance et la ruse de son peuple et de sa persistance dans le polythéisme. En effet, c'est après avoir énuméré au Ciel tous ses efforts en vue de faire entendre raison à son peuple ingrat, que Noé a dit: «Mon Seigneur! Ils m'ont désobéi», ce qui signifie que les trois procédés qu'il avait suivis s'étaient avérés infructueux. Et là, Noé (P) tient à présenter d'autres réactions négatives de son peuple à son appel pieux, comme s'il voulait mieux montrer qu'il n'y avait vraiment plus rien à faire avec ce peuple désespérément irrécupérable. Et comme nous l'avons vu, ces réactions sont variées: «Ils ont suivi celui dont les richesses et les enfants n'ont fait qu'accroître la perte»(164), «ils ont tramé une grande ruse»(165) et «ils ont dit (aux autres): N'abandonnez jamais vos divinités...»(166) etc. 



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Sourate (72): 

Al-Djinn Le Récit de l'Islam des Djinns

A- La Sourate

  1 Dis: 

«IL m'a été révélé qu'un groupe de Djinns écoutaient; ils dirent ensuite: "Oui, nous avons entendu un Coran merveilleux!  

2 il guide vers la voie droite; nous y avons cru et nous n'associerons jamais personne à notre Seigneur"».

  3 Notre Seigneur, en vérité, - que Sa grandeur soit exaltée - ne s'est donné ni compagne, ni enfant!  

4 Celui qui, parmi nous, est insensé disait des extravagances au sujet de Dieu.  

5 Nous pensions que ni les hommes, ni les Djinns ne proféraient un mensonge contre Dieu,  

6 mais il y avait des mâles parmi les humains qui cherchaient la protection des mâles parmi les Djinns, et ceux-ci augmentaient la folie des hommes;  

7 ils pensaient alors, comme vous, que Dieu ne ressusciterait jamais personne.

  8 «Nous avions frôlé le ciel et nous l'avions trouvé rempli de gardiens redoutables et de dards flamboyants. 

9 Nous étions assis sur des sièges pour écouter; mais uiconque écoute rencontre aussitôt un dard flamboyant aux aguets. 


10 Nous ne savions pas si un mal est voulu pour ceux qui sont sur la terre, ou si leur Seigneur veut qu'ils se maintiennent sur la voie droite.  

11 Certains d'entre nous sont justes tandis que d'autres ne le sont pas; nous suivons des chemins différents. 

12 Nous savions que nous ne pourrions pas affaiblir la puissance de Dieu sur la terre, et que nous ne pourrions y échapper par la fuite.  

13 Nous avons cru en la Direction, lorsque nous l'avons entendue. Quiconque croit en son Seigneur ne craint plus ni dommage, ni affront. 

14 Il y parmi nous des soumis et, parmi nous, des révoltés. Ceux qui sont soumis ont choisi la voie droite. 

15 Quant aux révoltés, ils serviront de combustible à la Géhenne». 

16 S'ils se maintenaient sur la voie droite, nous les abreuverions d'une eau abondante pour les éprouver.  

17 Dieu conduira vers un châtiment de plus en plus fort quiconque se détourne du Rappel de son Seigneur. 

18 Les Mosquées appartiennent à Dieu: n'invoquez donc personne à côté de Dieu.  

19 Quand le Serviteur de Dieu s'est levé pour L'invoquer, peu s'en fallut qu'ils ne se pressent en foule autour de lui. 

20 Dis: «Je n'invoque que mon Seigneur et je ne Lui associe personne».

  21 Dis: «Je ne détiens pour vous ni mal, ni direction droite».  

22 Dis: «Nul ne me protège contre Dieu; je ne trouverai pas de refuge en dehors de Lui  

23 sauf en transmettant une communication et des messages de Dieu».  

Le Feu de la Géhenne est destiné à ceux qui désobéissent à Dieu et à son Prophète. Ils y demeureront à tout jamais immortels!


  24 Quand ils verront enfin la réalisation de ce qui leur a été promis, ils sauront qui est le plus faible en secours et l'inférieur en nombre.  

25 Dis: «Je ne sais si ce qui vous est promis est proche, ou bien si mon Seigneur lui assignera un délai».

  26 IL connaît parfaitement le mystère; mais IL ne montre à personne le secret de Son mystère,

  7 sauf à celui qu'IL agrée comme prophète. 

IL le fait accompagner de gardiens placés devant et derrière lui,


28 afin de savoir si les prophètes transmettent les messages de leur Seigneur.

  Sa Science s'étend à tout ce qui les concerne. Il fait le compte exact de toute chose.  

* * * Cette sourate traite, comme son titre l'indique, d'un genre de créatures invisibles à nos sens, les djinns. Tout en nous informant qu'il y a parmi les djinns, comme chez les humains, des croyants et des incroyants, elle raconte surtout l'histoire d'un groupe de ces êtres invisibles, qui ont cru à notre Prophète Mohammad (P), au Noble Coran et à la Résurrection. Les versets 1-19 sur les 28 que comprend la sourate nous apprennent beaucoup de choses sur le monde des djinns et rectifient maintes croyances les concernant. La partie suivante de cette sourate fait référence au monothéisme et à la résurrection. La dernière partie traite du Mystère dont on ne connaît que ce qu'Allah le permet.


Les circonstances de la Révélation

On peut résumer les circonstances de la révélation de la Sourate al-Djinn (vraisemblablement identiques à celle de la Sourate 46, Al-Ahqâf) comme suit: 1-Venant de la Mecque, le Prophète Mohammad (P) s'était rendu à Souq Akkadh à Taëf pour appeler les gens à l'Islam. S'étant buté au refus de ses interlocuteurs de répondre à son appel, il passa, lors de son voyage de retour, une nuit dans une vallée dénommée "La Vallée des Djinns" en lisant le Coran. Là un groupe de djinns après avoir écouté sa récitation, et cru en sa Prophétie se mirent à inviter les leurs à faire de même. 2- Selon "Sahîh al-Bokhârî" et "Sahîh Muslim" citant Ibn 'Abbas: alors que le Prophète (P) récitait le Coran pendant la Prière de l'Aube, des Djinn, qui recherchaient la cause de l'interruption des nouvelles venant du Ciel, l'ont écouté et se sont dit: «Voilà ce qui s'est interposé entre nous et les nouvelles du Ciel». Après quoi, ils retournèrent vers les leurs pour leur communiquer ce qu'ils venaient d'entendre. 3- Après le décès de son oncle et protecteur, Abû Tâlib, la situation du Prophète était devenue très critique à la Mecque. Il s'était résolu donc à partir pour Tâëf dans l'espoir d'y trouver des partisans. Mais, les habitants de cette ville qui se sont montrés très hostiles à son Message, l'ont traité de menteur, persécuté et bombardé de pierres avec un tel acharnement que ses pieds se mirent à saigner. Aussi s'est-il réfugié dans un hameau, pour se remettre de sa fatigue et se reposer. Là, le serviteur du propriétaire de ce lieudit, l'ayant vu, s'est converti à sa religion. En retournant la nuit vers la Mecque, le Prophète (P) s'est arrêté à Nakhlah pour accomplir la Prière de l'Aube. Quelques djinns originaires de Naçîbayn ou du Yémen, qui passaient par là l'entendirent réciter sa Prière et crurent en son Message.(167) 

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B- Le Récit  

Les héros ou les personnages constituent un élément vital dans une oeuvre romanesque. Ils fournissent à celle-ci le mouvement qui tient le lecteur en haleine, étant donné que toute péripétie et toute situation sont obligatoirement liées aux personnages. L'intérêt et la vivacité du récit augmentent lorsqu'il y a diversité de héros - surtout si cette diversité comprend des héros d'une race ou d'un genre inhabituellement différent, tels que les anges, les djinns ou les oiseaux par exemple. Dans d'autres récits coraniques, les "anges" par exemple, partagent avec les humains les rôles du récit. De même les djinns et les oiseaux jouent aux côtés des personnages humains des rôles dans les récits de "Sulaymân" (Salomon). Dans le présent récit, les djinns sont des héros à part entière et jouent un rôle spécifique fait à leur mesure et indépendamment de tous autres héros de race différente. La vitalité de tels héros ne tient pas au simple fait qu'ils représentent un élément invisible par exemple, ou un élément d'étrangeté, mais réside en ceci qu'ils partagent avec les humains la même nature de préoccupations, d'ambitions et de mouvement dans l'existence en général. Lorsque le récit coranique nous présente des vérités et des héros non humains, il ne cherche pas à nous distraire ou à nous amuser, mais vise par ce procédé à nous sensibiliser, nous les humains, à la vérité de notre fonction d'adoration d'Allah sur la terre, à nous faire profiter des expériences des autres, seraient-ils d'un genre non humain, pour corriger et réformer notre conduite. Les djinns sont des créatures invisibles qui ont leur milieu particulier que le Ciel leur a adapté. De même, tout comme les humains et toutes les autres créatures, ils n'ont pas été créés par pure gratuité, mais pour accomplir des tâches déterminées. En tout état de cause le récit dont nous traitons ici vise à nous présenter certaines vérités relatives aux djinns et la relation de ceux-ci avec les êtres humains dans la mesure où les deux genres ont pour point commun l'accomplissement de la tâche d'adoration, chacun dans son milieu propre: les djinns dans leur milieu particulier et les hommes sur la terre. Il a pour but, surtout de nous faire tirer la leçon de l'expérience des héros non humains, pour que nous puissions mieux nous acquitter du devoir d'adoration pour l'accomplissement duquel nous avons été créés. Quelle est donc cette expérience que les héros-djinns veulent bien nous présenter? La réponse se dégage facilement du récit. Il s'agit de la foi des djinns en le Message de l'Islam. Certes, on pourrait croire de prime abord que l'Islam est un message adressé exclusivement aux êtres humains puisque ses protagonistes sont d'une part la personne envoyée, "Le Messager (P)" et d'autre part, les destinataires du Message: l'humanité. Mais cette croyance s'estompe lorsque le récit nous raconte l'histoire de héros extraterrestres faits d'une substance ignée spécifique (invisible) qui ont un langage propre incompréhensible pour les êtres humains ordinaires, un milieu extraterrestre. Pourtant ils traitent avec le Message du Coran.  

L'expérience vécue par ces personnages pas comme les autres, est exposée de la façon suivante par le récit: «Un groupe de Djinns écoutaient. »Ils ont dit: "Nous avons entendu un Coran merveilleux».(168) Il ne faut pas passer rapidement sur ce début du récit, apparemment sans grand intérêt. On doit s'y arrêter longuement, car il s'agit d'un récit qui expose les faits selon un procédé littéraire bien particulier, ce qui permet de penser que son début présenté de cette façon particulière et non autrement recèle une signification déterminée. Mais avant de développer ce sujet, nous devons savoir que ce récit est élaboré selon une structure architecturale spécifique. Il est notoire dans la littérature romanesque que la présentation des faits se fait selon des procédés divers: narration, relation et dialogue, seulement dialogue; celui-ci peut être un vrai dialogue (entre les parties ou plus) ou un monologue et un monologue intérieur, ou même un monologue collectif ambigu etc. Dans ce récit, c'est le dialogue qui constitue les fils tissu de la trame. C'est un dialogue qui n'est pas suivi de commentaire, mais un dialogue linéaire collectif et équivoque où les héros-djinn parlent à eux-mêmes, où avec les leurs, comme nous le révèle le début du récit, lorsqu'il nous a transmis une partie de leur conversation comme suit: «Nous avons entendu un Coran merveilleux». L'importance de cette conversation ou dialogue réside en ceci qu'il s'agit d'une conversation unilatérale, et non un dialogue entre deux parties, l'une interroge, l'autre répond, ou l'une parle l'autre commente, ou encore, l'une fait un discours à l'intention d'un autre ou d'un groupe d'auditeurs. On peut même imaginer que cette forme de dialogue correspondrait à ce qui se passerait chez nous, nous les humains, lorsqu'une nouvelle grave ou importante nous parvient et que chacun de nous accourt voir son ami ou ses amis pour la leur transmettre. Il est naturel que, lorsqu'un groupe de djinns ont écouté le Coran disent à leurs amis: «Nous avons écouté un Coran merveilleux», leurs interlocuteurs commentent cette nouvelle - bonne ou mauvaise soit-elle. Cependant le récit ne nous fait pas part de tels commentaires qui seraient faits par ceux qui sont censés être les interlocuteurs des djinns qui ont reçu la nouvelle. La raison (artistique) en est que le récit cherche à faire connaître, avant tout et surtout, la réaction des djinns à la découverte du Coran, à savoir leur acceptation, de bon gré, du Message du Ciel, comme le suite du récit nous le montrera ultérieurement. * * * 

Quand le récit débute comme ceci: «Un groupe de djinn écoutaient; ils dirent ensuite: Nous avons entendu un Coran merveilleux», plusieurs cas de figure frappent l'imagination du lecteur, lequel pourrait se poser diverses questions: - Est-ce que le Prophète (P) a lu le Coran aux djinns de la même façon qu'il l'avait fait avec les humains? - Ou bien, les djinns ont-ils pu écouter le Coran lorsque le Prophète le lisait aux humains? - Le Coran a-t-il été lu dans la langue des djinns? Ceux-ci ont-ils donc une langue qui leur soit propre? Si non, comprennent-ils alors la langue arabe? - Est-ce qu'un groupe de djinns seulement, à l'exclusion d'autres, ont eu l'occasion d'écouter le Coran? Pourquoi? Ces interrogations que le début romanesque suscite chez un lecteur attentif qui cherche à comprendre ce qu'il lit, ne trouvent pas de réponse dans le récit lui-même, lequel nous laisse le soin d'échafauder ces différentes hypothèses et de chercher la réponse aux différents cas de figure qui s'imposent. On peut déduire facilement que le récit, en tant que procédé littéraire, ne cherche pas à nous faire connaître la langue des djinns, si une telle langue existait, ni à définir la nature de la relation sociale entre ces derniers et les humains, et par conséquent la façon dont leur est communiqué le savoir (le Message); mais il veut souligner à notre attention leur réaction à la découverte du Message de l'Islam. Dès lors les détails relatifs à leur langue et à leur mode de perception de la connaissance ne sont plus nécessaires. Notons au passage, à ce propos, que même les textes de l'exégèse (tafsîr) ne projettent pas de lumière sur cet aspect du sujet. En effet, certains de ces textes nient que le Prophète ait lu le Coran aux djinns directement, et affirment qu'un groupe de ceux-ci ont pu l'entendre indirectement. D'autres textes avancent que le héros des djinns était venu le voir et repartit pour lire aux siens le Coran qu'il avait appris. D'autres encore, disent que le Prophète (P) avait rencontré sept ou neuf héros des djinns et qu'il les a envoyés à leurs congénères leur communiquer le Coran. Mais comme nous l'avons dit, ce qui importe, sur le plan artistique, ce n'est pas le nombre des djinns ni le groupe auxquels ils appartiennent, ni la façon dont ils ont écouté le Coran, mais c'est le fait d'avoir écouté le texte coranique et réalisé l'importance du Message envoyé par le Ciel au Prophète (P), ce qui les a rendus émerveillés et les a amenés à réagir ainsi: «Nous avons écouté un Coran merveilleux!». Ce qui importe encore plus, ils ont compris les détails de la situation nouvelle et sa relation avec leur attitude passée et future, comme ils nous le font savoir eux-mêmes à travers leur dialogue multilatéral ou le long discours qu'ils ont tenu à l'adresse des leurs.  

Or rien n'est plus démoralisant ni plus amer que le fait que le chef qui a pu induire en erreur un groupe de djinns se voit traité d'insensé par ses adeptes, alors même qu'il avait cru avoir réussi à les égarer. Mais l'importance du qualificatif "insensé" ne se limite pas à son impact négatif sur la personnalité du Satan, elle s'affirme aussi par l'impact qu'il laisse également sur le lecteur ou l'auditeur lui-même. En effet, lorsque ce dernier se rend compte que l'élément de scepticisme qu'a insufflé le Satan, a pour source un être insensé et souffrant de débilité mentale, il n'attache aucun crédit aux idées et aux insinuations d'une telle personnalité perverse, étant donné que l'esprit est normalement réceptif aux idées émises par une source saine. C'est exactement ce qui s'est passé avec cette élite consciente de djinns qui, dès lors qu'ils se sont rendus compte du caractère insensé du Satan, ont rejeté ses idées et se sont acheminés vers la foi en Allah et en le Message de l'Islam. * * * Poursuivons encore le discours de l'élite des djinns prononcé à l'adresse de son public. Ayant mis l'accent sur le caractère insensé du Satan, elle dit: «Nous pensions que ni les hommes, ni les djinns ne proféraient un mensonge contre Dieu».(171) Là une nouvelle situation se révèle. Car jusqu'à présent, les djinns n'ont parlé que du Satan, l'insensé, mais ici, ils évoquent les humains aussi et leur attribuent un qualificatif partageant le qualificatif des djinns, à savoir: le fait de proférer des mensonges contre Allah. La question qui se pose maintenant est pourquoi les héros des djinns ont-ils inséré l'élément "humain" dans cette partie de leur discours, alors qu'ils parlent de leur expérience propre? A notre avis, lorsque le récit évoque cette séquence et d'autres relatives aux humains, il visait ceux-ci également dans la mesure où il s'agit d'une affaire qui se rapporte à l'expérience de l'homme aussi, puisque c'est ce dernier qui se trouve le lecteur du récit qui met en scène une expérience de djinns. Proférer des mensonges contre Allah constitue un crime ou un délit rationnel évident. Car Allah est une Vérité qui impose Son Existence et une évidence qui se passe d'argument. Pourquoi dès lors y aurait-il des djinns et des humains qui la renieraient? Les héros des djinns ont donc tout à fait raison de croire qu'il n'est pas possible qu'un djinn ou un humain invente des mensonges contre Dieu. De la même façon, l'élément "humain" s'impose à l'esprit des djinns conscients, dans la mesure où il essaie, par son ignorance ou par la déformation de son esprit, de nier la Vérité d'Allah.  

Si l'élite consciente des djinns a inséré l'élément humain dans la partie précédente de son discours, pour la raison que nous venons d'expliquer, elle va l'insérer de nouveau dans la séquence suivante de ce discours, à travers une autre expérience qu'elle nous relate: «Il y avait des mâles parmi les humains qui cherchaient la protection des mâles parmi les djinns, et ceux-ci augmentaient la folie des hommes; ils pensaient alors, comme vous, que Dieu ne ressusciterait personne».(172) Dans ces séquences du discours des djinns il y a deux vérités liées aux humains et à leur relation avec les djinns: la première est que certains humains se protégeaient par les djinns, protection qui aboutit à l'aggravation de leur folie. La seconde est le partage par les humains du scepticisme des djinns quant au Jour Dernier. Il est indéniable que cette dernière vérité, le scepticisme relatif au Jour Dernier, est liée au scepticisme vis-à-vis de l'Unicité aussi, comme nous l'avons déjà souligné. Mais en fait, elle reste liée aussi à la question du recours à la protection des djinns, point sur lequel nous devons nous arrêter en raison de son importance majeure pour le lien existant entre l'élément "djinn" et l'élément "humain". La question qui se pose, sur le plan romanesque est de savoir pourquoi les héros des djinns qui ont tenu leur discours au public des djinns ont soulevé l'affaire du recours des humains aux mâles des djinns? Est-ce parce que les djinns posséderaient des forces dont les humains sont privés? Est-ce que leur forme invisible aurait un lien avec ce trait distinctif? Y aurait-il des expériences humaines dans ce domaine, qui auraient conduit les djinns à les exposer de la sorte? Puis, quel rapport y a-t-il entre l'échec des expériences des humains lors de leur recours à la protection des djinns, et la nouvelle position annoncée par les héros des djinns après avoir écouté le Coran et eu foi en l'Islam? Ces interrogations requièrent des réponses précises dans la mesure où elles ont trait aux expériences des humains pour qui ce récit a été transmis. Le lecteur (ou l'auditeur) s'imagine que lorsque les héros des djinns parlent à leur public, des mâles parmi les humains qui cherchent la protection des mâles parmi les djinns, c'est tout d'abord pour attirer l'attention de ce public sur le fait que cette protection que les humains cherchent auprès des djinns tient à la nature particulière de ces derniers: des forces invisibles qui évoquent tout ce qui est étrange et étonnant pour les humains, qui se déplacent librement non seulement dans un milieu grand comme l'espace qui sépare le Ciel de la Terre, mais également dans le milieu terrestre, qui ont le pouvoir d'exercer une influence sur les êtres humains; et c'est ensuite pour faire comprendre à leur public que cette protection (recherchée par les humains auprès des djinns) est un acte condamnable: la preuve en est que les djinns n'ont fait qu'augmenter la folie, les péchés et la faiblesse des hommes qui avaient cherché leur protection. Pis, cette recherche de protection auprès des djinns pourrait constituer un motif d'encouragement pour ces derniers et les pousser à s'enorgueillir et à se prendre pour des entités toutes puissantes, ce qui est sans aucun doute condamnable, surtout lorsqu'on sait que le dernier mot et la Puissance absolue appartiennent à Allah uniquement à l'exclusion de toute autre entité, ou pouvoir, terrestre ou extraterrestre. Ces différentes significations que nous avons dégagées du discours des héros des djinns à l'attention de leur public se révèlent d'une grande importance dans ce contexte romanesque qui a été écrit à notre intention, nous les humains, et à nul autre. Cette partie du récit nous suggère que tout recours à quelqu'un d'autre qu'Allah sera vain et inutile, et qu'il trahit notre faiblesse et l'absence de confiance en Allah. Elle nous fait savoir ensuite que les djinns, ou du moins un groupe de djinns, malgré leurs pouvoirs considérables (aux yeux des humains), malgré leur orgueil et bien qu'ils aient subi l'influence directe de leur grand chef (insensé), Satan, n'ont pas hésité un moment à croire en Allah et au Message de Mohammad (P), dès qu'ils ont écouté la récitation du Coran. Le récit se propose enfin de nous faire comprendre, indirectement que les djinns malgré leur appartenance à un genre non humain, et bien que le Coran soit révélé dans la langue humaine, leurs héros ont épousé promptement le Message de Mohammad aussitôt qu'ils en ont pris connaissance, alors que les humains ont hésité à répondre à l'Appel au Bien. Naturellement la leçon à tirer de ce récit ne se limite pas à la question de l'Unicité et du monothéisme, mais la déborde pour couvrir l'attitude des humains face à tous les principes de l'Islam en général. En d'autres termes l'expérience humaine doit tirer la leçon de l'expérience des djinns pour amender et réformer sa conduite en général vis-à-vis de sa fonction de lieutenance (khilâfah) sur la Terre, fonction que le Ciel nous a assignée pendant la durée limitée de notre existence dans le monde d'ici-bas. * * * Ecoutons encore l'élite des djinns poursuivre son discours: «Nous avions frôlé le Ciel et nous l'avions trouvé rempli de gardiens redoutables et de dards flamboyants. »Nous étions assis sur des sièges pour écouter; mais quiconque écoute rencontre aussitôt un dard flamboyant aux aguets. »Nous ne savions pas si un mal est voulu pour ceux qui sont sur la Terre, ou si leur Seigneur veut qu'ils se maintiennent sur la Voie Droite».(173) Dans ces séquences du discours des héros des djinns à l'adresse de leur public, le récit divulgue de nouvelles vérités dans le domaine du phénomène cosmique qui a accompagné la révélation du Message de l'Islam. Ces vérités nous montrent, à nous les humains, l'importance considérable du Message de l'Islam que le Ciel a choisi pour nous.  

En effet, un changement dans le système cosmique s'est opéré lors de la naissance du Message de l'Islam, changement que le dialogue ou le discours des djinns nous font découvrir. Tout d'abord l'affirmation: «Nous avions frôlé le Ciel et nous l'avions trouvé rempli de gardiens redoutables et de dards flamboyants» signifie que les djinns étaient en train de monter vers le Ciel et qu'ils l'ont trouvé rempli d'anges et de dards flamboyants, c'est-à-dire les lumières étendues du Ciel. Puis l'énoncé: «Nous étions assis sur des sièges pour écouter» signifie que lors de leur ascension vers le Ciel et de leur observation de ses gardiens angéliques et de ses dards flamboyants, les djinns écoutaient les voix des anges et leurs mouvements. Mais ce qui s'est produit par la suite c'est que «quiconque écoute rencontre aussitôt un dard flamboyant aux aguets». C'est dire que ces djinns qui jouissaient jusqu'alors de la liberté de se mouvoir et de se déplacer dans l'espace, au point qu'ils voyaient les anges et des dards flamboyants et qu'ils apprenaient les secrets (du Ciel), se trouvent maintenant (c'est-à-dire après la descente du Coran sur Mohammad (P)) dans une situation telle qu'un dard flamboyant les guette et les empêche de monter, dès qu'ils essaient de tendre l'oreille pour écouter. Le fait d'associer la rétention des djinns - c'est-à-dire le fait de l'interdiction de monter vers le Ciel - au Message du Coran, nous fournit une indication claire de l'importance de ce que nous venons de signaler, au passage, plus haut, à savoir le changement intervenu dans le système cosmique lors de la Révélation du Message de l'Islam. Cette association a attiré donc l'attention des djinns sur l'avènement d'un phénomène important qui les a conduits à s'interroger: «Nous ne savions pas si un mal est voulu pour ceux qui sont sur la terre, ou si leur Seigneur veut qu'ils se maintiennent sur la Voie Droite» ou en d'autres termes: si un tourment sera infligé aux humains, ou si un Message les guidera sur le Droit Chemin. * * * Les héros des djinns se sont donc rendus compte de l'occurrence du phénomène important, tel que nous l'avons vu. Maintenant, ces héros continuent, à travers leur discours tenu à leur public après qu'ils ont écouté le Coran, à nous faire découvrir davantage de vérités relatives à leur monde, ce qui peut nous permettre de tirer plus de leçons de leurs expériences. Ils relatent: «Certains d'entre nous sont justes tandis que d'autres ne le sont pas; nous suivons des chemins différents. »Nous savions que nous ne pourrions pas affaiblir la Puissance de Dieu sur la Terre, et que nous ne pourrions y échapper par la fuite.  

»Nous avons cru en la Direction, lorsque nous l'avons entendue: "Quiconque croit en son Seigneur ne craint plus ni dommage, ni affront. »Il y a parmi nous des soumis et, parmi nous, des révoltés. Ceux qui sont soumis ont choisi la Voie Droite. »Quant aux révoltés, ils serviront de combustible à la Géhenne"».(174) Ces propos ne sont pas (dans la logique du récit) une simple transposition d'une expérience d'une dynastie d'êtres ignés. Ils relèvent essentiellement des expériences humaines. Car en fait il y a des justes (parmi les djinns et les humains), comme il y en a de moins justes. De même, il y a des groupes différents (chemins différents). Mais comme les djinns l'ont dit à bon escient, personne dans l'univers, ne peut «affaiblir la Puissance de Dieu sur la Terre», ni ne peut «y échapper par la fuite». La dominance demeure à Allah seul. Par conséquent, dès que les héros des djinns se sont confrontés à cette vérité, ils ont proclamé en s'adressant aux leurs: «Nous avons cru en la Direction, lorsque nous l'avons entendue».(175) Enfin le récit nous transmet cette séquence qui résume tout: «Quiconque croit en son Seigneur ne craint plus ni dommage, ni affront».(176) Lorsque le récit nous transcrit textuellement le discours tenu par un groupe de djinns à leur public, il nous vise nous les humains à travers la similitude de l'expérience vécue par la dynastie des êtres faits d'argile et celle des êtres ignés, quant au conflit entre la volupté et la raison, qui habite l'une et l'autre. Les héros des djinns ont expliqué qu'il est parmi eux des "Musulmans" et des "révoltés", des "justes" et de "moins justes", ainsi que des "chemins différents". Cette même vérité marque les humains. Mais les membres conscients des djinns (les héros) ont expliqué que la vérité est que la foi en Allah abolit la crainte de tout dommage et de tout affront, ce qui signifie, en fin de compte, que les hommes devraient être plus portés que les djinns à percevoir de telles vérités que le Ciel leur a prodiguées, en faisant descendre le Coran sur l'un d'entre eux, le Prophète Mohammad (P), et qui mieux, dans une langue qu'ils maîtrisent parfaitement. Ainsi, ce récit divertissant qui nous a transmis l'expérience des djinns représente un modèle de divers procédés littéraires par lesquels le Coran cherche à nous conduire à rectifier notre conduite et à comprendre la Vérité de notre devoir d'adoration ou de soumission totale à Allah et à Ses Ordres.


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Sourate (76):

L'Homme 


5 Les hommes purs boiront à une coupe dont le mélange sera de camphre. 

6 Les serviteurs de Dieu boiront à des sources que Nous feront jaillir en abondance. 

7 Ils tenaient fidèlement leurs promesses, ils redoutaient un Jour dont le mal sera universel.  

8 Ils nourrissaient le pauvre, l'orphelin et le captif, pour l'amour de Dieu. 

9 «Nous vous nourrissons pour plaire à Dieu seul; nous n'attendons de vous ni récompenses, ni gratitude.  

10 Oui, nous redoutons, de la part de notre Seigneur, un Jour menaçant et catastrophique».

  11 Mais Dieu les a protégés du malheur de ce Jour. IL leur fera rencontrer la fraîcheur et la joie.  

12 Il les récompensera pour leur patience en leur donnant un Jardin et des vêtements de soie.

  13 Là, accoudés sur des lits d'apparat, ils n'auront à subir ni soleil ardent, ni froid glacial. 

14 Ses ombrages seront à proximité et ses fruits inclinés très bas, pour être cueillis. 

15 On fera circuler parmi eux des vaisseaux d'argent et des coupes de cristal, 

16 de cristal d'argent et remplies jusqu'au bord.

  17 Ils boiront une coupe dont le mélange sera de gingembre,

  18 puisé à une source nommée là-bas: «Salsabil». 

19 Des éphèbes immortels circuleront autour d'eux. Tu les compareras, quand tu les verras, à des perles détachées. 

20 Quand tu regarderas là-bas, tu verras un délice et un faste royal.  

21 Ils porteront des vêtements verts, de satin et de brocart. Ils seront parés de bracelets d'argent. Leur Seigneur les abreuvera d'une boisson très pure. 

22 «Cela vous est accordé comme une récompense. Votre zèle a été reconnu!»

  23 Oui, Nous avons fait descendre sur toi le Coran. 

24 Accepte donc le décret de ton Seigneur.  

N'obéis ni au pécheur, ni à l'ingrat qui se trouve parmi eux. 


25 Invoque le Nom de ton Seigneur à l'aube et au crépuscule.

  26 Prosterne-toi, la nuit, devant Lui. Célèbre longuement Ses louanges, durant la nuit. 

27 Ils aiment la vie éphémère et ils négligent un Jour grave.


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On appelle cette sourate aussi "Al-Dahr" (Le Temps), ou "Hal Atâ" (littéralement: Est-il venu) d'après les deux premiers mots de la Sourate. On peut diviser les 31 versets qui la composent en deux parties principales. La première partie (versets 1-22) est consacrée surtout à la description des conditions réjouissantes dans lesquelles reposera dans le Paradis une catégorie spécifique de Croyants, les "Pieux" dont nous parlerons en détail, lorsque nous aborderons le récit qui porte leur nom un peu plus loin. Dans la seconde partie (versets 23-31) Allah conseille au Prophète (P) de s'armer de patience face aux pécheurs et aux renégats, de ne pas leur prêter oreille, et de n'avoir cesse d'évoquer le Nom du Seigneur et de Le glorifier. Il est important, pour mieux comprendre le sens et la portée de cette sourate, d'en connaître les circonstances de la révélation. Selon Al-Allâmah Mohammad Hussein Tabâtabâ'î qui s'appuient sur des sources chiites et un grand nombre de sources sunnites, dignes de foi (lesquelles rapportent le témoignage du Compagnon Ibn 'Abbas) il ne fait aucun doute que la Sourate AlInsân (L'Homme) a été révélée à la suite d'un événement dont les acteurs ou les héros étaient l'Imâm 'Alî, Fatimah al-Zahrâ', et leurs deux fils al-Hassan et al-Hussain. En effet Ibn 'Abbas a rapporté: «Une fois, al-Hassan et al-Hussain étaient tombés gravement malades. Le Messager d'Allah (P) accompagné d'autres personnes est venu leur rendre visite. Les visiteurs suggérèrent à 'Alî de faire un voeu pour la guérison de ses fils. 'Alî approuva, et il formula le voeu, avec son épouse Fâtimah al-Zahrâ' et leur servante Fidh-dhah, de jeûner trois jours, si al-Hassan et al-Hussain venaient à guérir. Lorsqu'ils guérirent effectivement, il fallait tenir la promesse de jeûne. Comme la famille n'avait pas à ce moment les provisions nécessaires pour les repas de la rupture du jeûne, l'Imâm 'Alî emprunta à un Juif dénommé Cham'ûn al-Khaybarî trois çâ' d'orge à cet effet. On commença le jeûne et Fâtimah a moulu 1 çâ' (2,831 kg) de cette orge et a cuit cinq pains (un pain pour chacun). »Lorsqu'ils se sont apprêtés à rompre le jeûne au crépuscule, un mendiant se présenta et s'écria: "Que la paix soit sur vous, ô gens de la maison de Mohammad! Je suis un indigent parmi les indigents des Musulmans! Nourrissez-moi, et Allah vous nourrira sur les tables du Paradis". Ils préférèrent lui offrir leur repas (les cinq pains) à leur détriment, et passèrent la nuit sans rien manger, se contentant de l'eau. »Le lendemain ils entamèrent cependant le deuxième jour de jeûne; et au moment de la rupture du jeûne, un orphelin est venu frapper à leur porte, ils firent de même et lui donnèrent leur repas. »A la fin du troisième jour de jeûne un captif leur demanda à manger, ils lui offrirent leur repas. »Le lendemain, 'Alî amena ses deux fils chez le Prophète (P) qui, constatant qu'ils tremblaient de faim, comme des poussins, dit: "Que cela me fait mal de vous voir ainsi!". Aussi les ramena-ils à la maison de 'Alî; et là il a vu Fâtimah dans son mihrâb (lieu aménagé pour la prière), le ventre collé au dos, les yeux caves (creux). Cette scène l'affligea profondément. »Là Jibrâ'îl (l'Archange Gabriel est descendu et après lui avoir dit: "O Mohammad! Ceci vient d'Allah à propos de ta famille", il se mit à lui réciter la sourate.».(177) ********** 

B- Le Récit  

Les récits et les histoires qui nous présentent le milieu du "Paradis" sont parsemés dans le Noble Coran, comme nous le savons tous. Mais certains d'entre eux mettent l'accent sur un milieu spécifique ou des héros spécifiques qui ont des traits particuliers sur le plan du degré de leur piété et de leur rang dans la hiérarchie dans piété. Ainsi la Sourate "Le Miséricordieux" a exposé deux milieux distincts dont chacun a ses propres personnages: deux paradis supérieurs et deux autres au-dessous d'eux. La Sourate "L'Echéant" (Celle qui est inéluctable) nous présente également deux milieux, l'un "supérieur" pour les "premiers arrivés", l'autre "inférieur" pour les "gens de la droite". Quant à la Sourate de "L'Homme" qui nous occupe ici, elle brosse le tableau d'un environnement spécial dont les héros sont qualifiés de pieux. Il est de notoriété publique dans le domaine de l'exégèse que cette Sourate a été révélée à propos de l'Imâm 'Alî (p), de Fâtimah al-Zahrâ' (p), et de leurs deux fils al-Hassan (p) et al-Hussayn (p), lorsqu'ils ont offert leur repas de la rupture du jeûne à des pauvres pendant trois jours consécutifs où ils accomplissaient un jeûne votif. Il est indéniable aussi que ce récit vise, en mettant en relief la question de l'altruisme et de sa récompense dans l'Au-delà, la présentation de l'environnement des "Pieux" en général, c'est-àdire ceux qui offrent la nourriture par amour pour Allah à un indigent, à un orphelin et à un captif, sans attendre de personne ni récompense ni marque de gratitude. 


Il ne fait pas de doute également que lorsque le récit consacre un tel environnement dont nous allons parler, c'est parce que la question de "l'offre de la nourriture pour la Face d'Allah", n'est qu'un des aspects de la conduite qui caractérise les "Pieux". Si, pourtant, le récit a mis l'accent sur cet aspect, c'est à cause de son importance sur le plan de l'exercice à l'abandon du soi, et parce qu'il vise à nous inviter à adopter une telle attitude dans nos actes de piété. Voyons à présent comment le récit introduit la péripétie de "l'offre de la nourriture pour la Face d'Allah", et puis, passons à la présentation du milieu du Paradis avec ses descriptifs pittoresques et plaisants qui ont polarisé la plupart des éléments attachés au dit milieu. * * * Le récit des "Pieux" débute comme suit: «Les hommes pieux boiront à une coupe dont le mélange sera de camphre. »Les serviteurs de Dieu boiront à des sources qu'ils feront faillir à leur convenance. »Ils tenaient fidèlement leurs promesses, ils redoutaient un Jour dont le mal sera universel. »Ils nourrissaient le pauvre, l'orphelin et le captif pour l'amour de Dieu; »Nous vous nourrissons pour plaire à Dieu Seul; Nous n'attendons de vous ni récompense ni gratitude. » Oui, Nous redoutons, de la part de notre Seigneur, un Jour menaçant et catastrophique (...) »Mais Dieu les a protégés du malheur de ce Jour (...)»(178) Ce début du récit révèle, sur le plan de sa structure artistique, une technique romanesque subtile et significative. Le récit débute par le milieu de l'histoire: l'environnement du Jour de la Résurrection, puis, revient au début des péripéties: l'environnement de la vie d'ici-bas, et reprend enfin celles-ci selon leur ordre chronologique qui commence par un lieu, le Paradis, et un temps, le Jour Dernier. Ainsi il se déplace d'un environnement postérieur (le Paradis), vers un environnement antérieur (le bas-monde), retournant ensuite vers l'environnement du Paradis, mais avec un début particulier et un retour particulier. Il est important de comprendre le pourquoi de ce procédé romanesque et son lien avec la signification idéologique que sous-tend le récit. Donc la première question que le lecteur pourrait se poser est pourquoi le récit a-t-il débuté par la narration du Paradis de l'Autre-monde et pourquoi a-t-il commencé par un élément spécifique (la boisson) et la façon dont elle est consommée, au détriment des autres éléments de l'environnement de l'Au-delà? Car en effet, le récit aurait pu aborder en premier lieu la description du Paradis en général, sa beauté et le plaisir qu'on y éprouve, comme il l'a fait dans les parties suivantes, par exemple: «Il leur fera rencontrer la fraîcheur et la joie. IL les récompensera pour leur patience en leur donnant un jardin»(179) ... etc. De même le récit aurait pu commencer tout d'abord par la présentation de la question de "l'offre de la nourriture" dans la vie d'ici-bas, et ses conséquences heureuses dans l'Autre-monde, et non pas, comme il le fait, en commençant par le Paradis, en retournant ensuite vers le bas-monde, et en revenant après au Paradis. Quelle est donc la signification artistique de cette construction du récit de la Sourate? On peut suggérer, en ce qui concerne la question de savoir pourquoi commencer par la présentation de l'Au-delà et plus précisément de la boisson qu'on y sert, que le récit a pour objet de mettre en évidence les personnages de "Pieux" en particulier, en raison de leur distinction par des traits spécifiques qu'on ne retrouve pas chez les personnages ordinaires, et la récompense de l'Au-delà, consécutive à leur conduite dans la vie d'ici-bas. De là, le récit a commencé par la présentation des "Pieux" de la façon suivante: «Les hommes pieux boiront etc... » pour annoncer la récompense de leur mérite. Or, faire miroiter la récompense a un grand effet psychologique sur la conduite et pousse à réformer et à discipliner celle-ci. Cela est une évidence. Quant à savoir pourquoi le miroitement de la récompense commence par la description des coupes et des sources avec leurs odeurs agréables qu'elles feront jaillir à leur convenance..., c'est parce que cela se rapporte à la plus forte des pulsions vitales de l'homme. En effet, on sait, en psychologie que la pulsion de la soif est la plus forte et la plus pressante des pulsions humaines, se classant même avant la pulsion de la faim, laquelle vient avant toutes les autres pulsions vitales. Ceci concerne les pulsions primaires. Quant aux pulsions moins pressantes, mais qui se classent tout de même parmi les pulsions de racine vitale, la pulsion esthétique se situe au sommet, surtout lorsqu'elle est associée à un besoin pressant et primaire telle la soif. De là, nous réalisons l'importance (artistique) du commencement du récit par la boisson et de son association avec les besoins ou les plaisirs esthétiques qui lui sont liés, tels que «la coupe dont le mélange sera de camphre», «des sources que Nous ferons jaillir en abondance...». * * * Notons-le bien. A peine le récit a-t-il entamé la description de la vie de l'Au-delà à travers ses coupes et ses sources, il est revenu vers la vie d'ici-bas promptement pour nous rappeler "les hommes pieux" qu'il décrit ainsi: «Ils tenaient fidèlement leurs promesses; ils redoutaient un Jour dont le mal sera universel. »Ils nourrissaient le pauvre, l'orphelin et le captif, pour l'amour de Dieu. »"Nous vous nourrissons pour plaire à Dieu Seul; nous n'attendons de vous ni récompense, ni gratitude. »Oui, nous redoutons, de la part de notre Seigneur, un Jour menaçant et catastrophique". »Mais Dieu les a protégés du malheur de ce Jour...»(180) Le récit lie le milieu dont il a décrit un élément (la boisson) à la conduite de l'homme dans le bas-monde, conduite qui a qualifié les héros pour cette position enviable au Paradis. Donc, ce qui est visé essentiellement dans le récit, c'est la conduite terrestre de l'homme. C'est pour cette raison que le récit a rompu la chaîne de la description pour nous ramener à la vie d'icibas, et nous faire ainsi (par ce procédé romanesque) comprendre et saisir l'importance de cette conduite. Cette conduite visée consiste en: le respect de la promesse, la crainte d'un Jour menaçant et catastrophique, l'offre de la nourriture pour l'amour d'Allah et non pour l'obtention d'une récompense et d'un signe de gratitude de la part d'autrui etc... Ce sont donc ces traits caractéristiques de la conduite, en particulier, à l'exclusion de tout autre, que le récit veut souligner et signaler à l'attention du lecteur. Il est à noter aussi, que le récit a fait connaître certains traits caractéristiques de cette conduite sous forme de monologue intérieur prêté aux héros: «Nous vous nourrissons pour plaire à Allah»(181), «nous redoutons, de la part de notre Seigneur un Jour menaçant et catastrophique».(182) Quelle est donc l'importance de ce monologue intérieur? Tient-il lieu de la narration d'un récit qui a ses héros et ses péripéties? Puis quel est le lien entre ce monologue intérieur avec la conduite visée dont il est question? Nous avons dit que le récit a suivi un procédé romanesque consistant à rompre la chaîne de la présentation descriptive du Paradis pour revenir au bas-monde où il nous raconte l'histoire de ceux qui tiennent leur promesse, qui offrent la nourriture, qui redoutent un Jour menaçant et catastrophique, qui nourrissent (le pauvre etc.) pour l'amour de Dieu et non pour rechercher une récompense ou une reconnaissance d'autrui. Ce message que le récit véhicule requiert que l'on s'y arrête et que l'on y médite. 


Tout d'abord, la valeur romanesque dudit message réside dans le fait qu'il lie le particulier et le général, passe du partiel au total, du particulier au général, des individus au public, et c'est cela le propre de l'art grandiose. Expliquons-nous. Le récit nous transmet l'anecdote de quelques personnages qui représentent un modèle de l'élite de l'humanité: L'Imâm 'Alî, Fâtimah al-Zahrâ' (son épouse et la fille chérie du Saint Prophète), et leur deux fils "Al-Hassan" et "Al-Hussain", et leur servante "Fidh-dhah". Ces gens ont fait une promesse ou formé un voeu à Allah. Or tenir la promesse est obligatoire. Cela va de soi. Ils avaient promis de jeûner pendant trois jours. Ils l'ont fait effectivement. Mais ce qui s'était produit entre-temps, c'est qu'ils avaient offert leur repas de rupture du jeûne, le premier jour à un indigent qui avait frappé à leur porte, le second jour à un orphelin qui fit de même, et le troisième jour à un captif qui les a sollicités. Evidemment, le récit ne nous a pas rapporté les détails de cette histoire, ni n'a mentionné ses héros. Ce sont les textes de tafsîr (exégèse) qui s'en sont chargés. De là, l'importance de "l'art romanesque" dans le récit coranique: il nous propose des thèmes généraux et universels qui ignorent le temps et l'espace, se contentant de présenter des concepts, des idées et des sujets qui concernent tous les êtres humains et non une catégorie à l'exclusion d'une autre, toutes les époques et tous les temps, et non une région en particulier ou une époque particulière à l'exclusion d'autres, idées, concepts et thèmes qui tiennent lieu d'instructions, de commandements, de recommandations, de directives dont doivent tenir compte tous les humains, lesquels n'ont pas été créés sans finalité, mais pour qu'ils s'acquittent de leur fonction ou de leur devoir d'adoration sur la terre, devoir tiraillé par les deux pôles du conflit qui habite l'homme: l'esprit et la volupté, le bien et le mal, la piété et le libertinage, l'objectivité et la subjectivité. Font partie de ce devoir ou de cette fonction: le respect de la promesse, quelle qu'elle soit; l'offre de la nourriture aux démunis; l'action en vue de satisfaire Allah et non dans le but de recevoir des remerciements de la part des gens; la crainte du Jour du Compte. Ces quatre devoirs font partie de divers autres devoirs que le Ciel a fixés pour les êtres humains. Et si ce récit a mis l'accent sur ces quatre devoirs en particulier, c'est d'une part à cause de leur importance, et d'autre part, parce que les autres devoirs sont présentés dans d'autres récits ou textes coraniques. * * * Le premier devoir ou thème exposé dans notre récit est la tenue de la promesse. Les expériences humaines nous ont montré que beaucoup de gens implorent Allah et se dirigent vers Lui lorsqu'ils vivent dans l'adversité ou lorsqu'ils sont atteints d'un mal, mais que, dès qu'ils s'en sortent, ou dès qu'ils en sont soulagés, ils oublient les grands bienfaits du Miséricordieux et s'en éloignent.  

C'est là une vérité familière à nous tous. Le Coran et la Sunna en parlent si souvent qu'il n'est pas nécessaire d'en citer des exemples. La promesse ou le voeu est l'une des formes sous lesquelles on fait appel à Allah pour nous sortir du pétrin. La tenue ou le respect de la promesse ou du voeu est un acte positif réclamé par le Ciel. Et au contraire, le non-respect de la promesse faite lors de la formulation d'un voeu, équivaut à un oubli, une ignorance ou une négligence des Bienfaits divins, et un retour vers soi. Le récit coranique, lorsqu'il met en évidence "ceux qui tiennent leur promesse" après qu'il a abordé le Paradis, établit un lien de cause à effet entre l'obtention de cette position au Paradis et l'accomplissement de l'acte de "la tenue de la promesse", et ce à un tel point qu'il confère le qualificatif de "pieux" aux héros qui observent une telle conduite (la tenue de la promesse). * * * Le deuxième devoir est la crainte du Compte du Jour Dernier: «Ils tiennent fidèlement leurs promesses et ils redoutent un Jour dont le mal sera universel»(183). Il ne fait pas de doute que la crainte du Compte constitue un trait général des "pieux", du fait que le manquement dans les actes d'adoration est à craindre toujours lorsqu'on sait qu'il est difficile de s'acquitter de tout ce que mérite le Ciel pour les Bienfaits infinis qu'IL nous accorde. Mais le fait de lier ce trait au contexte de la tenue de la promesse signifie qu'une importance particulière est conférée à celle-ci et à son respect, lorsqu'elle est associée à la crainte (au cas où la promesse ne serait pas tenue) d'un Jour où "le mal sera universel". Quant aux deux autres devoirs, le troisième et le quatrième, ce sont: "l'offre de la nourriture aux démunis", et "le fait que cette offre soit faite pour l'amour d'Allah et non pour s'attirer la gratitude d'autrui". Ces deux devoirs revêtent sans doute une grande importance, surtout lorsqu'on remarque que le dernier devoir: "offrir la nourriture pour l'amour d'Allah", a été présentée sous forme de monologue intérieur prêté aux héros. Le fait d'offrir le repas constitue en soi un acte révélateur d'une tendance à sortir de l'égoïsme et à s'acheminer vers l'altruisme. C'est un partage des soucis des autres, c'est une façon de sympathiser avec eux. C'est une remise en cause du moi, et une tentative de sortir de l'attachement à soi-même pour porter les soucis des gens sur soi. * * * Il est à noter que le récit a présenté trois types de démunis: "l'indigent", "l'orphelin" et "le captif", chacun d'eux incarne une sorte particulière du besoin matériel, associée à ses traits psychologiques. 

Ainsi, l'indigent est celui qui manque de tout en général, car il ne possède rien. L'orphelin est marqué par la perte d'un père qui devrait l'entourer de ses soins affectifs et matériels. Le captif se caractérise par un autre trait psychologique, à savoir son dépaysement social. Lorsque le récit choisit ces types de démunis qui, bien qu'ils diffèrent dans leurs traits psychologiques, ont en commun la pauvreté, il met en exergue l'importance de l'offre de la nourriture, et sa contribution diverse à toutes les formes de la satisfaction de leurs besoins, avec toute la joie que cela suscite chez chacun des pauvres nourris, ainsi que chez les nourrisseurs eux-mêmes, lorsqu'ils seront récompensés, le Jour Dernier, par la nourriture exquise du Paradis, que le récit s'est évertué de décrire. En d'autres termes, il faut que le lecteur se rende compte de l'équilibre artistique dans le récit entre la satisfaction alimentaire que les pieux procurent aux affamés, et la diversité de type d'affamés d'une part, et la satisfaction alimentaire que le Ciel procure aux premiers et la variété de sortes de satisfaction qui attend ces héros. Cet équilibre architectural entre ceux qui nourrissent et ceux qui sont nourris, dans le bas-monde, et la récompense qui attend les premiers dans l'Autre-monde révèle l'un des aspects artistiques que le lecteur de l'oeuvre coranique ne devrait pas manquer de remarquer. En tout état de cause, lorsque le récit attire notre attention sur l'importance du don alimentaire, il propose un concept particulier à cet acte, à savoir que l'offre de nourriture doit être faite pour l'amour d'Allah et non dans le but de se faire une bonne réputation ou d'obtenir la gratitude des gens. Tel est le quatrième et dernier des devoirs que le récit a présentés. Mais ce devoir ou cet acte revêt une importance primordiale dans le domaine de l'exercice au détachement de soi-même. Aussi le récit lui a accordé une place particulière et en a fait, le seul critère de la justesse de la conduite tout en lui attribuant le mérite de la récompense du Jour Dernier et lui appliquant le titre de "pieux", auquel ce récit lui a été consacré, comme nous allons le voir bientôt. * * * Il y a différents types d'hommes qui font le don de nourriture et qui distribuent de l'argent aux pauvres, mais cet acte en soi n'est pas forcément révélateur d'une conduite saine ou d'une marque d'abnégation chez le "bienfaiteur". Bien plus, le don de la nourriture et la générosité en général pourraient devenir un indice d'un défaut chez le donateur, lorsque celui-ci vise par son acte de générosité à redorer son image ou à arracher des remerciements. En d'autres termes il recherche, en agissant ainsi, une satisfaction personnelle et ne fait que s'enfoncer dans son égocentrisme. Un tel "bienfaiteur" ou un tel "donateur généreux", n'est pas dans, le fond différent d'un avare qui refuse de dépenser ce qu'il possède. En effet, l'avare recherche à satisfaire son soi et reste égocentrique en s'efforçant de s'attirer tout ce qui réalise un gain pour lui-même. Or une telle attitude est considérée comme un trait d'aberration.  

Celui qui prodigue son argent pour se forger une position sociale ou pour qu'on lui témoigne de la gratitude, est empreint de la même marque d'aberration, car tout comme l'avare, il recherche à satisfaire son moi et agit par intérêt. Tous les deux sont donc égocentriques. La seule différence qui les départage, c'est que le donateur recherche une satisfaction psychologique personnelle alors que l'avare recherche la satisfaction matérielle personnelle. C'est pourquoi, le récit qui nous occupe ici n'a pas abordé la question de l'offre de la nourriture séparément de son aspect sain; il a présenté le "nourrissement" de l'indigent, de l'orphelin et du captif, associé au monologue intérieur des héros du récit, qui se sont dit, comme s'ils s'adressaient, dans leur for intérieur, aux bénéficiaires, et sans le leur dire ni le leur montrer: «Nous vous nourrissons pour plaire à Dieu Seul; nous n'attendons de vous ni récompense, ni gratitude».(184) * * * Le deuxième trait de l'art romanesque qui marque cette partie du récit, c'est le procédé de répétition concernant la crainte qu'inspire, aux pieux, le Compte, le Jour Dernier. Ainsi, après avoir évoqué la nourriture que les héros avaient offerte pour l'amour d'Allah, le récit s'est attaché à prêter immédiatement, à ces derniers, les propos suivants: «Nous redoutons de la part de notre Seigneur un Jour menaçant et catastrophique».(185) Or on sait que le récit a déjà mentionné, le fait que ces héros redoutaient ce Jour à une autre occasion: «ils tiennent leurs promesses, ils redoutent un Jour dont le mal sera universel».(186) Cette répétition veut signifier que chacune de leurs actions ou chacun de leurs gestes est associé à la crainte du Compte du Jour Dernier, et confirme par la même occasion que le ""nourrissement"" est un acte accompli uniquement pour satisfaire Allah, et ce à tel point qu'ils craignent en permanence de devoir Lui rendre des comptes pour tout geste dont se dégage la moindre odeur d'égoïsme. Il y a un troisième trait artistique qui mérite d'être souligné et appelle à la réflexion, à savoir le procédé de dialogue que le récit a utilisé à propos du "nourrissement" pour l'amour d'Allah et rien d'autre. En effet, le récit a recouru au procédé de narration lorsqu'il a abordé la question de la tenue de la promesse, alors qu'il a présenté celle du "nourrissement" sous forme de dialogue. Dans le cas du "nourrissement", le récit a relaté la crainte que le Jour du Compte inspire aux pieux: «Ils tiennent leurs promesses et ils craignent un Jour dont le mal sera universel». Tandis que dans celle du "nourrissement", il a donné la parole aux héros pour qu'ils s'expriment eux-mêmes: «Nous vous nourrissons pour plaire à Allah Seul; nous n'attendons de vous ni récompense, ni gratitude».(187) «Nous redoutons de la part de notre Seigneur un Jour menaçant et catastrophique».(188)  

Ce passage du procédé de narration au procédé de dialogue revêt sans aucun doute une grande importance dans la mesure où il permet de dégager, comme on va le voir, les significations idéologiques que le récit vise. Quelle est cette importance? D'aucuns pourraient dire, relativement aux héros du récit, que lorsque ceux-ci avaient fait une promesse à Allah, le problème de la tenue de cette promesse restera une affaire entre eux et leur Créateur et ne s'étendra pas à d'autres. Toute l'affaire consiste en un jeûne de trois jours, et il fut accompli convenablement. Ceci ne requiert ni dialogue ni personnages. En revanche, la question du "nourrissement" a trait à d'autres personnages, "l'indigent", "l'orphelin" et "le captif" à qui le repas est offert, ce qui a nécessité qu'on dise à leur attention, les propos suivants, soit en leur adressant la parole directement, soit en parlant à soi-même silencieusement, soit en formant la parole mentalement: «Nous vous nourrissons pour plaire à Allah, ... nous redoutons ...». Les textes de tafsîr jettent sur ce sujet suffisamment de lumière pour permettre de le comprendre clairement. Certains de ces textes affirment que l'un des personnages, l'Imâm 'Alî (p) s'est adressé à Allah dans les termes suivants, après avoir offert le repas: «Ô notre Dieu, remplace notre repas que nous avons manqué par ce qui en est meilleur». Mais comme on peut le constater, cette affirmation, en supposant que ledit tafsîr soit crédible, relie ce dialogue à Allah et non aux pauvres à qui cet énoncé: «Nous vous nourrissons pour plaire à Allah ...» est manifestement adressé. D'autres textes de tafsîr nous donnent une explication plus pertinente en affirmant: «'Alî (p) n'a jamais prononcé ni formé cette parole «Nous vous nourrissons pour plaire à Allah; nous n'attendons de vous ni récompense, ni gratitude», mais c'est Allah Qui a su que, dans son coeur (esprit ), 'Alî (p) a nourri pour plaire au Ciel, et IL lui a fait savoir ce qu'IL sait de ce qui se passe dans son coeur et qu'il ne prononce pas. Selon un autre texte exégétique: Par Allah, ils ('Alî, Fâtimah, al-Hassan et al-Hussain) n'ont pas prononcé ces propos. Ils les ont formés dans leurs esprits seulement, mais c'est Allah Qui les a informés de ce qu'ils avaient formé mentalement. Ces deux derniers textes de tafsîr, éclaircissent complètement le sujet, en affirmant que les héros n'ont pas adressé ces paroles aux indigents, ou bien plus, ils ne les ont pas même dits silencieusement à eux-mêmes, mais qu'ils les ont conçus dans leurs esprits, et qu'Allah a su ce qu'ils ont pensé et l'a fait savoir. La question qui se pose encore est: Quelle est l'explication artistique d'un tel monologue intérieur? * * * La valeur de l'art romanesque s'affirme ici clairement, lorsque nous réalisons que le récit décèle de lui-même et sans le concours des textes de tafsîr, ses traits artistiques à travers le mode de présentation des héros et de leur façon de penser, de telle sorte que le lecteur puisse en induire plus d'une signification, même sans avoir recouru à l'exégèse. Tout lecteur averti que l'expérience lui a appris à apprécier une oeuvre romanesque, peut, sans trop de peine, conclure que nos héros n'ont pas prononcé la parole «Nous vous nourrissons ... etc», «Nous redoutons de la part de notre Seigneur ...», puisque rien dans le récit ne justifierait le contraire. Ainsi, les trois indigents étaient venus l'un après l'autre et non en même temps, ni ensemble pour qu'on ait pu leur adresser les propos en question à la troisième personne du pluriel; de même, les trois démunis qui ne possédaient pas, de toute évidence, de quoi nourrir les autres, ne se trouvaient donc pas en situation qui permette qu'on leur adresse le prêche contenu dans le monologue. Pour toutes ces raisons et d'autres, la parole adressée à leur intention ne peut être, sur le plan de la technique romanesque, qu'un monologue intérieur et non un élément de dialogue avec l'indigent, l'orphelin et le captif. Mais la question qui se pose maintenant est pourquoi le récit a-t-il utilisé ici l'élément de dialogue, et ne l'a pas fait à propos de l'énonciation du thème de la "tenue de la promesse" alors que les deux cas traduisent une même situation: la relation des héros s'est limitée à Allah et à personne d'autre? * * * A notre avis, le récit vise à attirer notre attention sur l'importance de l'offre de nourriture ou de toute attitude qui porte intérêt à autrui, par amour pour Allah et non dans l'intention d'attirer pour soi l'estime ou la gratitude. Dès lors un tel acte requiert une formation intérieure ou mentale de l'intention (et non une extériorisation ou une déclaration de cette intention), qui naît et se meut dans le cadre des sentiments. En outre, lorsque le récit laisse les personnages eux-mêmes présenter dans leur langage leurs sentiments, il crée un grand effet chez lecteur, effet qui le conduit à réformer sa conduite et à vivre avec une telle vérité en se la répétant au fond de lui-même chaque fois qu'il accomplit un acte de bienfaisance envers autrui, en dialoguant avec lui-même: «Je l'ai fait pour Allah» ou en adressant sa pensée, mais sans la traduire en paroles prononcées, aux bénéficiaires de son acte de générosité: «J'ai fait cela pour plaire à Allah et non à vous». Dans notre vie quotidienne, nous formons mentalement de milliers de pensées sans en parler à personne. Bien plus, la pensée elle-même est un langage non prononcé. L'importance de la transmission des pensées aux autres à travers le monologue intérieur est très familière aux lecteurs du "roman psychologique" moderne, qui s'est développé dans la troisième décennie de notre siècle, et qui accorde une telle importance ou place au monologue intérieur, que celui-ci constitue parfois la quasi-totalité du tissu du roman.  

En résumé, lorsque le récit coranique nous a transmis par la bouche des héros une parole qu'ils n'ont pas prononcée, mais qu'ils ont formée mentalement ou conçue sous forme de pensées qu'il a traduite lui-même en langage vivant, il a utilisé les courbes du langage de l'esprit auxquelles nous devons nous arrêter longuement pour découvrir leur importance artistique et comprendre par ce biais les idées que le récit veut nous faire parvenir, concernant la fonction que le Ciel a assignée à l'homme sur la terre, laquelle fonction n'est autre que sa mise à l'épreuve. Récapitulons pour mieux comprendre ce qui vient d'être avancé. Nous avons déjà dit que lorsque les "Pieux" ou les héros d'Ahl-ul-Bayt (p) ont nourri l'indigent, l'orphelin et le captif, en disant: «Nous vous nourrissons pour plaire à Allah; nous n'attendons de vous ni récompense, ni gratitude. Nous redoutons de la part de notre Seigneur un Jour menaçant et catastrophique»,(189) ils n'ont pas prononcé ces paroles, selon les textes de tafsîr, mais que c'est Allah Qui a su ce qu'ils ont pensé, et que c'est le récit qui a transcrit leur pensée sous cette forme langagière. Il nous appartient, maintenant après avoir expliqué brièvement quelques données de ce genre de monologue intérieur, de l'étudier, d'une façon plus exhaustive, en raison de l'importance de ce procédé littéraire auquel a recouru le récit coranique, procédé dont les subtilités artistiques avaient échappé aux anciens rhétoriciens et critiques à cause de la limite des connaissances scientifiques de leur époque. Les critiques modernes se sont rendus compte (en raison du développement des connaissances psychologiques dès le début du 20e siècle) de l'importance et des secrets des activités de l'esprit ainsi que de la façon de leur organisation et de leur soumission tantôt à la conscience tantôt à l'inconscience, à travers ce qu'on appelle en terminologie psychologique, l'association d'idées. Ils ont en outre perçu la nature des idées et leur lien avec le langage exprimé ou non exprimé, c'està-dire les idées qui prennent forme dans l'esprit sans qu'elles soient transférées vers l'appareil phonatoire. Il est évident que la transmission des idées - telles qu'elles sont élaborées dans l'esprit - aux autres est une opération difficile à réaliser avec précision en raison du chaos du processus de la pensée et sa non-soumission à un ordre uniforme ou monotone, car l'homme peut penser à la troisième personne (il, elle), puis changer subitement pour élaborer sa pensée à la deuxième personne (tu, vous), et passer sans délai à la première personne (je, nous), et ainsi de suite. Le processus de l'association d'idées que certains romanciers modernes ont essayé de traduire en oeuvre romanesque à travers le monologue intérieur prolongé et dépouillé d'une suite logique est sans doute l'une des tentatives de la traduction du processus de la pensée, avec son déplacement d'un pronom personnel à l'autre, et ses sauts d'un sujet à l'autre qu'impose le mécanisme de cette association d'idées, mais s'avère être, en fin de compte, sans aucun doute très utile pour la découverte des tréfonds de l'homme, de la nature de ses sentiments, surtout lorsqu'on sait qu'aucun autre moyen n'est possible pour faire cette élucidation, tant que l'homme continue de penser avec un langage non exprimé par la parole. Ce qui nous importe ici, c'est d'attirer l'attention sur le fait que si le récit coranique nous a présenté les pensées des héros (c'est-à-dire l'énoncé «Nous vous nourrissons pour plaire à Allah; nous n'attendons de vous ni récompense ni gratitude»), sous une forme non prononcée, c'est parce que ce procédé est une vérité psychologique qui renferme des secrets qu'il est nécessaire de faire connaître afin de nous en servir dans notre conduite. * * * Un individu pourrait bien parler à lui-même en se disant (mais sans le prononcer): «J'ai nourri ce pauvre pour la Face d'Allah». Il pourrait aussi destiner la parole suivante (mais sans la prononcer ou sans qu'on l'entende) à un pauvre: «Je t'ai nourri pour plaire à Allah». Il pourrait également penser d'une façon vague et imprécise à un sujet spécifique "l'offre de nourriture au pauvre pour la Face d'Allah", sans que cette pensée soit conçue sous forme d'un vocabulaire déterminé, mais plutôt en termes de concepts - tels ceux qui passent par sa tête tout au long de son éveil et de son état de conscience, à propos de ce qui se passe autour de lui. La question qui se pose maintenant est: les héros d'Ahl-ul-Bayt (p) «en nourrissant les pauvres» et en formant alors leur pensée à la deuxième personne (vous): «Nous vous nourrissons» pour plaire à Dieu; nous n'attendons de vous ni récompense ni gratitude», leur pensée était-elle porteuse d'une signification particulière pour que le récit la mette en exergue de sorte que le lecteur la perçoive clairement et s'en serve pour façonner et corriger sa conduite chaque fois qu'il accomplit un acte d'adoration? Il est indubitable que les personnes visées par le pronom personnel "vous", en l'occurrence, "l'indigent", "l'orphelin" et "le captif" n'ont pas entendu les propos conçus à leur adresse mais non traduits en parole prononcée, ce qui signifie par conséquent que le fait de penser dans un langage au vocatif revêt une importance certaine, dans un tel cas, sur le plan de la qualité de l'acte d'adoration chez l'homme. A notre avis, l'importance artistique d'un tel monologue intérieur adressé aux "pauvres" tient au fait que lorsque les héros qui sont soucieux d'aider ces derniers (les pauvres), s'adressent à eux (mentalement seulement), c'est pour exprimer leur souci d'aider autrui, mais que, étant donné qu'ils ne recherchent ni la gratitude des pauvres ni aucune considération mondaine, ils ne traduisent pas leur souci de bienfaisance en langage parlé, mais se contentent de s'adresser à eux par la pensée. Or, il n'y a aucun doute qu'une telle noble attitude revêt une grande importance. Elle révèle la tendance philan-thropique de l'homme, montre le souci des pieux d'aider les autres et de subvenir à leurs besoins, à un tel degré que ce souci occupe une surface d'autant plus grande de leur pensée qu'il risque de déborder et de se trouver sur le point de s'exprimer en paroles adressées directement aux autres et traduisant un amour altruiste exubérant. Mais étant donné que leur amour d'autrui émane de leur amour pour Allah, ils le gardent pour eux-mêmes, et ne le déclarent pas aux autres; il ne s'exprime que sous forme de monologue intérieur ou au niveau de la pensée. Telle est donc la subtilité artistique du recours à ce monologue intérieur que le récit a prêté à ses héros pieux pour nous conduire, nous les lecteurs, à revoir notre attitude et à la calquer sur celle de ces héros, lorsque nous apportons notre aide aux autres et à pourvoir à leurs besoins, et dans tous nos actes d'adoration. Car, autre-ment, tout acte d'adoration qui s'associerait au désir d'obtention d'un témoignage de reconnaissance ou d'un acquis personnel, la considération sociale, par exemple, perdra tout son effet auprès d'Allah. * * * Là, le récit touche à sa fin, pour ce qui concerne les héros qui y évoluaient. Il a commencé par la présentation des Pieux et du milieu (le Paradis) qui leur est préparé: «Les Pieux boiront à une coupe dont le mélange sera de camphre. Les serviteurs d'Allah boiront à des sources qu'ils feront jaillir à leur convenance».(190) Puis, il a quitté le Paradis et sa boisson avec ses coupes et ses sources, pour ramener les péripéties vers la vie ici-bas, où il nous a décrit par un procédé romanesque original que nous avons déjà expliqué, l'aspect de la conduite des héros, pour lequel le titre de pieux leur fut décerné et cette position enviable de Paradis leur fut accordée. Maintenant le récit retourne au milieu du Paradis pour en poursuivre la description: «Mais Dieu les a protégés du malheur de ce Jour. IL leur fera rencontrer la fraîcheur et la joie. »IL les a récompensés pour leur patience en leur donnant un Jardin et des vêtements de soie».(191) Nous nous rappelons que les héros avaient fait part de leur crainte: «Nous craignons de la part de notre Seigneur un Jour menaçant et catastrophique». Et voilà que le Ciel les rassure: «Mais Dieu les a protégés du malheur de ce Jour». Mieux, voilà que le Ciel les récompense aussi pour avoir agi par amour pour Allah: «IL leur fera rencontrer la fraîcheur et la joie», et poursuit la description du Paradis par lequel ils ont été récompensés: «IL les récompensera pour leur patience en leur donnant un Jardin et des vêtements de soie». Puis le Ciel continue à exposer les détails pittoresques du confort et du luxe du Paradis par lequel il les a récompensés: «Là, accoudés sur des lits d'apparat, ils n'auront à subir ni soleil ardent ni froid glacial, »Ses ombrages seront à proximité et ses fruits inclinés très bas, pour être cueillis. »On fera circuler parmi eux des vaisseaux d'argent et des coupes de cristal, »de cristal; d'argent et remplies jusqu'au bord. »Ils boiront une coupe dont le mélange sera de gingembre puisé à une source nommée là-bas: "Salsabîl".  

»Des éphèbes immortels circuleront autour d'eux. Tu les compareras, quand tu les verras, à des perles détachées. »Quand tu regarderas là-bas, tu verras un déclic et un faste royal. »Ils porteront des vêtements verts, de satin et de brocart. Ils seront parés de bracelets d'argent. Leur Seigneur les abreuvera d'une boisson très pure. »"Cela vous est accordé comme une récompense. Votre zèle a été reconnu!"»(192) Avant de traiter de ces détails du milieu paradisiaque, il faudrait attirer l'attention sur les descriptions et scènes consacrées à tous les instruments de la boisson et qu'on ne retrouve, nulle part ailleurs que dans ce récit en particulier, ce qui permet de déduire que cette particularité se rapporte à la nature de la conduite des pieux (les héros de ce monde), aux données du monologue intérieur conçu par les héros en proclamant dans leur tréfonds: «Nous vous nourrissons pour plaire à Allah, nous n'attendons de vous ni récompense ni gratitude. Nous craignons de la part de la part de notre Seigneur un Jour menaçant et catastrophique ...». Ce monologue dont nous avons expliqué la valeur artistique (du fait qu'il décèle les secrets du processus de la pensée) a trait aux petits détails de la description propre, à ce récit, ce qui peut nous servir de modèle à suivre et nous amener à réformer notre conduite vis-à-vis de notre tâche de lieutenance sur cette terre, comme Allah nous l'a demandé. Nous avons dit que la Sourate "Al-Insân" (L'Homme) ou le récit des "Pieux" qu'elle renferme, demeure de tous les récits coraniques celui qui comprend la plus importante description du Paradis, des détails pittoresques de ses bienfaits et de son bien-être: les boissons, les mets, les demeures, les vêtements. Le lecteur n'a pas besoin de faire un grand effort de réflexion pour comprendre la raison de ces détails descriptifs du milieu paradisiaque qui caractérisent ce récit, étant donné que celui-ci met en scène des "pieux" qui ont offert leurs repas à l'indigent, à l'orphelin et au captif, et préféré la faim et la soif pour eux-mêmes afin d'apaiser la faim des autres, et que subséquemment (à leur endurance et à leur privation) Allah les a récompensés par leur rassasiement dans l'autre monde, de telle sorte que la grandeur de la récompense (rendue par la densité et la richesse de la description) corresponde à la grandeur du mérite de l'acte d'abnégation et d'altruisme des héros. Pour que le lecteur réalise clairement la richesse et l'opulence des bienfaits qui ont été préparés pour les pieux, il est nécessaire d'en examiner les détails plus exhaustivement: Le récit a exposé six besoins relatifs aux pulsions vitales (biologiques) de l'homme. Les uns sont essentiels (selon notre critère humain), d'autres secondaires. Ces besoins sont: 


1- L'eau;  

2- La nourriture; 

3- Le logement;

  4- Le vêtement;  

5- Les services; 

6- La beauté (l'esthétique) (par "beauté" nous entendons le sens esthétique chez l'homme concernant les paysages de la nature et les articles de bien-être dont il se sert pour satisfaire ses différents besoins). Il est évident qu'au-delà de ces six besoins, il n'y en a pas d'autres (sauf le besoin sexuel) dans le cadre du milieu où l'homme de ce bas-monde ou celui de l'autre monde vivent. Notons au passage que le récit a mis l'accent sur certains besoins plus que sur d'autres et que cette insistance a une explication artistique que nous devons connaître, après qu'on aura compris la raison du soulignement de la diversité du bien-être et de son lien avec la conduite terrestre des héros, conduite à travers laquelle ils ont enduré les difficultés de la vie, et pour laquelle ils ont été récompensés par les merveilles du bien-être paradisiaque. De même, on peut remarquer aussi l'absence de l'élément "femme" parmi lesdits besoins, et on doit en rechercher et connaître la raison. * * * Voici quelques exemples de ces six besoins :  

1- L'Eau - «Les pieux boiront à une coupe dont le mélange sera de camphre. Les serviteurs de Dieu boiront à des sources qu'ils feront jaillir à leur convenance».(193) - «On fera circuler parmi eux des vaisseaux d'argent et des coupes ...».(194) - «Ils boiront une coupe dont le mélange sera de gingembre».(195) - «Puisée à une source nommée là-bas "Salsabîl"».(196) - «Leur Seigneur les abreuvera d'une boisson très pure».(197)  

2- La Nourriture - «Ses ombrages seront à proximité et ses fruits inclinés très bas pour être cueillis».(198)

  3- Le Logement - «Là, accoudés sur des lits d'apparat, ils n'auront à subir ni soleil ardent, ni froid glacial».(199) - «Quand tu regarderas là-bas tu verras un délice et un faste royal».(200)  

4- Le Vêtement - «Ils porteront des vêtements verts, de satin et de brocart. Ils seront parés de bracelets d'argent».(201) 


5- Les Services - «Des éphèbes immortels circuleront autour d'eux. Tu les compareras, quand tu les verras, à des perles détachées».(202) 

6- Le Besoin Esthétique Ce besoin comprend la variété et la diversité des moyens de satisfaction de chacun des besoins énumérés, comme la variété des ustensiles utilisés pour s'abreuver : coupes, carafes etc. ; la variété des vêtements: satin, brocart, bracelets, etc. La première remarque qu'appelle ce qui précède est que l'eau (et les ustensiles dans lesquels elle est servie) constitue un élément dominant tous les autres besoins, et ce autant par la profusion des détails la concernant que par la diversité des ustensiles utilisés dans sa consommation, que par la variété de l'eau elle-même, que par sa place dans l'ordre de la présentation des besoins mis en exergue. La motivation artistique de cette dominance tient, comme nous l'avons déjà signalé brièvement au passage, au fait que la pulsion de la soif chez l'être humain est considérée comme la plus pressante de toutes les autres pulsions vitales, telles que la faim, le sexe, la beauté etc. De là donc l'importance de la place réservée par le récit à l'eau, à la variété de ses ustensiles et à la mention de tous les détails qui lui sont attachés. Cette dominance apparaît clairement lorsque nous constatons que la variété concerne tout d'abord la qualité de l'eau: elle est tantôt mélangée au camphre, tantôt au gingembre, et tantôt elle est "Salsabîl". La variété concerne ensuite ses instruments: "vaisseaux", "coupes", "calices", et la matière de ces instruments: "verre", "argent". La variété concerne aussi son apparence: elle est présentée comme des "sources" que l'on fait jaillir à sa convenance. La variété concerne enfin sa valeur: «boisson très pure». Donc, il y a une eau qui incarne «une boisson pure», que «l'on fait jaillir à sa convenance», qui «coule comme un "Salsabîl"», qui est «mélangée au camphre et au gingembre», et servie dans «des vaisseaux», «des coupes», «un calice», «verres» lesquels sont tous en argent transparent qui permet de voir leur contenu de l'extérieur. Lorsqu'on médite un peu sur toutes ces descriptions pittoresques et minutieuses, sur toutes ces images évocatrices, sur tous ces traits particuliers, on ne peut qu'être ébloui et émerveillé(203) par ce grandiose art romanesque coranique où chaque détail est significatif, chaque mot est révélateur et chaque trait stylistique est chargé de message.  

Si nous examinions tous les détails relatifs aux autres besoins, nous nous rendrions compte qu'ils suivent le même procédé, mais d'une façon moins exhaustive et moins détaillée. Il n'est donc pas nécessaire de nous répéter, étant donné que nous venons d'étudier le lien entre le plus impérieux de ces besoins vitaux de l'homme, en l'occurrence, l'eau, et la conduite terrestre de l'être humain, lien qui met en évidence la corrélation ou la correspondance entre les héros qui sacrifient leurs propres besoins et endurent les difficultés de la vie (dont la faim et la soif) pour satisfaire les besoins des autres, et la récompense qui les attend dans l'autre monde. Plus le sacrifice est grand et motivé par l'amour d'Allah, plus la récompense est grandiose. Il ne faut pas oublier que les héros ou les pieux mis en scène dans le récit ont accompli un devoir d'adoration, à savoir le jeûne votif avec tout ce que le jeûne implique de soif et de faim; puis ils ont accompli un autre devoir d'adoration, en l'occurrence, l'offre de nourriture aux pauvres dans des circonstances particulières à un moment où ils avaient eux-mêmes un besoin impérieux de s'alimenter (après chaque journée de jeûne), mais ils ont préféré offrir leur repas aux nécessiteux et supporter la faim et la soif. Donc le don de nourriture ne s'est pas produit lors d'un repas ordinaire, mais d'un repas de jeûne dont la particularité tient au fait qu'il est pris après de longues heures de faim et de soif. Il faut donc tenir compte de tous ces détails significatifs sans oublier le fait que le sacrifice consenti n'avait pour but que la satisfaction d'Allah et ne visait nullement à en attendre, en retour, un avantage personnel. En effet, chacun de nous peut nourrir un homme qui a faim, mais cela se produit surtout lorsque nous n'avons pas besoin nous-mêmes de la nourriture offerte au pauvre. De même chacun de nous peut alimenter un indigent, mais cette générosité obéit souvent à des motivations empreinte d'égoïsme. Mais offrir un repas à quelqu'un d'autre alors qu'on a faim soimême, c'est toute autre chose. Offrir notre repas alors que nous avons faim, n'est pas du tout pareil au fait d'offrir une alimentation dont nous n'avons pas besoin. Et offrir notre repas dans ces circonstances difficiles uniquement pour plaire à Allah et par "crainte d'un Jour menaçant et catastrophique", c'est un acte d'un mérite exemplaire. La Sourate de "L'Homme" dessine à la fin du récit un contraste avec l'histoire des pieux en évoquant ceux qui «aiment la vie éphémère et négligent un Jour grave»,(204) qui préfèrent la vie d'ici-bas. Ils se détournent de la vie de l'Au-delà (avec son bien-être irrésistible) et préfèrent la vie terrestre avec toutes les lourdes conséquences que cette attitude entraînera par la suite: «le mal universel», «menaçant et catastrophique». Le message du récit est donc clair: l'homme doit prendre conscience de la signification de sa vie et de ce pour quoi il a été créé: tous nos actes doivent être accomplis pour plaire à Allah, autrement ils sont nuls et non avenus.  

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Sourate (105) : 

L'Éléphant



Sourate (106) :

Les Quraych  

Le Récit des Gens de l'Éléphant


A- Les Sourates  

Sourate l'Eléphant 

Au Nom d'Allah, le Clément, le Miséricordieux 

1 N'as-tu pas vu comment ton Seigneur a traité les hommes de l'Éléphant ? 

2 N'a-t-IL pas détourné leur stratagème

  3 envoyé contre eux des bandes d'oiseaux  

4 qui leur lançaient des pierres de sijjîl (d'argile) ?  

5 IL les a ensuite rendus semblables à des tiges de céréales qui auraient été mâchées». 

Sourate les 

Quraych Au 

Nom d'Allah, le Clément, le Miséricordieux

1 A cause du pacte des Quraych;

  2 de leur pacte concernant la caravane d'hiver et d'été ! 

3 Qu'ils adorent le Seigneur de cette Maison:  

4 IL les a nourris;  

IL les a préservés de la famine;  

IL les a délivrés de la peur.  

* * * Ces deux très courtes sourates sont données pour n'en faire qu'une par certains commentateurs ; mais si cette opinion ne fait pas l'unanimité, les exégètes s'accordent pour affirmer qu'elles sont quand même étroitement reliées l'une à l'autre. La première d'entre elles fait allusion à l'expédition de l'Eléphant, conduite par l'Abyssin Abraha, vice-roi du Yémen, contre la Ka'bah, expédition que le Ciel a tournée en déroute, pour protéger la Maison d'Allah et ceux qui en avaient la charge, la seconde constitue un rappel à ces derniers, les Quraych (les maîtres et les gardiens de ce lieu saint) des privilèges et faveurs que le Seigneur leur a accordés, et de leur devoir de reconnaissance envers leur Bienfaiteur. Ces événements sont censés avoir lieu juste avant la naissance du Prophète, soit approximativement en l'an 570(205). Ils ont fait date et marqué le système de datation chez les Mecquois. De là, on dit que le Prophète est né en l'an de l'Eléphant, par référence à l'expédition du même nom. ***** 

B- Le Récit

Le récit des "Gens de l'Éléphant" est réparti sur deux petites Sourates : La Sourate de l'Éléphant (Al-Fîl), et la Sourate des Quraych. Cette répartition (du récit sur deux sourates) recèle une signification sur le plan de l'art romanesque, signification que nous aurons l'occasion de découvrir au cours du développement de ce récit. Signalons, toutefois, tout de suite que le Législateur (Allah) nous demande de fusionner ces deux Sourates et de les réciter - pendant la prière rituelle - en tant qu'une seule sourate, tout comme IL l'a fait pour les sourates 93 et 94: "Al-Dhohâ" et "Alam Nachrah". Cette fusion demandée par le Législateur apporte un premier éclaircissement à cette signification artistique, car, le fait que les deux sourates se lisent en tant qu'une sourate dans la prière rituelle laisse percevoir qu'il y a unité entre les deux récits ou tout du moins des lignes communes, unité ou lignes communes dont le chercheur peut ignorer la cause originelle, tout en étant capable d'en saisir quelques raisons d'ordre romanesque, puisque les deux sourates parlent d'une seule et même chose, à savoir l'attaque d'Abraha contre la Mecque en vue de la destruction de la Ka'bah, l'échec de cette attaque, l'anéantissement de l'armée d'Abraha, le lien de cet événement avec une classe sociale de la Mecque, "Les Quraych" et l'attitude future de cette classe vis-à-vis du Message de l'Islam. En tout cas, l'unité des deux sourates, de même que leur séparation obéissent à des subtilités artistiques, comme nous allons le constater. Lisons tout d'abord le récit tel qu'il se présente à travers les deux sourates:

  I- Sourate l'Eléphant 

Au Nom d'Allah, le Clément, le Miséricordieux 1 N'as-tu pas vu comment ton Seigneur a traité les hommes de l'Éléphant ? 2 N'a-t-IL pas détourné leur stratagème 3 envoyé contre eux des bandes d'oiseaux 4 qui leur lançaient des pierres de sijjîl (d'argile)? 5 IL les a ensuite rendus semblables à des tiges de céréales qui auraient été mâchées». 

II- Sourate les Quraych  

Au Nom d'Allah, le Clément, le Miséricordieux 1 A cause du pacte des Quraych; 2 de leur pacte concernant la caravane d'hiver et d'été! 3 Qu'ils adorent le Seigneur de cette Maison: 4 IL les a nourris; IL les a préservés de la famine; IL les a délivrés de la peur. Maintenant résumons ce texte, en tant que tel et avant de nous référer aux données de tafsir (exégèse, interprétation), pour voir quels sont les héros, les péripéties et les situations que nous pouvons y relever en tant que lecteur d'un récit littéraire. Le texte romanesque nous dit qu'il y a un groupe ou un rassemblement d'hommes, les "Gens de l'Éléphant", que leur stratagème a été retourné contre eux-mêmes, lorsque le Ciel a envoyé sur eux des formations d'oiseaux qui les ont bombardés avec des pierres d'une telle dureté que les corps des assaillants furent mis en pièces, et rendus pareils à des céréales mangées par les montures, et expulsées sous forme de crottin qu'elles ont piétiné. Tout ceci afin de préserver le Bienfait accordé par Allah à un peuple, en l'occurrence, les Quraych, lesquels avaient bénéficié d'un autre Bienfait divin, à savoir les caravanes commerciales d'hiver et d'été, qui leur permettaient de vivre dans la tranquillité, à l'abri de la faim et de toute menace de razzias des ennemis. Jusqu'ici, le lecteur de ce récit peut déduire que cette histoire se rapporte à un peuple (les Quraych) et à la Ka'ba à l'ombre de laquelle vit ce peuple. De l'apparence du récit, tout ce que le lecteur comprend se résume ainsi: il y a une attaque des ennemis (les Gens de l'Éléphant) qui visaient la Maison Sacrée et ils ont été anéantis; les Quraych ont eu la vie sauve en conséquence, et ont pu préserver leur vie économique à travers les caravanes d'hiver et d'été; ils devraient par conséquent, apprécier ces Bienfaits qu'Allah leur avait prodigués, et adorer le Seigneur de cette Maison, Qui les a mis à l'abri de la faim et de la peur. En dehors de ces éléments, le lecteur ignore tous les détails relatifs aux causes de l'attaque, à la détermination de l'identité des assaillants et du lien du personnage animal (l'éléphant) avec lesdits assaillants; de même qu'il ignore les détails relatifs aux caravanes d'hiver et d'été et au lien de ces caravanes avec la péripétie de l'attaque. Cependant l'ignorance de ces détails, n'empêche pas le lecteur de déduire la signification morale ou idéologique du récit, laquelle vise à attirer l'attention sur le fait que les Bienfaits d'Allah sont innombrables, qu'Allah est à l'affût de quiconque a la moindre velléité de porter atteinte aux lieux saints, et que ceux qui ont vécu sous l'égide de la Maison Sacrée ne doivent pas oublier ces Bienfaits.  

Cette signification (morale ou idéologique) se dégage avec d'autant plus d'évidence que le récit omet de présenter des détails techniques que les textes de tafsir se chargent d'expliquer et que le lecteur averti peut deviner en s'ingéniant à en rechercher les indices à travers les procédés artistiques de ce texte romanesque concis, comme nous allons le voir tout de suite. * * * Les textes de tafsir nous informent qu'Abraha qui était le Gouvernant éthiopien du Yémen avait décidé de détruire la Ka'ba en raison de sa foi tortueuse et pour d'autres motifs qu'il n'est pas utile d'introduire ici. Aussi marcha-t-il, à la tête de son armée dirigée par un éléphant - dont il vantait les mérites publiquement - sur la Mecque. Mais au lieu de se montrer à la hauteur des espoirs mis en lui, l'éléphant s'est couché et a refusé d'entrer dans la Ka'ba. Cette péripétie constitue le premier signe de l'échec de l'attaque. Cependant il y a une autre péripétie qui contrairement à la précédente, présente un indice du cheminement triomphal de la marche de l'ennemi, puisque d'après certains textes de tafsîr, il semblerait que les Quraych aient été terrifiés par cette marche, et qu'ils se soient réfugiés sur les sommets des montagnes en se disant: nous ne pouvons pas affronter ces gens (de l'éléphant). Une troisième péripétie a accompagné cette action militaire: l'armée des assaillants s'était emparée des chameaux de 'Abdul-Muttalib, lequel était resté, avec quelques autres, pour garder la Maison Sacrée. Aussi 'Abdul-Muttalib a-t-il demandé à Abraha de lui restituer ses chameaux, demande qui laissa une impression négative chez ce dernier, lequel lui dit à peu près ceci: «Je croyais que tu allais me demander de quitter la Ka'ba, mais tu me surprends en me réclamant quelque chose d'intérêt personnel. Là 'Abdul-Muttalib lui aurait répondu: «La Maison a Son Seigneur qui se charge de sa protection»(206). Cette réponse équivaut également à un indice de l'échec de l'attaque, puisque l'affaire est abandonnée désormais au Seigneur de la Maison. Il y a d'autres détails relatifs à l'assaut, à ses préliminaires et ses équivoques que les textes exégétiques mentionnent, mais dont nous nous passons, puisque seule leur valeur d'indices nous intéresse ici, car ces indices montrent d'une part que l'attaque s'était soldée par un échec et d'autre part que les Quraych n'ont pas contribué à la riposte de cette attaque, laquelle riposte consistait essentiellement en l'intervention divine qui a conduit à l'anéantissement des assaillants de la façon décrite par le récit. Il est à noter que ces détails rapportés par les textes d'exégète, mais omis dans le récit, n'influent pas sur les significations essentielles du récit, lequel y a fait brièvement allusion en se contentant 'évoquer les Quraych, la riposte à l'attaque et la prévenance du Ciel en général pour la Maison Sacrée et pour les gens qui vivent sous ses auspices. Toutefois, nous ne devons pas perdre de vue les significations des détails que nous avons rapportés à savoir: l'attitude de l'éléphant en se couchant, la réponse de 'Abdul-Muttalib à Abraha, la fuite des Quraych vers les sommets des montagnes etc., car tous ces détails indiquent que la "Protection du Ciel" tranche le problème à la base, et que cette Protection et les Bienfaits de la sécurité et du rassasiement accordés par Allah aux Quraych doivent être appréciés à leur juste valeur par ces derniers lorsqu'ils traitent avec Allah, surtout à une époque où la Mecque vit des événements et des épisodes relatifs au Message de l'Islam, (entre autre l'attitude des Quraych eux-mêmes vis-à-vis de ce Message) - annoncé par le Prophète Mohammad (P). Donc, les Quraych, et la nouvelle attitude vis-à-vis du Message de l'Islam est l'étape par laquelle se termine le récit, comme nous allons le voir. Le récit des "Gens de l'Éléphant" a débuté par la scène de l'échec de la Campagne d'Abraha contre la Ka'ba. Cet échec n'était pas dû aux prouesses de "héros humains" rendus sur-le-champ d'honneur pour riposter à l'agression, mais à des paumes, des ailes, des dents et des becs canins de "héros" appartenant à un genre particulier: les oiseaux. Signalons au passage que les oiseaux en tant que héros n'ont pas joué un rôle spécifique uniquement dans ce récit, mais avaient beaucoup de rôles variés dans d'autres récits aussi, notamment dans le récit de Dâwûd (David) et celui de Sulaymân (Salomon). Tantôt ils partagent avec les humains des pratiques d'adoration orales ou méditatives, tels que la glorification et la repentance, comme c'est le cas dans les récits de Dâwûd, tantôt ils exercent une activité de mise en valeur, politique ou militaire, comme c'est le cas dans les récits de Sulaymân, tantôt ils s'adonnent à ces différentes sortes d'activités conjointement avec les humains, comme c'est le cas dans les récits de Sulaymân, tantôt ils jouent leur rôle indépendamment des humains, comme c'est le cas dans le récit des "Gens de l'Eléphant". Dans ce dernier récit, les "héros" (les oiseaux) se sont dirigés vers le champ de bataille, sur ordre du Ciel. Le champ de bataille, ne se situait pas sur la terre, mais dans l'air. Ainsi, de même que les héros de la bataille n'étaient pas des humains, mais des oiseaux, de même leur champ de bataille n'était pas la terre mais l'air. Leurs armes également n'étaient pas des armes ordinaires ou familières, mais des armes étranges: les pierres. Donc nous sommes en présence de héros d'un genre particulier, d'armes d'un genre particulier et d'un champ de bataille d'un genre particulier, ... un genre étrange, étonnant et miraculeux. Et puisque tous les éléments de la scène sont d'un genre particulier, nous nous attendons à voir un spectacle, la bataille - à laquelle l'esprit n'est pas habitué et que les yeux n'ont pas vue. Une bataille excitante qui nous pousse avec une curiosité avide et un désir ardent à en connaître les détails qui s'annoncent spectaculaires. Abordons donc ces détails. Ces héros sont des oiseaux, comme nous l'avons dit, mais sous quelle forme militaire se trouvaient-ils? Le récit nous dit: «IL a envoyé contre eux des bandes d'oiseaux». Des bandes d'oiseaux! Cela signifie que les oiseaux s'étaient avancés vers le champ de bataille par fournées et formations. Là, le lecteur peut faire travailler son imagination pour se représenter la formation militaire des oiseaux, car le simple rassemblement d'oiseaux dans l'air pourrait paraître un spectacle familier aux yeux! Certains des hommes de 'Abdul-Muttalib avaient vu les avant-gardes de cette riposte aérienne à l'agression, selon certains textes de tafsîr. En effet, ces textes rapportent: 'Abdul-Muttalib avait demandé à l'un de ses partisans: «Escalade la montagne et regarde. Est-ce que tu vois quelque chose!». «Je vois une tache noire au-dessus de la mer», répondit le partisan. «Est-ce que tu la vois distinctement?», demanda encore 'Abdul-Muttalib. «Non, mais je vois de mieux en mieux», dit l'observateur. Et lorsque cette tache se rapprocha, il dit: «C'est une multitude d'oiseaux». Ainsi, les avant-gardes de la formation assaillante avait paru sous forme d'une bande noire venant du côté de la mer, et lorsque cette forme noire s'était approchée du champ de bataille, d'aucuns l'ont vue clairement et ont su qu'ils s'agissait d'oiseaux. Il reste que ces oiseaux n'étaient pas ordinaires à en juger par leurs traits extérieurs. Ils avaient des formes distinctives. En effet, selon quelques textes de tafsîr: «C'étaient des rangées d'oiseaux, venant du côté de la mer. Leurs têtes ressemblaient aux têtes des bêtes féroces et leurs ongles revêtaient l'aspect des ongles des bêtes féroces». Cette description de l'aspect extérieur indique que ces "héros" avaient été choisis de sorte qu'ils correspondent aux traits d'un héros qui se prépare à s'engager dans la bataille. Un héros humain se caractériserait par ses muscles développés, de même les héros des oiseaux. Leurs têtes et leurs ongles ressemblaient à celles des rapaces, ce qui laisse percevoir qu'ils sont des oiseaux d'une classe particulière, la classe des héros. Cette apparence physique impressionnante correspond à la bataille terrible qu'ils devraient livrer. Ceci concerne le physique des oiseaux. Maintenant, ce qui nous intéresse c'est leur façon de se battre: leur champ de bataille (l'air), le type d'armement utilisé: les pierres, le mode d'utilisation de l'armement dont ils disposaient. Nous avons dit que les armements dont les héros-oiseaux étaient dotés consistaient en des pierres: «Ils leur lançaient des pierres d'argile». De même que les héros étaient d'un genre particulier, "des oiseaux", et que leur apparence était particulière, celle des rapaces, de même leur armement était d'un type particulier, des sijjîl, des pierres étrangement dures, pas n'importe quelles pierres. Selon les textes exégétiques, chaque oiseau portait trois pierres: une dans le bec et une dans chacune de ses deux pattes. Tous ces détails suggèrent que le transport de l'armement avait été organisé à la perfection: l'oiseau vole avec ses ailes, lesquelles sont le moyen de son mouvement, alors que les trois autres parties de son corps disponibles portaient, chacune, une pierre. Tous les moyens de l'oiseau auront donc été mobilisés au service de la bataille. L'oiseau jette d'un seul coup sa munition sur l'ennemi, et poursuit son vol. Les textes de tafsîr ajoutent que la taille des pierres était celle d'une lentille, mais d'une dureté surprenante. Ce qui capte l'attention ici, c'est l'efficacité de l'arme utilisée, arme qui suscite l'étonnement et inspire l'étrangeté(207), tout comme l'étrangeté des héros, de leurs traits, de leur champ de bataille et de leur façon de transport de l'armement. En effet, les textes de tafsîr nous informent que ces pierres tombaient sur les têtes ou les corps de l'ennemi et les transperçaient, les traversaient d'un bout à l'autre. Selon certains autres textes de tafsîr, l'efficacité incroyable de cet armement s'expliquait par une autre propriété qu'il possédait, celle de faire tomber par parcelles la chair de l'ennemi, progressivement, comme la variole. Lorsque la pierre touchait l'ennemi, celui-ci éprouvait la sensation de démangeaison, se grattait le corps, et la chair se mettait à tomber en se disséminant. Donc l'efficacité de cette arme demeure synonyme de l'étrangeté et de la singularité: la pierre est pareille à une lentille, mais d'une dureté extraordinaire. Lorsqu'elle tombe sur la tête, elle agit comme une flèche, en la transperçant. Ou bien elle est très brûlante et très piquante, provoquant chez l'ennemi une démangeaison qui le pousse à se gratter, et sa chair ne tarde pas à se disloquer et à s'éparpiller. La propriété chimique d'une telle arme relève du Pouvoir du Ciel qui avait déposé dans les pierres leur effet chimique et rappelle tous les autres Pouvoirs divins illimités qui sont à l'affût de quiconque se permettrait de s'attaquer à la Maison d'Allah. Ce qu'il importe de souligner ici, c'est l'homogénéité (l'uniformité ou l'harmonie) artistique qui prévaut dans les différentes composantes du récit: le type d'armement, le mode de son transport, le genre des héros et leurs traits, la méthode de combat et son efficacité, comme nous l'avons vu jusqu'ici et comme nous allons le voir dans les parties suivantes du récit. * * * La première partie du récit des "Gens de l'Éléphant" se termine par l'anéantissement total de l'ennemi grâce à la riposte des héros-oiseaux. Et nous avons déjà dit que l'ennemi a été exterminé de l'une des deux manières suivantes selon les différents textes de tafsîr: 1- Les pierres transperçaient leurs corps et les traversaient d'un bout à l'autre; 2- La variole et la dislocation de la chair à la suite du grattage du corps suscité par la démangeaison que provoquait l'effet chimique des pierres.  

Quant au texte du récit, il se contente de nous informer qu'ils étaient devenus «semblables à des tiges de céréales qui auraient été mâchées». Cette figure littéraire ou image: «semblables à des tiges de céréales qui auraient été mâchées» n'est pas une simple structure littéraire fondée sur l'élément de comparaison, mais un symbole riche en significations, qui révèle la manière dont l'ennemi a été exterminé. C'est un fait notoire dans le domaine de l'art romanesque que l'élément "image" sous toutes ses formes (comparaison, métaphore, métonymie et tous les éléments de la rhétorique dont le "symbole" dans son acceptation moderne) n'est plus (selon les critères de l'art contemporain) le domaine réservé de la poésie. Le roman moderne commence à emprunter ces éléments de la poésie pour formuler les idées romanesques, au point que certaines nouvelles modernes sont conçues totalement selon l'élément "image" et que le roman paraît du début à la fin comme une chaîne d'images successives semblables à un poème. En tout cas, le récit des "Gens de l'Éléphant" a adopté l'élément de l'image poétique pour décrire la fin de l'ennemi, visant par ce procédé artistique à souligner les détails les plus précis de la défaite. Et que l'anéantissement de l'ennemi fût le fait du transpercement des corps de cet ennemi par les pierres, ou la conséquence de la dislocation de leurs chairs provoquée par la variole des pierres, le résultat reste le même: l'anéantissement physique d'une façon particulière, en l'occurrence la dislocation et la dissémination de leurs corps progressivement ou d'un seul coup, soit par le transpercement soit par le grattage. Mais examinons plus profondément les significations et la force de l'image: «semblables à des tiges de céréales mâchées» ou «rendus semblables à de la paille mangée et excrétée», qui décrit la fin de l'ennemi, car elle est très révélatrice des éléments du sujet dont nous traitons. Que peut signifier cette image qui compare la dislocation et la dissémination des corps de l'ennemi à une paille que les bêtes auraient mangée et excrétée, et qui a été par la suite piétinée jusqu'à ce qu'elle fût disséminée ça et là? Nous savons que le critère de la beauté et de l'excitabilité de l'image poétique est sa capacité de mettre en évidence ce qui est commun dans ses deux extrémités et qui est plus révélateur et plus expressif de l'objectif visé par elle (l'image), d'une part, et que sa structure doit se caractériser par l'originalité, la nouveauté et la créativité, d'un côté, et être familière à l'esprit, de l'autre. Si cette structure n'est pas familière à l'esprit, c'est-à-dire si elle est ambiguë ou entourée de brouillard par exemple, ou encore, si elle n'est ni nouvelle, ni originale ni créative, en un mot, si elle est usée et banale, dans tous ces cas l'image poétique se dévalorise.  

Ceci dit, si nous revenons à l'image dont il est question «IL les a rendus semblables à une paille mâchée et excrétée», nous constaterons qu'elle réunit tous les ingrédients requis dans la conception d'une bonne image artistique, et même va au-delà. Car, tout d'abord, c'est une image familière à l'esprit, une image que tout le monde a l'occasion de voir, notamment à la campagne, la paille que les montures mangent et excrètent, et qu'on piétine au point qu'elle se répande dans les sentiers, les gens le voient couramment et cela ne nécessite pas un travail de l'esprit pour se le représenter. Quant à l'originalité et à la nouveauté de cette image artistique, elle est évidente, puisqu'une telle image consiste à représenter une chose de semblable à une autre chose sans qu'il y ait d'élément introduisant formellement une comparaison. Y a-t-il quelque chose de plus original et de plus nouveau que cette image qui établit une comparaison entre la dissémination de la chair des ennemis et celle de la paille mangée et expulsée sous forme d'excrément parsemé à force de piétinement? L'importance de l'image «la paille... » dans le récit des "Gens de l'Éléphant" tient au fait qu'elle dessine le portrait de quiconque tente de s'attaquer aux Lieux Saints et aux Maisons d'Allah. Les ennemis d'Allah ont eu les cadavres disséminés sous l'effet des pierres lancées par les hérosoiseaux. Si nous retenons le tafsîr qui avance que les pierres lancées sur les corps de l'ennemi, les piquaient de manière à provoquer chez les victimes le besoin impérieux de se gratter, et que ce faisant, la chair se mettait à tomber par terre (comme les parties de l'excrément parsemées à la surface de la terre), nous comprenons alors l'importance de cette image: les deux images ont ceci en commun que chacune d'elles - la chair parsemée et l'excrément parsemé - se caractérise par la flaccidité, et la mauvaise odeur qui s'en dégage, et chacune d'elles représente une même fin immonde: la fin immonde de la paille excrétée et la fin immonde des ennemis d'Allah. L'immondice de la paille excrétée est matérielle, visible à l'oeil, expulsée à l'extérieur, alors que l'immondice des ennemis d'Allah, est intérieure, celle de l'âme, et représente tout d'abord le combat contre Allah (et quelle immondice pourrait être plus dégoûtante que le combat de l'homme contre son Créateur!), et elle est ensuite le reflet de l'immondice intérieure (de l'âme) sur l'immondice du corps, lequel se transforme en chairs immondes, nauséabondes, altérées et disséminées. Naturellement, cette image est révélatrice d'autres significations (que nous avons omis d'aborder de crainte d'être long); mais le lecteur est invité à y méditer profondément pour relever les éléments d'analogie entre la paille excrétée et les chairs parsemées, leur insipidité, leur rejet à l'extérieur, leur piétinement, leur dissémination, leur mauvaise odeur, la laideur et l'altération qu'elles inspirent. Ce qui importe enfin, c'est que la signification idéologique ou morale de cette image tend à montrer clairement que les tyrans - de toutes époques et partout - subiront le même sort immonde (tôt ou tard) du fait même qu'ils se proposent de combattre Allah, le Message de l'Islam et les Bien-Aimés d'Allah.  

Il importe également que le lecteur prenne conscience de l'importance du rôle des procédés artistiques dans la révélation d'une telle signification idéologique, comme nous l'avons vu dans l'image «rendus comme une paille mangée et excrétée», ainsi que dans tous les éléments artistiques de la première partie du récit des "Gens de l'Éléphant". * * * La première partie du récit des "Gens de l'Éléphant" se termine par l'anéantissement de ces gens à la manière d'une paille mangée et excrétée, et la deuxième partie de ce récit est consacrée aux "Quraych". Le Ciel a anéanti les ennemis d'Allah, qui avaient voulu attenter à la Ka'ba, ce qui a permis aux Quraych de retourner dans leur foyer pour vivre en sécurité et reprendre leur commerce, après avoir fui vers les sommets des montagnes pendant l'assaut de l'armée abyssine. Le récit commence ainsi: 

«A cause du pacte des Quraych;  

De leur pacte concernant la caravane d'hiver et d'été! Qu'ils adorent le Seigneur de cette Maison; IL les a nourris; IL les a préservés de la famine; 

IL les a délivrés de la peur». Ce qui nous intéresse maintenant dans ce récit, c'est sa portée idéologique, ayant déjà expliqué sa signification artistique. Ce récit a été formulé alors que les Quraych traitaient d'une manière vile avec le Message de l'Islam, mobilisant toutes leurs forces et toutes leurs ressources pour combattre Mohammad (P) et son Message. La signification de ce récit est dans ce contexte tout à fait claire. Il rappelle tout d'abord aux Quraych un événement qu'ils avaient vécu à une époque pas très lointaine, puisque l'invasion abyssine avortée eut lieu la année même où naquit le Prophète Mohammad (P), ce qui signifie que les vieillards des Quraych se souviennent parfaitement de cette invasion. Il fait revenir à leur mémoire, ensuite, le sort abominable que les ennemis d'Allah ont connu après qu'ils eurent essayé de s'attaquer à la Maison d'Allah. Ainsi, le récit engendre dans l'esprit des Quraych et des Musulmans, contemporains du Message, des suggestions claires: il vise à dire aux Quraych: le Ciel qui avait envoyé contre les envahisseurs des bandes d'oiseaux, peut, à n'en pas douter un instant, faire la même chose contre le nouvel ennemi: les Quraych. Et il veut dire aux Musulmans: le Ciel qui avait anéanti l'ancien ennemi, peut annihiler le nouvel ennemi aussi, ce qui rassure les Musulmans et éloigne d'eux l'inquiétude qui pourrait les habiter relativement aux complots des Quraych contre l'Islam et ses tenants. Mais il est à remarquer que de même que le récit a mis l'accent sur deux phénomènes à cet égard: la nourriture et la sécurité: «Qu'ils adorent le Seigneur de cette Maison; IL les a nourris; IL les a préservés de la famine; IL les a délivrés de la peur», de même il a mis l'accent sur un point particulier: «la caravane d'hiver et d'été» en le liant à la nourriture et à la sécurité. La question qui se pose maintenant est de savoir quelle est l'explication de ce soulignement (du voyage d'hiver et d'été, la nourriture, la sécurité)? Selon les psychologues qui étudient les motivations ou les pulsions de la personnalité, la motivation de la nourriture et la motivation de la sécurité figurent parmi celles dont la satisfaction ne supporte aucun ajournement. En effet le besoin de nourriture se place en tête des besoins vitaux et le besoin de sécurité occupe le premier rang des besoins psychologiques (de l'âme). Cela signifie que le récit a choisi la plus forte motivation de la personnalité (la recherche de nourriture) et la plus forte motivation psychologique (la recherche de sécurité) pour en faire un rappel à ceux qui courent, en haletant, derrière la satisfaction de leurs motivations, et qui ignorent que les plus importantes de celles-ci, c'est-à-dire celles dont la satisfaction est impérieuse et inévitable, sont satisfaites effectivement. Pourquoi courir donc? Sans doute, c'est la course effrénée vers l'obtention de ce qui dépasse le besoin (ou la satisfaction d'un besoin purement personnel qui n'a rien à voir avec les besoins d'autrui ou les besoins définis par des principes) qui explique la conduite de ces gens anormaux qui cherchent en fait la domination, la supériorité, la possession, les plaisirs immédiats en général. La caravane d'hiver et d'été à laquelle le récit fait allusion constitue un indice artistique qui sert à rappeler les bienfaits célestes accordés à ces gens qui ont pris une position négative vis-à-vis de leur Bienfaiteur: le Ciel. Le récit n'évoque pas la nourriture en général, ni la sécurité en général, mais y fait la mention de la caravane d'hiver et d'été, ce qui laisse concevoir (sur le plan de la structure architecturale du récit) que la caravane est la clé principale de l'explication de tout. Le récit lui-même n'aborde pas ces détails, se contentant de parler de «la caravane d'hiver et d'été». L'explication romanesque ou artistique de ce silence que le récit a tissé autour de la caravane d'hiver et d'été comporte un trait esthétique plaisant que la fin du récit lui-même révélera. En effet lorsque le récit réclame l'adoration du Seigneur de la Maison (Lequel a protégé celle-ci contre l'invasion des Abyssins, préservé les Quraych de la famine et les a délivrés de la peur): «Qu'ils adorent le Seigneur de cette Maison ...», le lecteur est invité de nouveau à méditer sur l'allusion faite par le récit au "Seigneur de cette Maison" pour comprendre la profondeur artistique de cette allusion riche en indications que le lecteur peut lui-même déduire. L'évocation de la "Maison Sacrée" rappelle au lecteur que c'est cette Maison même que les Abyssins avaient tenté d'envahir lorsqu'Allah les a anéantis. La Maison Sacrée rappelle en même temps au lecteur qu'il s'agit de la même Maison à l'ombre de laquelle vivaient ces gens dont parle le récit en soulignant qu'ils bénéficient des bienfaits du Ciel, dont celui qui leur procure la caravane d'hiver et d'été. Mais la caravane d'hiver et d'été demeure encore entourée de flou dans l'esprit du lecteur. De quelle façon va-t-elle être signalée à l'attention de l'esprit? D'une manière artistique indirecte: le récit se termine par «Le Seigneur de cette Maison», qui «a nourri les Quraych, les a préservés de la famine et les a délivrés de la peur», de telle sorte que le lecteur déduise que la nourriture et la sécurité sont liées à «la caravane d'hiver et d'été». Donc, la caravane d'hiver et d'été que le récit a rappelée aux Quraych n'est que les données qui lui sont associées: les bienfaits de la nourriture dont ils étaient pourvus et les bienfaits de la sécurité et de la paix qui les mettent à l'abri de la peur. 

* * * Enfin, la mention des détails de la nourriture et de la sécurité ne comporte pas une nécessité romanesque, étant donné que le but romanesque est le rappel des bienfaits et non leurs détails. De là, ce sont les textes de tafsîr qui se chargent de cette tâche secondaire et ils nous disent approximativement ceci, à ce propos: Le territoire Sacré est une terre stérile. Les Quraych vivent de leur commerce extérieur. Le Ciel a assuré à ce territoire deux caravanes: une pendant l'hiver, à destination du Yémen, à cause du climat chaud de cette région; l'autre pendant l'été, à destination de la Syrie, à cause du climat frais de cette région. Ceci concernant le besoin en nourriture. Quant au besoin de sécurité, les textes de tafsîr indiquent à ce propos que le Ciel a insufflé le sentiment de révérence envers la Maison Sacrée dans les coeurs des gens. C'est pourquoi, personne n'osait s'attaquer à ces caravanes dès lors que les responsables de celles-ci annoncent «nous sommes les gens de la Maison d'Allah». Même à l'intérieur de la Presqu'île Arabe, un habitant de la Mecque, s'il est capturé, on le libère et on lui rend ses biens, pour la même raison. Moralité, le rappel de ces bienfaits (de la façon artistique présentée par le récit) explique la signification du récit, lequel vise à attirer l'attention - non pas d'un peuple en particulier, mais de toute l'humanité d'hier et de demain - que les bienfaits d'Allah sont innombrables et qu'il est nécessaire que les gens les apprécient et les estiment, autrement, Allah a le Pouvoir d'en priver quiconque tente de porter préjudice au Message de l'Islam, et même de l'anéantir, comme furent anéantis avant, ceux qui avaient été plus puissants.  

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Notes 1. Les sept Sourates dites les Hawâmîm (qui commencent par les initiales H.M.) sont: 1- Sourate 40, Al-Mo'min (Le Croyant), 2- Sourate 41, Fuççilat (Les Versets clairement exposés), 3- Sourate 42, Al-Chourâ (La Délibération), 4- Sourate 43, Al-Zokhrof (L'Ornement), 5- Sourate 44, Al-Dokhân (La Fumée), 6- Sourate 45, Al-Jâthiyah (Celle qui est agenouillée), 7- Sourate 46, Al-Ahqâf. 2. Hâ', Mîm: sont les noms respectifs de la 5e et 22e lettres de l'alphabet arabe ( les consonnes H et M). 3. Voir: "Le Coran", Essai de traduction de l'arabe, annoté et suivi d'une étude exégétique par Jacques Berque, éd. Sindbad, Paris 1990, pp. 503-509. 4. "Majma' al-Bayân il-'Ulûm al-Qor'ân" d'al-Tabrasî, Tom.8, pp. 465-466. 5. Versets 23 - 25 6. Verset 25 7. Verset 25 8. Verset 26 9. Verset 26 10. Verset 27 11. Verset 27  

12. Verset 23 13. Verset 28 14. Versets 28 - 29 15. Verset 29 16. Verset 28 17. Verset 29 18. Versets 30 - 33 19. Versets 34 - 35 20. Verset 34 21. Verset 36 22. Verset 35 23. Versets 38 - 39 24. Verset 29 25. Versets 41 - 44 26. "Les premiers à avoir cru et obéi à Allah", Sourate al-Wâqi'ah (L'Echéant) 56, verset 10 27. Sourate "L'Echéant" 56, verset 10 28. Verset 41 29. Verset 44 30. Verset 44 31. Verset 45 32. Verset 28 33. Verset 29 34. Verset 28  

35. Verset 44 36. Verset 45 37. Verset 45 38. Verset 44 39. Verset 45 40. Verset 41 41. Verset 44 42. Verset 44 43. Verset 46 44. Verset 46 45. Versets 47 - 48 46. Versets 49 - 50 47. Verset 47 48. "Le Coran", Essai de traduction de l'arabe annoté et suivi d'une étude exégétique, par Jacques Berque, Éditions Sindbad, Paris, 1990, p. 582. 49. Voir: "Majma' al-Bayân Li-'Ulûm-il-Qor'ân" d'al-Tabrasî, Sourate "Al-Rahmân". 50. Voir: "Majma' al-Bayân Li-'Ulûm-il-Qor'ân" d'al-Tabrasî, Sourate "Al-Rahmân". 51. Voir: "Majma' al-Bayân li-'Ulûm-il-Qor'ân" d'al-Tabrasî, Sourate "Al-Rahmân". 52. Versets 46 - 48 53. Versets 62 - 64 54. Il est à noter que les Ahl-ul-Bayt (p) sont les seuls interprètes ou exégètes incontestables du Noble Coran, du fait que le Prophète (P) les a liés indissociablement au Livre d'Allah dans le célèbre Hadith al-Thaqalayn: «Je vous (s'adressant aux Musulmans) laisse derrière moi Deux Poids: le Coran et Les Gens de ma Maison (Ahl-ul-Baytî); ils ne se sépareront jusqu'à ce qu'ils reviennent à moi auprès du Bassin (au Paradis)». Ndt 55. «Il y aura deux Jardins destinés à celui qui redoutait le lieu où se dressera son Seigneur» (verset 46) 56. Verset 60 57. Verset 48 58. Verset 50 59. Verset 52 60. Verset 54 61. Verset 56 62. Verset 58 63. Verset 62 64. Verset 64 65. Verset 66 66. Verset 68 67. Verset 70 68. Verset 76 69. Verset 48 70. Hamidullah 71. Verset 64 72. Jaques Berque 73. La Présidence Générale des Directions des Recherches Scientifiques Islamiques, de l'Ifta, de la Prédication et de l'Orientation Religieuse. 74. Hamidullah 75. Verset 50 76. Verset 66 77. Verset 62 78. Verset 68 79. Verset 54 80. Verset 76 81. Verset 76 82. Jacques BERQUE 83. Hamidullah 84. La présidence Générale des Directions des Recherches Scientifiques Islamiques, de l'Ifta, de la Prédication et de l'Orientation Religieuse 85. Verset 54 86. Verset 76 87. Verset 76 88. Verset 56 89. Verset 58 90. Verset 70 91. Verset 72 92. Verset 74 93. Verset 58 94. Verset 56 95. Verset 70 96. Verset 72 97. Non-mahram: quelqu'un qui ne soit pas un proche parent avec lequel la femme n'a pas le droit de se marier: père, frère, grand-père etc. 98. "Le Coran", Essai de traduction de l'arabe annoté et suivi d'une étude exégétique par Jacques Berque, Sindbad, Paris 1990, p. 588.  

99. "Al-Amthal": Essai d'exégèse du Coran, par Cheikh Naçir Makârim al-Chîrâzî, Vol, 17, Sourate al-Wâqi'ah, p. 410. 100. Id. Ibid. Voir aussi: "Khiçâl al-Sadûq", 4ème Partie, hadith 10. 101. "Majma' al-Bayân" d'al-Tabrasî, vol.9, p.212, cité par "Al-Amthal", op.cit., p. 411. 102. Versets 10 - 14 103. Principe selon lequel l'Homme a été choisi pour représenter Allah sur la Terre. Voir Sourate 2, verset 30; Sourate 38, verset 26; Sourate 6, verset 165; Sourate 10, verset 14. NDT. 104. Versets 15 - 16 105. Verset 17 106. Versets 17 - 19 107. Versets 20 - 21 108. Verset 20 109. Verset 19 110. Versets 25 - 26 111. Verset 24 112. Versets 26 - 26 113. Sourates 27 - 38 114. Sourate "Les Fraudeurs" 83, verset 35 115. Sourate "L'Échéant" 56, verset 34 116. Sourate "Celle qui Enveloppe" 88, verset 16 117. Sourate "Le Mont" 52, verset 20 118. Verset 28 119. Verset 29 120. Verset 30  

121. Verset 31 122. Verset 32 123. Verset 34. 124. Verset 45 125. Versets 41 - 43 126. Versets 52 - 53 127. Versets 54 - 55 128. "Majma' al-Bayân il-'Ulûm al-Qor'ân" d'al-Tabrasî, Tom. 10, p. 89. 129. Id. Ibid. 130. Verset 10 - 11 131. Verset 17 - 20 132. Verset 10 133. Verset 12 134. Verset 10 - 12 135. Verset 17 136. Verset 19 - 20 137. Verset 17 - 18 138. Verset 21 - 25 139. Verset 24 140. Verset 26 - 27 141. Verset 12 142. Verset 28 143. Verset 29  

144. Verset 30 145. Verset 31 146. Verset 32 147. Les Prophètes "ulû-l-'azm" sont: Noé, Abraham (Ibrâhîm), Moïse (Mûsâ), Jésus ('Îsâ), Mohammad (P). 148. "Tafsîr al-Amthal" de Cheikh Nâçir Makârim Chîrâzî, Tom. 19. 149. Verset 1 150. Versets 2 - 3 151. Verset 4 152. Versets 5 - 6 153. Verset 7 154. Versets 8 - 10 155. Versets 11 - 12 156. Versets 13 - 14 157. Versets 15 - 16 158. Versets 17 - 18 159. Versets 19 - 20 160. Verset 17 161. Verset 18 162. Idem. 163. Versets 21 - 24 164. Verset 21 165. Verset 22 166. Verset 23  

167. "Al-Amthal fî Tafsîr Kitâb-illâh al-Monazzal", Cheikh Nâçir Makârim Chîrâzî, Vol. 19, p. 75. 168. Verset 1 169. Verset 2 - 3 170. Verset 4 171. Verset 5 172. Verset 6 -7 173. Versets 8 - 10 174. Verset 11 - 15 175. Verset 13 176. Verset 13 177. "Al-Mîzân fî Tafsîr al-Qor'ân", d'al-Allâmah Sayyed Mohammad Hussein al-Tabâtabâ'î, Tom. 20, p. 132. 178. Versets 5 - 11 179. Versets 11 - 12 180. Versets 7 - 11 181. Verset 9 182. Verset 10 183. Verset 7 184. Verset 9 185. Verset 10 186. Verset 7 187. Verset 9 188. Verset 10  

189. Verset 9 -10 190. Verset 5 - 6 191. Verset 11 - 12 192. Verset 13 - 22 193. Versets 5 - 6 194. Verset 16 195. Verset 17 196. Verset 18 197. Verset 21 198. Verset 14 199. Verset 13 200. Verset 20 201. Verset 21 202. Verset 19 203. Dans sa traduction du Noble Coran, Jacques Berque écrit à propos de ce texte: «Stylistiquement, le texte frappe par le cumul entre notations sensibles et concepts abstraits. Au pittoresque des mots rares et imagés, fait pendant la subtilité dans l'emploi des hâl (appositions dénotant un état) et des copules». Voir: "Le Coran" traduit par le Professeur Honoraire au Collège de France, Jacques BERQUE, pub.: éd. Sindbad, 1990, à Paris 204. Verset 27 205. Il y a deux autres versions moins retenues par les historiens, sur la date de naissance du Prophète (P), lequel serait né trente-trois ans après l'expédition de l'Eléphant, selon al-Kalabî, quarante ans après cet événement, selon Moqâtil.(Voir: "Majma' al-Bayân fî 'Ulûm al-Qor'ân" d'al-Tabrasî, Tom. 10, pp. 503-504. 206. A propos de cet épisode les textes exégétiques rapportent: Les avant-gardes de l'armée d'Abraha (dit Abû Yaksoum), étaient tombés sur du bétail appartenant aux Quraych, et s'étaient emparés de 200 chameaux qui revenaient à Abdul Muttalib Ibn Hâchim. Lorsque celui-ci apprit la nouvelle, il se rendit auprès de l'armée assaillante. Comme le chambellan d'Abraha était une vieille connaissance d'Abdul-Muttalib, il intervint auprès du Roi pour qu'il le reçoive, en lui annonçant: «O Roi! Le maître de Quraych (...) vient te voir». «Laisse-le entrer», fit Abraha. En voyant Abdul-Muttalib, qui était bel homme et corpulent, Abraha répugna à le laisser s'asseoir au pied de son lit. Et comme il n'aimait pas le faire s'asseoir à côté de lui sur son lit, il en descendit et s'assit à ses côtés par terre. Puis, il lui demanda: «Que désires-tu?» «Ce que je désire, ce sont mes 200 chameaux pris par les avant-gardes de ton armée», se contenta de répondre AbdulMuttalib. Abraha dit: «Par Dieu! Quand je t'ai vu, tu m'as plu, puis quand tu as parlé, tu m'as déplu!». «Mais pour quelle raison, o Roi!», demanda Abdul-Muttalib. «Parce que j'étais venu pour détruire la Maison (la Ka'bah), qui fait votre puissance, votre citadelle auprès des Arabes, votre supériorité sur les gens, votre honneur, votre religion et le lieu de votre adoration. Chemin faisant, je me suis emparé de 200 chameaux qui t'appartiennent. Or, lorsque je t'ai demandé ce que je pouvais pour toi, tu m'as parlé de tes chameaux, à toi, et non de votre Maison!» répliqua Abraha. «Evidemment, je te parle de mes propres biens. Quant à la Maison, elle a Son Seigneur qui la protège. Moi je n'y peux rien». Cette réponse impressionna Abû Yaksûm, lequel ordonna de restituer à Abdul Muttalib ses chameaux. 207. L'orientaliste Jacques Berques, écrit dans l'annotation de la traduction de cette sourate, à propos de ces pierres étranges dites sijjîl, selon l'expression coranique que ce terme qui «reproduit probablement le mot grec revient trois fois dans le Coran. La tradition montrait encore, à l'époque de Muhammad, les restes de cette grêle miraculeuse: des fragments noirs, mouchetés de rouge. Quoi qu'il en soit, ce qui pourrait être visé ici, outre l'effet d'étrangeté, c'est la fin d'une ère, désormais scellée». ("Le Coran..." traduction de Jacques Berque, op. cit, p. 698. 

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