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II-3-11 QUI ETAIT ALI NAQI AL-HÂDI (P) : 

Le dixième Imam est Ali Naqi, Al Hâdi, fils de Muhammad (P). Sa mère était une femme magrébine du nom de Dame Samana. 

L’Imam est né à Médine, le 5 Rajab, 214 A.H. 

Il fut le meilleur homme de son temps, un grand érudit et la quintessence de la grandeur, de la générosité et de la douceur. 

Il vivait dans une chambre très simple et passait la majeure partie de son temps à la lecture du saint Coran. Il est le dixième successeur du Prophète de l’Islam (P) et avait pour charge la protection de l’Islam de toute déviation et falsification. C’est pour cela que le calife sanguinaire de l’époque le garda toute sa vie en résidence surveillée dans un camp militaire (askar).Ainsi les contacts entre lui et ses adeptes étaient très réduits. A Médine l’imam Al Hâdi (P) était une référence incontestable pour les musulmans et c’est pour cela que le calife Al Moutawwakil le fit venir en Irak à Samarra. Mais la lumière de la guidance de l’imam était si forte que le calife ne pouvait l’éteindre. Il mourut empoisonné à Samarra, le lundi 3 Rajab, 245 A.H à l’âge de 42 ans. Il fut inhumé à Samarra où se trouve son mausolée. A l’époque de l’imam Al Hâdi la chirurgie n’était pas bien connue. Un des musulmans avait un fils qui était malade et le médecin lui conseilla la chirurgie. Ce qui fut fait mais l’enfant succomba à la maladie et la famille blâma le père d’avoir accepté l’opération. L’homme alla voir l’imam et lui raconta ce qui était arrivé. L’imam le rassura en lui disant qu’il n’avait fait que son devoir. Cet incident eu pour effet la réhabilitation de la chirurgie qui à l’époque ne se pratiquait que dans le monde musulman. Les faux dévots sévissaient beaucoup à l’époque de l’imam. Et sous prétexte d’ascétisme, ils prétendaient que la beauté de la nature peut dévier les musulmans de la voie de l’adoration de Dieu. Quant à l’imam recevant un jour une fleur d’un jeune garçon , il la baisa puis la posa sur ses yeux et dit : « Quiconque reçoit une fleur , puis la pose sur ses lèvres et sur ses yeux et dit ‘’allahoumma salli ‘ala Muhammad wa ali Muhammad (mon Dieu salue et béni Muhammad et la famille de Muhammad)’’ , alors Dieu lui écrit autant de bonnes actions qu’il y a de graines de sable dans le désert de Alej et efface pour lui autant de mauvaises œuvres » 

II-3-12 QUI ETAIT AL-HASSAN AL-‘ASKARI (P)35[35] : 

Le onzième Imam est Hassan al-‘Askari, fils de Ali (P). Sa mère est la Dame Haditha. L’Imam est né le lundi 8 Rabi’II, 232 A.H. Il mourut empoisonné le vendredi 7 Rabi’I, 260 A.H. Ses funérailles furent conduites par l’Imam Hujjat Al-Mahdi (P). Il fut inhumé près de son père à Sâmarrâ. 

Sa générosité, sa bienfaisance, sa dévotion et son humilité sont connues de tout le monde. Il était bien bâti physiquement et avait de beaux traits. Il était vénéré malgré son jeune âge. Il ressemblait au Prophète (P) par son caractère. Il était l’homme le plus savant de son temps. On dit que le nombre de personnes qui bénéficièrent de ses lumières scientifiques atteignit dix huit milles. Parmi eux on peut noter le célèbre philosophe Al Kindi (le professeur d’Al Farabi) qui brûla un de ses manuscrits après avoir reçu les remarques de l’imam (P). On rapporte d’Ismaël Ibn Muhammad le témoignage suivant : « Un jour j’attendais Abou Muhammad (p) (l’Imam Al-Askari). Lorsqu’il arriva à ma hauteur, je le conjurai de soulager ma détresse. Je jurai que je n’avais plus un dirham, et que je n’avais pas eu de petit-déjeuner ni de dîner. L’Imam me dit que je faisais un serment de parjure 

                                                            

35[35] Du 7ème au 11ème Imam, une partie du texte est tiré de « le Guide Islamique des enfants » traduit de l’anglais par Abbas Ahmad Al-Bostani édité en Août 88 en Iran par Daftar-e-nachr-e-farhange-e-islami.

au nom d’Allah et me reprocha à bon droit d’avoir caché cent dinars dans le sol. Il ajouta qu’il ne me dit pas cela pour trouver une raison de ne rien me donner. Puis il donna l’ordre à son serviteur de me verser cent dinars. » 

Un homme ayant entendu parler de la générosité de l’Imam, alla le voir. Il avait besoin de cinq cent dirhams. L’Imam lui donna les cinq cent dirhams dont il avait besoin, ainsi que trois cents autres dirhams en plus. 

Un jour à Samarra pendant une période de sécheresse alors que l’imam était en prison, les musulmans comme de coutume allèrent faire la prière pour obtenir la pluie mais en vain. Alors les chrétiens se réunirent et à la surprise générale la pluie se mit à tomber. Ce fut la confusion générale. Certains s’apprêtaient à se convertir au christianisme, doutant de la véracité de l’islam. C’est alors que le calife fit appel à l’imam Al Askari (P) qui leur dit de saisir ce qui se trouvait dans la main de l’évêque. L’ordre fut exécuté et l’on y trouva un os noirci. L’imam le prit et s’adressant aux chrétiens leur demanda de prier encore pour la pluie. Mais cette fois les nuages se dissipèrent rapidement. L’imam s’adressant alors au calife lui dit que ce prêtre avait passé par le tombeau d’un prophète (P) et avait déterrer un de ses os bénis et que chaque fois qu’un os de prophète (P) est mis à découvert , il pleut immédiatement. Les chrétiens aussi attestent que l’Imam était comme le Messie (Jésus) par ses bienfaits, ses connaissances et sa faculté d’accomplir des miracles. Il était un adorateur dévot, et on dit qu’il faisait des prières pendant la plus grande partie de la nuit. 

II-3-13 QUI EST AL MAHDI (P) : 

L’idée de l’avènement d’un messie36[36], est antérieure à la naissance de l’Islam. Elle est une aspiration à laquelle l’humanité a souscrit dans ses différentes religions et doctrines. Même le matérialisme dialectique qui explique l’histoire par les contradictions et croit à l’avènement d’un jour promis où elles disparaîtront pour laisser la place à la société idéale (la société communiste), y souscrit. 

Cette idée fait l’objet, bien entendu, de la croyance unanime de toutes les écoles juridiques islamiques. 

Les musulmans sont unanimes sur la vérité d’Al-Mahdi (P) : -sur le fait qu’il est de la famille du Prophète (P), -que Dieu le réformera en un jour ou en une nuit, -qu’il fera régner la justice et l’équité sur terre en un moment où celle-ci aura été remplie d’injustice et d’iniquité, 

-qu’il gouvernera sur la terre pendant sept ou neuf ans – selon les différents hadiths, -qu’il conduira l’humanité au bonheur alors qu’elle aura été assombrie dans la misère, -qu’il accueillira Issa Ibn Mariam (P), à sa descente, -que ce dernier priera derrière lui, 

                                                            

36[36] Selon la doctrine islamique Jésus est monté au ciel et il en redescendra vers la fin des temps.

-ainsi que bien d’autres indications mentionnées dans environ 339 hadiths de sources variées. Parmi ces sources, nous citerons Al-Majlissi et Al-Toùssi parmi les jafarites, Al-Safarini parmi les hanbalites, Al-Choukani parmi les Zaydites, ainsi que Siddiq Hassan Khan et Muhammad Ibn Al-Husseyn Al-Abiri. Tout ce que ceux-ci ont rapporté sur Al-Mahdi appartient aux conclusions des Imams37[37] des huit écoles de jurisprudence, et notamment les cinq les plus adoptées d’entre elles, celles de l’Imam Jaffar Çâdiq (Jafarite), de ses deux disciples Mâlik (Malikite) et Abû Hanîfa (Hanifite), d’Al-Chafi’i (Chafi’ite), d’Ibn Hanbal (Hanbalite). Quant aux fondateurs des trois autres écoles (Al-Imam Zayd (Zaydite), Abâdh (Abâdhite) et Daoud AlZahir (Zahirite)), il n’ont jamais pris, à notre connaissance, le contre-pied de cette vérité sur AlMahdi (P). 

Selon les enseignements de la sainte famille des Ahlul Bayt (P), il est le douzième et dernier Imam de la lignée des guides de la Umma choisis par Dieu, le Khutbou Zâmân (Pôle) de notre époque et devra réapparaître le moment venu pour accomplir sa mission comme decrite dans les hadiths. 

Le différend entre les croyants, rappelons-le, ne concerne pas l’essentiel, à savoir la venue d’un homme qui réformera la Oumma après une longue période d’injustice, de souffrance et de persécution. L’aspect prodigieux réside plutôt dans ce dernier aspect et non pas dans la longévité, il est vrai, exceptionnelle (1300 ans pour le moment) d’Al Mahdi (P). Il ressort après analyse que la doctrine des Ahlul Bayt (P) quoique plus immatérialiste et donc apparemment moins apte à passer l’expérience de la démonstration mathématique, est cependant plus cohérente et non moins défendable. 

Cohérente par rapport à la position de Pôle de notre époque qu’occupe Al Mahdi (PSL) avec la fonction de supervision de la Umma que cela induit. Le meilleur des superviseurs dans ce cas est celui qui connaît les réalités de ceux qu’il supervise mais aussi et surtout celui qui s’est abreuvé à la source de la connaissance Prophétique auprès des Imams gardiens de la pureté des enseignements du Prophète. Imam parmi les douze et ayant vécu toutes les déviations de la Umma, il pourrait être le mieux indiqué pour la sauver et la guider sur la voie de la perfection exécutant en cela un Ordre Miséricordieux de Dieu. Cette transformation du mystère futuriste en une réalité (l’existence effective du sauveur qui aspire au jour promis avec nous et parmi nous sans se manifester en public ni dévoiler sa vie aux autres) ramène l’idée d’Al-Mahdi (P) de l’avenir au présent.  

Non moins défendable et même démontrable si on se réfère à la solide et brillante démonstration scientifique qu’en a donné Sayyed Baqer Sadr dans sa célèbre préface au livre de son disciple et proche parent Sayyed Muhammad Al-Sadr sur l’Imam Al Mahdi (P). Nous allons tenter – avec tous les risques que comporte une telle action – de vous en résumer les principaux points. 

Il note tout d’abord que l’incarnation de l’idée d’Al Mahdi (P) dans la personne de l’Imam Muhammad Al-Mahdi (P) soulève une série d’interrogations et un certain scepticisme chez beaucoup de musulmans. Ensuite il regroupe ces interrogations dans un ensemble de sept questions principales auxquelles il s’applique à répondre avec une méthodologie scientifique qu’aucun esprit rationnel ne saurait contester. Démontrant ainsi que ce qui semble d’ordinaire 

                                                            

37[37] De l’Ijtihad absolu pour les distinguer des autres Maîtres d’écoles de niveau inférieur (moujtahid).

inconcevable – la longévité plus que millénaire d’Al-Mahdi (P) – est scientifiquement possible et logiquement plausible à la suite d’une analyse scientifique et d’un examen minutieux du prodige. Pour montrer, par exemple, le comment de la longévité exceptionnelle du Mahdi (P), il commence par expliquer que la sphère de la possibilité logique (ou philosophique) contient celle de la possibilité scientifique qui, à son tour contient celle de la possibilité pratique. Exemple 1 : il est impossible de diviser 3 oranges en 2 parties égales et sans fraction. Puisque 3 est impair et ne saurait donc être en même temps pair (divisible par 2) alors cette situation de division est une contradiction or la contradiction est logiquement impossible. Exemple 2 : il n’est pas impossible, selon la logique de traverser le feu et ou monter au soleil sans se faire brûler par la chaleur car la chaleur peut passer logiquement du corps le plus froid vers le corps le plus chaud ou vice-versa. Cependant la réalité scientifique est que c’est seul le sens chaud vers froid jusqu’à l’équilibre des températures qui est possible. Voilà donc une réalité logiquement possible (monter au soleil) mais scientifiquement impossible. Car il est impossible de concevoir une cuirasse assez solide pour atteindre la chaleur suprême du soleil. Exemple 3 : aller sur Vénus (nettement plus éloignée de la Terre que la Lune et proche du Soleil) est par contre logiquement et scientifiquement possible mais sans l’être au plan pratique à ce jour. 

Alors Baqer Sadr trouve qu’une longévité exceptionnelle, de plus de 1140 ans déjà, est logiquement concevable car la vie, en tant que concept, ne comporte pas une mort rapide, ce qui est indiscutable. 

Ensuite, il affirme qu’une telle longévité quoique impossible sur le plan pratique et au plan des moyens scientifiques actuels, reste possible et envisageable en théorie sur le plan scientifique. En effet, sur le phénomène de la sénilité et de la vieillesse chez l’homme deux points de vue existent : ce serait une loi naturelle inhérente aux cellules et aux tissus vivants qui porteraient le germe de leur mort inévitable qui passe par la vieillesse et la sénilité pour finir dans la mort. Autre point de vue : le phénomène résulterait de la lutte entre le corps et des facteurs extérieurs tels que les microbes ou l’empoisonnement, conséquences d’une nutrition excessive, d’un travail excessif ou d’autres facteurs. Pour ce second point de vue la longévité extraordinaire du Mahdi (P) est scientifiquement envisageable car il suffirait de mettre le corps à l’abri de ces facteurs extérieurs permettant ainsi aux tissus du corps de parvenir à vivre, à survivre au phénomène et à le vaincre définitivement. « Pour le premier point de vue, poursuit Baqer Sadr, rien ne nous empêche d’envisager que cette loi est flexible car dans notre vie ordinaire nous constatons des cas de personnes âgées possédant des membres en état de jeunesse. Ce qui a d’ailleurs amené des savants à profiter de cette flexibilité de la loi de la vieillesse pour prolonger la vie de certains animaux des centaines de fois leur longévité ordinaire, en créant des conditions et des facteurs qui retardent l’effet de la loi. » 

« Même s’il reste vrai que l’expérience scientifique n’a pu à ce jour s’appliquer à l’homme, on peut conclure que la prolongation de la longévité humaine de plusieurs siècles est possible logiquement et scientifiquement, bien qu’elle ne le soit pas encore sur le plan de l’application, mais que l’application scientifique s’achemine vers la réalisation de cette dernière possibilité à long terme. »

Dés lors « l’étonnement et l’interrogation que soulève la question de l’âge du Mahdi (P) n’ont aucune raison d’être car ce n’est pas dans ce domaine seulement que l’Islam dépasse le mouvement scientifique. » 

« Le rôle exceptionnel de Sauveur Attendu dévolu au Mahdi (P), chargé qu’il est de transformer le monde et de reconstruire sa structure de civilisation, est à la hauteur des phénomènes extraordinaires et inhabituels qui l’accompagnent. » Baqer Sadr note d’ailleurs une surprenante « coïncidence : les deux seuls hommes chargés de vider l’humanité de son contenu corrompu et de la reconstruire sont dotés d’une longévité sans commune mesure avec la nature. Le premier, c’est Noé à propos de qui le Coran dit qu’il prêcha 

« mille moins cinquante ans » (donc il vécu plus longtemps) parmi son peuple et qu’il a pu grâce au Déluge reconstruire le monde. Le second, Al Mahdi (P), a vécu jusqu’à présent plus de mille ans parmi son peuple et devra également reconstruire le monde. » Pourquoi accepter l’un et refuser l’autre ? 

Enfin, il nous rappelle encore que « lorsque Ibrahim fut jeté au feu : « Nous dîmes : « Ô feu, sois sur Abraham, froidure et sécurité » ; et il en est sorti indemne. Beaucoup d’autres lois naturelles ont été suspendues pour protéger la vie des prophètes et des apôtres de Dieu sur la terre. C’était le cas lorsque Dieu a fendu la mer pour Moïse, ou lorsqu’il a fait croire aux Romains qu’ils avaient arrêté Jésus alors qu’ils ne l’avaient pas fait, ou lorsqu’il a sorti le Prophète Muhammad (P) de sa mission à l’insu de ses ennemis Quraychites qui cernaient cette maison et le guettaient avec vigilance, en attendant le moment propice pour l’attaquer. Tous ces exemples traduisent la suspension des lois naturelles en vue de protéger quelqu’un dont la Providence veut préserver la vie. 

Que la loi de la vieillesse soit rangée parmi ces lois. » Après l’unanimité (basée sur des hadiths du Prophète) qui existait sur la question d’Al-Mahdi (P) jusqu’à la fin du 3e siècle de l’Hégire, les penseurs musulmans se sont divisés en deux groupes face à la question : ceux, heureusement largement majoritaires, qui croient fermement qu’Al-Mahdi (P) réapparaîtra le moment venu. Ils se fondent sur des hadiths du Prophète, celuici étant un homme véridique dont les paroles sont certitudes. Pour eux point n’est besoin de preuves ou d’arguments pour y croire, il s’agit d’une certitude à laquelle ils croient comme si elle se réalisait sous leurs yeux. 

A l’opposé, il y a ceux – très minoritaires, Dieu merci – qui renient tout simplement ce prodige ainsi que d’autres prodiges similaires. Pour ces incrédules, matérialistes à souhait, qui croient à une partie du Livre en en rejetant l’autre, seule compte la logique de leur propre raison. Ils ignorent qu’il existe une autre raison plus puissante : la raison de Dieu ou raison canonique selon l’expression du Dr Hamid Afni Daoud38[38] ; elle qui a la faculté de marier l’instrumental (qui relève des textes sacrés) et le rationnel. 

Ils se privent alors des certitudes, par lesquelles Dieu a voulu distinguer notre Umma des autres nations aux dires mêmes du Sceau des Prophètes, Al Mustapha, l’Elu et le Bien-aimé (P) : « Aucune autre Umma n’a reçu autant de certitude que la mienne. » 

                                                            

38[38] Dans son Avant-propos à la célébre préface de l’Imam Baqer Sâdr destinée à un grand ouvrage de Sayyed Muhammad Al-Sadr sur l’Imam Al-Mahdi (P).

Avec les éblouissants progrès scientifiques de notre époque moderne, ces tenants d’une certaine idéologie pseudoscientifique39[39] ont perdu encore plus la chance de comprendre encore moins de croire à la métaphysique et à certains événements rapportés tantôt par le Coran tantôt par les hadiths. Quelque puisse être leur niveau de connaissances, ils oublient ou ignorent une vérité essentielle : le réel ne se limite pas à ce que peuvent appréhender nos sens.   

                                                             

39[39] D’une science qui se limite à l’expérimentation en laboratoire sur des objets déformables. Or la vraie science est d’abord et avant tout une démarche dont l’objet est bien au-delà du seul visible, palpable.




Chapitre III:  

La Succession 

 

Trois mois avant sa mort, le Prophète de l’Islam (P) venait de parachever notre religion à Ghadir Khom40[40] après son dernier pèlerinage à la Mecque, par ce verset : 

« Aujourd’hui j’ai parachevé pour vous votre religion et accompli sur vous mon bienfait. Et il m’agrée que l’Islam soit votre religion. » (Le Plateau servi, 5 : 3). Ainsi après avoir transmis aux hommes la Révélation Divine (le Coran) et effectué son pèlerinage d’adieu à la Mecque, il ne lui restait qu’à désigner le successeur que Dieu Lui-même avait choisi pour poursuivre Son œuvre de Salvation de Ses créatures. Ce qu’il fit à Ghadir Khom avant de conclure par ce fameux verset que nous venons de citer. Il est donc clair que le Prophète (P) devait quitter ce monde une fois et seulement une fois sa mission accomplie. Et aussi que Dieu, toujours dans Son Amour illimité pour Ses créatures, avait laissé aux hommes la voie libre pour garder le cap vers la Société de l’Unicité Divine en leur désignant les deux poids auxquels il fallait s’accrocher pour ne pas se perdre : le Livre de Dieu et la Descendance41[41] du Prophète (P) à commencer par l’Imam ‘Ali Ibn Abi Taleb (P). Le libre arbitre et la faiblesse de l’homme devant l’attrait du pouvoir vont déjouer ce grand dessein à travers une bataille pour la succession qui n’aura une fin que dans l’éclatement de la Communauté Islamique en une constellation de petits groupes et surtout l’éloignement de la seule Voie que tous reconnaissent comme véridique, celle de la Descendance du Prophète (p).     

I- LE TESTAMENT DU PROPHETE :

Recommandation divine 

Dieu dit : 

«Quand la mort s’approche de l’un de vous, s’il laisse du bien, le testament vous est prescrit en faveur des pères et mères et des proches, selon l’usage. C’est un devoir pour les pieux.  

Donc quiconque l’altère après l’avoir entendu, alors le péché pèse sur ceux qui l’ont altéré. Dieu entend, vraiment, Il sait. 

Mais quiconque craint d’un testateur quelque injustice ou péché, et les réconcilie, alors, pas de péché sur lui. Dieu est Pardonneur, vraiment, Miséricordieux ! » (Baqâra, 2 : 180 à 182) 

                                                            

40[40] Voir l’histoire de Ghadir Khom dans les commentaires de la preuve 11 du chapitre sur les preuves. 41[41] Certains musulmans avancent à tort qu’il s’agit de la Tradition (Sunna) du Prophète (p) et non de sa Descendance. Quand on sait que les trois premiers Califes (Abu Bakr ‘Umar et Usman) avaient interdit d’écrire la Sunna du Prophète (p) de peur qu’on ne la confonde avec le Coran – Omar avait même décrété que « le Livre de Dieu nous suffit.» – on ne peut soutenir qu’on puisse fonder sa foi sur ce qu’on refuse d’écrire et qui n’a aucun autre véhicule de transmission fiable; contrairement à la Descendance du Prophète (p) qui, elle, se perpétuera, In Challah, jusqu’à la fin des temps.

Le Prophète (P), Meilleur des hommes, Reflet de la perfection divine, ne pouvait déroger à la règle, laissant sa Communauté sans testament donc sans successeur, surtout quand on sait l’importance et la valeur de son héritage. 

Le Prophète (p) a effectivement laissé des choses que personne n’a laissées et celles-ci exigent un testament. Nous savons qu’il a laissé la religion d’Allah à son premier stade et dans sa première jeunesse, ce qui rend le légataire plus important encore que s’il y avait de l’or ou de l’argent, une maison ou un terrain, un labour ou des bêtes. La nation toute entière a besoin du légataire qui remplace le Prophète (P), qui s’occupe de ses problèmes, qui administre les affaires de ce monde et de la religion et soit le garant de la continuité dans le droit chemin de Dieu. Il est de ce fait impossible, tant sur le plan de la Loi de Dieu (le Coran) que sur celui de la raison pure et encore moins sur celui de la vérité historique, que le Prophète (p) n’ait laissé un testament à sa communauté.  

Dieu dit : 

«Ô Messager, communique ce qui a été descendu vers toi de la part de ton Seigneur; - si tu ne le faisais pas, alors tu n’aurais pas communiqué Son Message. Et Dieu te protégera des gens. Non, Dieu ne guide pas le peuple mécréant.» (Ma’îda, 5 : 67) Ainsi le Prophète (p) avait reçu de Dieu l’ordre de communiquer à son peuple le nom de son successeur. C’est ce qui amena le Prophète (p) à réunir son peuple expressément à Ghadir Khom dans les conditions que l’on sait pour lui annoncer solennellement son successeur et légataire : 

 « Vous croyez qu’il n’y a de dieu que Dieu, que Muhammad est Son messager et Son Prophète, le Paradis et l’enfer sont des vérités, que la mort et la résurrection sont certaines, n’est-ce pas ? » 

Ils répondirent tous : «Oui, nous le croyons !» Il les informa alors qu’il sera bientôt rappelé par son Seigneur, puis il prononça cette adjuration : 

« Celui dont je suis le Maître ‘Ali aussi est son Maître. Que Dieu soutienne ceux qui soutiennent ‘Ali et qu’il soit l’Ennemi de ceux qui deviennent les ennemis de ‘Ali. » 

‘Umar et Abu Bakr firent partie des premiers à féliciter l’Imam ‘Ali (P). ‘Umar le fit en ces termes : 

« Bakhin ! Bakhin ! (Bravo ! Bravo !) Tu es devenu le maître de tous les croyants et croyantes.» 

Le testament n’est-il pas le fait de confier certaines de ses affaires à un autre ? Si oui alors le testament fait à ‘Ali (P) par le Prophète (P) ne peut être nié, car il n’y a aucun doute qu’il lui a confié, après lui avoir légué la science et la sagesse, la tâche de le laver, de le préparer et de l’enterrer42[42] ainsi que d’acquitter sa dette, d’accomplir sa promesse, de libérer sa conscience, et de montrer aux gens le vrai, les lois et les règlements établis par Allah l’Exalté, lorsqu’ils seront dans la discorde. Il fit savoir à sa nation que ‘Ali (P) est son dirigeant après lui, 

                                                            

42[42] Dans Tabaqât de Ibn Sa’ad Page 61. « Le prophète a recommandé que personne d’autre que moi ne le lave », y dit Ali.

qu’il est son frère, le père de ses enfants et son ministre. Il est également son proche, son légataire, la porte de sa citadelle du savoir, la porte de sa maison de sagesse, la porte de la rémission de cette nation, sa sécurité et l’arche de son salut43[43]. Rappelons-nous que la première fois que le Prophète fit connaître solennellement le successeur que Dieu avait choisi pour lui remonte à l’appel à l’Islam44[44] que Dieu lui avait demandé de lancer à ses proches au tout début de la Révélation. Il n’a cessé, depuis lors, de rappeler ce testament jusqu’à l’heure de sa mort. Il a voulu, à cet ultime instant, écrire son testament à ‘Ali (P) pour confirmer ses promesses verbales. Il dit : « Apportez-moi de quoi vous écrire quelque chose qui vous empêcherait de vous égarer à jamais. » Ils se sont disputés alors qu’il faut éviter de le faire devant le Prophète (p), ils ont dit : le Messager d’Allah délire45[45] (yahjur, en arabe) – que cela déplaise à Dieu. Alors même que Allah dit dans le Saint Coran que le Prophète (P) ne délire jamais et que tout ce qu’il dit est fondé et doté de sens (voir chapitre sur l’Assama du Prophète (P). Il a alors compris, suite à cette parole, qu’il ne resterait trace de cette écriture que la sédition. Il leur ordonna : « levez-vous ». On peut se demander si ces compagnons se rappelaient en ce moment-là ce verset du Saint Coran : 

«Ô vous qui avez cru ! N’élevez pas vos voix au-dessus de la voix du Prophète, et ne haussez pas le ton en lui parlant, comme vous le haussez les uns avec les autres, sinon vos œuvres deviendraient vaines sans que vous vous en rendiez compte.» (Les Appartements, 49 : 2) 

A sa communauté le Prophète (P) a plusieurs fois recommandé de s’accrocher aux deux poids 46[46]: le Livre de Dieu et la Sainte Descendance du Prophète (P). Rappelons à ce sujet le Hadithul thaqaleyni : 

« Je vous lègue deux poids: le premier c’est le Livre de Dieu dans lequel sont votre Guidance et votre Lumière. Puisez dans ce Livre et accrochez-vous à ce Livre et à ma descendance (Ahloul-Bayt), ma descendance, ma descendance. ». D’après Sahih Muslim de Muslim, Tome II à la page 238. 

En conclusion, même si le testament n’a pas été rédigé au moment voulu, il est donc connu de tous parce que prononcé par le Prophète (P) en personne à plusieurs reprises et devant témoins. 

Le Prophète (P) de l’Islam avait accompli sa mission et Dieu était satisfait de lui, Qui fit descendre peu après la fameuse Déclaration de Ghadir Khom, le verset suivant : 

«Aujourd’hui, j’ai parachevé pour vous votre religion et accompli sur vous mon bienfait. Et il m’agrée que l’Islam soit votre religion. » (Ma’îda, V-3) De retour de Ghadir Khom, le Prophète (P) tomba malade et rejoignit le maître du trône entre 14 et sept jours plus tard – selon les historiens et autres traditionnistes – comme il l’avait prévu et annoncé à sa nation toute entière réunie. 

                                                            

43[43] Cf. « Correspondances » de Sheikh Salim Al-Bishri et Sharafeddine Al-‘Amili. Page 183. 44[44] Cf. commentaire du verset P7 « Avertis ton clan le plus proche » Paragraphe II-2-2. 45[45] Rapporté en ces termes par Mohammad b. Ismâ’îl al-Bukhâri dans son Sahih P118 du vol.II, rapporté par Muslim et par Ibn Hanbal. 

46[46] Pour plus de détails voir le commentaire du verset P1 sur les Ahl-ul Beyt (II-2-1) dans le chapitre II.  

La maladie du Prophète (P) débuta dans le mois de çafar de l’an 12 après l’Hégire. Le lundi qui précéda sa mort, le Prophète fit installer un camp à Jorf à cinq kilomètres de Médine sur la route qui mène vers la Syrie. Il avait nommé à la tête de cette expédition un jeune homme âgé d’environ dix huit ans du nom de Oussama, fils de Zaid. Zaid était un ancien esclave de Khadija (RA) qui l’avait donné au Prophète (P). Ce dernier l’avait affranchi par la suite et éduqué comme son fils. Il l’avait nommé pour commander l’expédition qui défendit le drapeau de l’Islam à Môu’tâh – derrière Ja’far Ibn Abi Taleb (RA) et devant Abdallah Ibn Rawahata. Al Harîth b. ‘Umar avait été envoyé par le Prophète auprès du Roi de Basra. Il fut intercepté par le chef des romains, Char’habil Ibn ‘Umar qui, après avoir lu la lettre du Prophète (p), le fit exécuter. 

Le Prophète fit partir une armée de 3 000 personnes pour aller s’enquérir des raisons pour lesquelles son messager avait été tué. La délégation fut attaquée et en grande partie massacrée à son tour par l’ennemi, les chefs de guerre en premier; et les hypocrites médirent sur la décision du Prophète d’avoir choisi Zaid. 

C’est le fils de ce valeureux chef de guerre que le Prophète (P) avait désigné pour «chercher le sang» de son père et de tous ceux qui furent martyrs de Môu’tâh, comme le disent les arabes. Certains compagnons refusèrent d’exécuter l’ordre du Prophète (P), contestant la désignation à la tête de l’expédition d’un ancien fils d’esclave, trop jeune et certainement inexpérimenté à leurs yeux pour les commander. 

Le jeudi suivant le Prophète (P) se décida à parler à son peuple de façon définitive à propos de l’expédition de Oussama. En effet, les rumeurs de la contestation de son choix de Oussama et du refus de certains de partir à Jorf qui s’en est suivi, étaient parvenues au Prophète (P). Bien que très malade, il tenait à leur communiquer ce message car l’effet de surprise était capital pour la réussite de cette opération comme il l’avait déjà précédemment évoqué. Il se fit aider dans son déplacement par deux hommes : Abbas b. Abdel Muttaleb et l’Imam ‘Ali (P). Ce fut par ailleurs le même ‘Ali (P) et son cousin Fadhl Ibn Abbâs qui l’aidèrent encore à se déplacer lorsque, sur la demande de ses proches, ses femmes se mirent d’accord pour qu’il n’ait plus à se déplacer d’un appartement à l’autre vu l’état de sa santé. Ils l’emmenèrent alors de l’appartement de Maymounah, une mère des croyants, à l’appartement de Aïcha où il resta jusqu’à ce que son âme rejoignît le Tout-Puissant. 

Ce jour-là donc, le Prophète (P) monta en chaire et prononça ce discours47[47] : 

« Ô gens, j’ai appris ce que vous avez dit contre ma désignation de Oussama. Si vous avez récusé et injurié sa tutelle, vous l’avez fait auparavant en refusant la tutelle de son père. Et je jure par Dieu qu’il était digne d’être le chef comme son fils est digne de l’être. » 

Il continua : 

« Préparez promptement l’armée de Oussama. Qu’Allah maudisse ceux qui restent en arrière.»48[48] Il ne retenait que les membres de sa famille qui étaient restés autour de lui : les Ahlul Bayt. Ibn Khoutayba en témoigne dans son « Imamat wa Siassah ». 

                                                            

47[47] D’après : Tarikh Tabari Vol.3 Page 226, 

                   Tarikh Ibn Al Athir Vol.2 Page 317, 

Tabakhat Ibn Sa’ad Vol.2 P. 190, Assira Al Halabya Vol.3 Page 207. 48[48] Dans la 4ième introduction du livre Al Millal wal nihal de Al Shahristânî ; Al jawharî dans Al Saqifâ ; Al

Malgré cela certains compagnons revinrent presque aussitôt partis, avertis qu’ils ont été que le Prophète (p) allait de moins en moins bien. Evidemment pour ceux qui s’intéressaient à lui succéder il était essentiel d’être là au moment de la disparition du Guide. Le lundi du jour de sa mort, le Prophète (P) fit ses dernières recommandations aux femmes en leur rappelant ces versets du Coran : 

« Ô femmes du Prophète, vous n’êtes pas comme de quelconques femmes. Si vous voulez vous comporter en piété, alors ne vous abaissez pas en parole, afin que ne vous convoite pas celui au cœur de qui est la maladie. Et tenez un langage décent. Restez dans vos foyers; et ne vous exhibez pas à la manière des femmes d’avant l’Islam. Accomplissez la prière et acquittez l’aumône légale et obéissez à Allah et à son Messager.» 

(Les Coalisés, XXXIII-32 et 33) 

Al Bukharî, dans le chapitre sur la maladie et la mort du Prophète (p), mais aussi beaucoup d’autres auteurs de hadiths, rapporte ceci : 

A sa fille adorée Fatima Zahra (P), il (P) demanda de s’approcher puis lui chuchota quelques mots dans le creux de l’oreille. Fatima (P) se mit à pleurer. Alors le Prophète (P) refit le même geste qui, cette fois la fit sourire. 

Quand on demanda à Fatima (P) ce que le Prophète lui avait confié chaque fois, elle dit que la première fois il lui confia qu’il allait mourir et que la deuxième fois, il la rassura en lui annonçant qu’elle allait être la première à le suivre. En effet, elle mourut quelques six mois plus tard.  

Le Prophète prit la tête de l’Imam ‘Ali (P) sous son manteau qui les couvrit tous deux, et ce jusqu’à ce que ‘Ali (P) ait sorti sa tête pour annoncer la mort du Messager de Dieu.49[49] Au matin du lundi suivant vers midi, le Prophète de l’Islam (p) rejoignit son Grand Ami, le Seigneur des Mondes et Propriétaire des Ames. 

La tristesse fut immense et la désolation terrible. Dés que ‘Umar apprit la nouvelle il vint auprès du défunt, s’assura du décès du Prophète (p) puis se dirigea vers la cour pour crier : 

« Le Prophète n’est pas mort, il est parti auprès de son Seigneur, comme l’avait fait avant lui Moûssâ, pour s’absenter pendant quarante jours. Il retournera parmi nous encore. » Brandissant son épée, il s’écria : 

« Je couperai la tête de quiconque oserait dire que le Prophète est mort. » C’est alors que Abu Bakr apparut, prit le temps d’écouter ‘Umar puis alla vérifier lui-même l’état du Prophète. Lorsqu’il ressortit de l’appartement, il interpella ‘Umar qui continuait à haranguer la foule. Celui-ci ne l’écouta pas. Il s’adressa alors directement à la foule : 

« Avez-vous déjà oublié le verset coranique qui avait été révélé au Prophète après le jour d’Ohod ? Et ignorez-vous l’autre verset coranique révélé au Prophète : «Tu vas sûrement 

                                                                                                                                                                                                

Mou’tazilî dans son commentaire de Nahj al Balâghah, Vol.2 Page 20. 49[49] « Life of Ali » par Dar Qutni wal Razi Page 739 ; « Life of Ali », édit. Khadimal Talim Press, Lahore ; Madârij al Nubuwah.

mourir, (O Muhammad) et eux aussi vont mourir » (Les groupes, XXXIX – 30) Et Abu Bakr de poursuivre : 

« Que celui qui adore Muhammad sache que Muhammad est vraiment mort, mais que celui qui adore Dieu sache que Dieu est immortel : Il est vivant et ne meurt pas. » 

Le premier verset dont parlait Abu Bakr était le suivant : 

«Muhammad n’est qu’un Prophète; des Prophètes sont morts avant lui. Retourneriez-vous sur vos pas, s’il mourait ou s’il était tué ? » (La famille d’Imran, III – 144) Pendant ce temps, l’Imam ‘Ali, s’occupait, à l’intérieur de la maison, à la préparation du lavage du corps du Prophète (p), en compagnie de Abbâs et de ses deux fils, Fadhl et Qutham, ainsi que d’Oussama et Saleh ou Charqân. Ils enveloppèrent le corps d’un tissu trouvé sur place pour ensuite laisser le soin à ‘Ali (P) de le laver. Comme prévu déjà à sa naissance lorsque le Prophète (P) lui donna son premier bain, ‘Ali (P) avait été désigné par lui (P) pour cette tâche, et personne d’autre, sous peine de devenir aveugle, n’était autorisé à laver le corps du Prophète (p). ‘Ali (P) s’acquitta de cette tâche et ils revêtirent le corps des vêtements dans lesquels il était mort avant de l’enrouler dans deux draps de tissu blanc. Au- dessus de tout cela fut posé un drap de tissu rayé du Yémen. 

Puis vint le moment de la prière sur le corps. A la suite de l’Imam, les proches parents suivis par les Partisans et les Compagnons du Prophète (p) entrèrent tour à tour par groupes de dix personnes à la fois pour prier sur le corps. 

Il ne restait plus que l’enterrement lorsqu’une discussion portant sur le lieu d’enterrement, s’engagea. ‘Ali (P) [50] trancha la question en affirmant avoir entendu le Prophète lui-même dire que là où un Prophète meurt il doit être enterré. 

Les deux fossoyeurs de Médine de l’époque, Abu Obaydah al-Jarrâh pour les Mecquois et Abu Talhah Zaid b. Sahel pour les Médinois, furent sollicités sur ordre de Abbas. Le premier étant absent, il appartint à Abu Talhah de creuser le tombeau du Prophète (P). L’enterrement eu lieu dans la nuit du mardi ou à l’aube du mercredi. L’Imam Ali (P) fut la dernière personne à quitter l’intérieur du tombeau qui fut ensuite, une fois la voûte (ou lahd) refermée, rempli d’une terre légèrement humidifiée. 

 

 

 

II- LE KHILAFAT DE L’IMAM ALI (P): 

L’action que le nouveau Calife eut à poser dans l’immédiat pour répondre à la demande de son peuple fut la révocation des personnes impies aux agissements et délibérations injustes qui gouvernaient la plupart des provinces de l’Empire. Concernant Mu’âwiyah , ‘Alî (P) rejeta d’une main la proposition de Abdullah Ibn Abbâs de ne pas le déposer pour l’instant vu sa popularité en Syrie et son refus de se soumettre. ‘Alî (P) 

                                                            

50[50] Ibn Khutayba dans Imamat wa Siassah dit que c’est Abu Bakr qui dit ce qu’on attribue ici à Ali. Or tous les grands auteurs témoignent que Abu Bakr se trouvait à Saqîfâh à ce moment-là. 

s’expliqua par le fait que la Loi de Dieu n’autorise pas les tromperies astucieuses, avant d’assurer qu’il ne devait pas permettre à un impie de rester à ce poste ne serait-ce qu’un jour. Il proposa ensuite à Abdullah Ibn Abbâs d’aller remplacer Mu’âwiyah. Ibn Abbâs déclina l’offre arguant que Mu’âwiyah le tuerait à cause de sa parenté avec ‘Alî (P). Le Calife tenait à appliquer les réformes que le droit chemin lui imposait de faire et auxquelles Dieu mais aussi son peuple attendait de lui. C’est ainsi que furent envoyés au mois de 

Muharram 36 A.H. : 

1. Ubaydullah Ibn Abbâs au Yémen, 

2. Qays Ibn Sa’d Ibn Obâdah en Egypte, 

3. Quthâm Ibn Abbâs à la Mecque, 

4. Samâhah Ibn Abbâs à Tihâmah, 

5. Awn Ibn Abbâs à Yamânah, 

6. Usmân Ibn Honayf à Basrah, 

7. Ammara Ibn Chahab à Kûfa, 

8. Sa’îd Ibn Abbâs à Bahrein, 

9. Sahl Ibn Honayf en Syrie. 

 

La plupart des nouveaux gouverneurs que l’Imam ‘Alî (P) avait nommés, ne trouvèrent à leur poste ni prédécesseur ni trésor public.  

Qays Ibn Sa’d, le nouveau promu pour l’Egypte réussit à remplacer Abdullah Ibn Sarh en usant de ruse. Ibn Sarh s’était enfui en Syrie, chez Mu’âwiyah, dés la nouvelle de la mort de Usmân. Devant la résistance de quelques opposants Ibn Sa’d feignit d’abord de prendre parti pour Usmân avant de se faire accepter. 

Usmân Ibn Honayf, lui, nouveau gouverneur de Basra, y entra sans opposition. Ammârah apprit sur le chemin vers Kûfa que les gens de cette ville portaient leur choix sur Abou Moûssâ al-Ach’arî qu’ils avaient fait nommer par Usmân. Il rebroussa chemin et fit un rapport à l’Imam ‘Alî (P). 

Il en fut de même pour Sahl, le nouveau gouverneur de Syrie nommé par ‘Alî (p) pour remplacer Mu’âwiyah. Avant d’arriver à Damas, des cavaliers rencontrés en chemin lui apprirent que les Syriens n’étaient pas préparés, loin s’en fallait, pour accueillir un homme de ‘Alî (P). D’autres nominations interviendront par la suite en dehors de celles citées ci-dessus. Il y eut dans toutes ces réformes de l’Imam ‘Alî (P) au moins deux grands déçus : Talhah et Zubair. Ils se virent refuser par ‘Alî (P) leurs candidatures au poste de gouverneurs respectivement de Kûfa et Basra. ‘Alî (P) leur opposa son désir de les garder à ses côtés en tant que conseillers. 

Pour ce qui était de la Syrie, ‘Alî (P) savait ce qu’il lui restait à faire : aller faire entendre raison à Mu’âwiyah et libérer le peuple de Dieu du joug d’un chef injuste, à travers le dialogue d’abord, l’arme des forts, puis la force des armes si l’impie persistait dans l’erreur. En procédant ainsi ‘Alî (P) tenait à rester en conformité avec le Saint Coran comme dans tous ses actes. En effet, Dieu nous dit à ce propos : 

« Et si deux groupes de croyants se combattent, faites la conciliation entre eux. Si l'un d'eux se rebelle51[51] contre l'autre, combattez le groupe qui se rebelle, jusqu'à ce qu'il se conforme à l'ordre d'Allah. Puis, s'il s'y conforme, réconciliez-les avec justice et soyez équitables car Allah aime les équitables. » (Al-Houjourât, ID-9) 

La bataille de Cifayin : 

1-L’établissement de l’Imam ‘Alî (P) à Kûfa : 

Quinze jours après la fin de la bataille du chameau, ‘Alî (P) ayant déjà nommé ‘Abdullah Ibn Abbâs gouverneur de Basra, mit en mouvement ses troupes en direction de Kûfa. Le Calife avait décidé de faire de cette ville le siège de son gouvernement. Au moins deux raisons militaient en faveur du choix de Kûfa. 

La toute première de ces raisons était d’ordre stratégique. Kûfa se trouvait au centre de l’Empire, à égale distance des principales régions composant l’Arabie ancienne. Ce qui réduisait de beaucoup les charges suscitées par les déplacements de l’Armée de la Umma et augmentait sa mobilité. 

La deuxième raison était l’avantage numérique de la population de Kûfa par rapport à celle de Médine mais aussi son plus grand attachement à l’Imam ‘Alî. A Médine l’Imam n’avait pas réussi à lever une armée de plus de neuf cents hommes alors qu’à Kûfa plus de neuf mille hommes s’alignèrent derrière lui. 

Cette ville était entièrement acquise à l’Imam ‘Alî et à ses partisans. 

2-Les objectifs de Mu’âwiyah en Syrie : 

Profitant de l’assassinat de Usmân, Mu’âwiyah avait monté toute une stratégie de propagande contre les assassins du Calife pour, en réalité, renforcer son pouvoir et satisfaire ses ambitions indépendantistes. Son refus de voler au secours du Calife Usmân assiégé participait de cette visée personnelle de Mu’âwiyah. 

Malheureusement ses partisans ne parvenaient pas à voir cette réalité qui crevait pourtant les yeux. Toutefois, à la décharge du grand nombre d’umayyades qui avaient quittaient Médine pour se réfugier en Syrie et des Syriens soutenant Mu’âwiyah, il existait trois raisons influentes, quoique insuffisantes, qui les rendaient aveugles à ce point. D’abord, les umayyades – à l’instar des tribus arabes de l’époque – tenaient coûte que coûte à venger le sang de leur frère Usmân. Cette tradition de vendetta était fortement établie en Arabie et elle se transmettait de générations en générations. Or Usmân avait été tué à Médine par toute une population. Donc n’importe quel bouc émissaire qu’on leur désignait, surtout venant de Médine, devenait l’ennemi à abattre. En particulier le remplaçant du Calife qui devenait ainsi l’assassin virtuel désigné bien que tout le monde sût le rôle de conseil, de médiation pour la paix 

                                                            

51[51] Ici le mot français ‘rebelle’ (utilisé deux fois dans le même sens) rend mal le terme arabe baghya qui regroupe plusieurs défauts à la fois que sont l’autosuffisance, l’arrogance, le manque d’éducation et de respect. Or quiconque connaît un tant soit peu l’histoire de Mu’âwiyeh, sait qu’il avait tous ces défauts en plus d’être un impie comme son père Abû Sofian qui ne s’était converti que par contrainte sans aucune conviction. Les actes qu’ils ont posés tout le long de leur vie le prouvent suffisamment.

et de protection que joua ‘Alî (P) pour Usmân avant et pendant toute la durée de ses difficiles négociations avec les révoltés. 

Ensuite, une campagne insidieuse était menée par Mu’âwiyah en vue de faire monter la haine envers les assassins de Usmân. Suivant en cela son Conseiller Amr Ibn al-Âç, Mu’âwiyah avait fait accrocher sur la chaire de la Mosquée de Damas la chemise tâchée de sang que Usmân portait lors de son assassinat ainsi que les doigts estropiés de sa femme Naelah52[52]. La vue de tels objets pendant de longues semaines ne cessait, comme l’espéraient les exposants, de faire couler les larmes des Syriens et d’accroître leur désir de vengeance53[53] contre les auteurs d’un tel acte. 

Enfin – c’est bien la dernière raison que nous citerons mais qui n’en est pas autant la moindre – Mu’âwiyah avait réussi à maîtriser ses principaux notables par la corruption devenue notoire dans son entourage. Se soumettre à lui était devenu source d’un enrichissement rapide et illicite. Une phrase fort célèbre à cette époque résumait assez bien cet intérêt que certains trouvaient aux côtés de Mu’âwiyah : 

« Il vaut mieux être derrière l’Imam Alî pour la prière et à la table de Mu’âwiyah à l’heure du repas. » 

3-Le recours aux moyens pacifiques par ‘Alî (P) en vue de raisonner Mu’âwiyah : 

C’est fort du soutien de son armée et de ses notables et aveuglé par ses ambitions et convictions personnelles que Mu’âwiyah avait retenu pendant plusieurs semaines le messager que le Calife ‘Alî (P) lui avait envoyé dés son arrivée au Califat, pour lui demander de lui faire allégeance. Il tenait à faire de lui un témoin du désir de vengeance qui animait son armée. Ensuite il le fit retourner à Médine en compagnie de son propre messager. Lorsque ‘Alî (P) ouvrit la lettre cachetée de Mu’âwiyah, il découvrit un contenu tout blanc. Le messager, invité à donner la signification d’un tel contenu, expliqua : « Sache donc que j’ai laissé derrière moi en Syrie soixante mille guerriers pleurant le meurtre de Usmân sous sa chemise tâchée de sang, exposée à côté de la chaire de la grande Mosquée de Damas, tenant tous à se venger de toi pour l’assassinat du Calife. » Un exposé si insolent souleva l’ire des Compagnons du Prophète (p) au point qu’ils faillirent commettre l’irréparable sur le messager de Mu’âwiyah n’eût été l’intervention de ‘Alî (P). Le coursier, ravi devant une telle sagesse doublée d’une si grande bonté, s’amenda puis jura de rester fidèle à ‘Alî (P) pour toujours. 

‘Alî demanda le témoignage de Dieu quant à son innocence dans ce crime et ordonna la proclamation d’une expédition contre Mu’âwiyah. Une deuxième fois l’Imam envoya un message de paix à Mu’âwiyah, lui demandant de faire allégeance au nouveau Calife que lui ‘Alî était devenu par la volonté d’Allah et de son peuple. Jarîr Ibn Abdallah al-Bajalî, un vieil ami de Mu’âwiyah, gouverneur de Hamadân et chef des Banî Bajila, fut le porteur de ce message. Celui-ci se trouvait à Kûfa pour prêter allégeance à l’Imam ‘Alî (P). On était au mois de Cha’bân 36 A.H. soit janvier 657 A.J.C. L’attente de son 

                                                            

52[52] Ces objets macabres furent envoyés à Damas par Oumm Habîbah, une veuve du Prophète mais aussi sœur de Mu’âwiyeh. 

53[53] Mas’ûdi ; Habîb al-Sayyâr.

retour à Médine fut longue et pleine d’angoisse. Trois mois après son départ, il revint avec une réponse orale de Mu’âwiyah. Le récalcitrant lui faisait dire qu’il ne prêterait pas allégeance à ‘Alî (P) tant que les meurtriers de Usmân n’étaient pas punis. Mâlik Al-Achtar reprocha à Jarîr son trop long séjour, certainement marqué par le plaisir, auprès de Mu’âwiyah. Mécontent d’une telle remarque, Jarîr quitta Médine et préféra rejoindre l’ambiance plus festive qui régnait autour de Mu’âwiyah. Découragé par tous ces refus obstinés de Mu’âwiyeh de renoncer à ses ambitions égoïstes pour lui faire allégeance, ‘Alî (P) prit la ferme résolution de lever une expédition vers la Syrie. C’est ainsi qu’au mois de Thilqa’dah de l’an 36 A.H. (Avril 657 A.J.C.), ‘Alî (P) leva son armée en direction de Madâ’in en prenant la précaution de se faire précéder par une garde avancée. Ils traversèrent le désert mésopotamien puis l’Euphrate à Riqqah avant de se diriger vers l’Ouest. A Sour-al-Rûm, l’avant-garde de l’armée de ‘Alî mit en déroute l’avant-garde Syrienne. 

4-La rencontre à Cifayin : 

L’armée de ‘Alî ne rencontra plus de résistance jusqu’à son arrivée à Cifayin au mois de Thilhajjah de l’an 36 A.H. (Mai 657 A.J.C.). Les forces de Mu’âwiyah étaient déjà stationnées à cet endroit. 

L’unique accès à l’eau de l’Euphrate, sous contrôle de Cifayin sur une longue distance, gardé par les guerriers de Mu’âwiyeh, fut interdit aux loyalistes. L’un des généraux de l’armée rebelle, Abul-Awar, y avait été placé à la tête de plusieurs milliers de combattants en vue d’assoiffer les guerriers de ‘Alî (P). Ces derniers constatèrent dés leur arrivée cet état de fait et en rendirent compte à leur Calife. ‘Alî (P) envoya une délégation à Mu’âwiyah pour lui demander de libérer l’accès à l’eau car ils étaient tous liés par des liens de parenté malgré leur hostilité réciproque et qu’en plus si, lui ‘Alî (P) avait un tel avantage il ne l’aurait mis à la disposition des deux armées. Mu’âwiyeh, comme il fallait s’y attendre, refusa de renoncer à ce qu’il considérait comme la garantie de sa victoire. 

Devant l’intransigeance de Mu’âwiyah et la soif des gens, Mâlik Al-Achtar et Ach’ath Ibn Qays obtinrent de ‘Alî (P) l’autorisation de mener chacun plusieurs milliers d’hommes, respectivement à la tête de la cavalerie et de l’infanterie, contre les troupes dirigées par AbulAwar. Le but était de foncer dans les rangs ennemis et de remplir leurs outres de l’eau du fleuve. Une bataille s’engagea, qui vit la défaite des rebelles malgré l’arrivée des renforts54[54] dépêchés par Mu’âwiyah à la demande de Abul-Awar. Les rebelles battirent la retraite. Les loyalistes s’installèrent à leur tour dans la zone d’accès à l’eau de l’Euphrate. Lorsque Mu’âwiyah, en position de faiblesse à présent, demanda ce qu’il venait de refuser de donner, ‘Alî (P) lui administra une belle leçon de sagesse et de magnanimité en donnant libre accès au fleuve, et de façon égalitaire, aux combattants des deux armées. 

5-Les combats : 

Les combats, à proprement parler, engagés entre combattants lors de la bataille de Cifayin durèrent quarante jours. Cependant il y’eut entre-temps, après un mois de combat, une trêve pendant le mois sacré de Moharrem. 

                                                            

54[54] Trois mille cavaliers furent dépêchés par Mu’âwiyeh à la rescousse de Abul-Awar. Dirigés par Amr Ibn al-Âç, ils augmentèrent la hargne de Mâlik al-Achtar. 

L’armée du Calife comptait quatre vingt six mille hommes répartis sur plusieurs colonnes commandées par Ammâr Ibn Yâcir, ‘Abdullâh Ibn Abbâs, Qays Ibn Sa’d Ibn Obâdah, Abdullah Ibn Ja’far, Mâlik al-Achtar, Ach’ath Ibn Qays al-Kindi, Sa’îd Ibn Qays Hamadânî, Ibn Hânî, Muhammad Ibn Abû Bakr et Al-Hassan Ibn ‘Alî. Les hommes de Mu’âwiyah, au nombre de cent vingt mille, étaient également disposés en colonnes commandées par Amr Ibn al-Âç, Obaydullâh Ibn ‘Umar, Abul Awar, Thul Kala Homayri, Abdul-Râhman Ibn Khâlid Ibn Walîd, Habîb Ibn Maslamah, Bisr Ibn Artâ-âta et Yâzid al-Abassî. 

Les hommes des deux camps s’engagèrent pendant le premier mois, Thilhajjah an 36 A.H., dans des combats singuliers presque, pourrait-on dire, ordonnés, d’où leur durée. ‘Alî (P) tenait au début à ce qu’il y ait le moins de victimes possibles, espérant toujours un règlement par le retour à la sagesse de Mu’âwiyah. 

Après la trêve du mois de Moharrem pendant lequel le combat était interdit, les hostilités reprirent de plus belle. Pendant la première semaine du mois de çafar de l’an 37 A.H. (on venait d’entrer dans un nouvel an musulman) les combats firent beaucoup plus de victimes que d’habitude. ‘Alî (P) décida alors de précipiter la fin de cette guerre en s’impliquant personnellement dans l’assaut final. 

Nous vous signalerons deux événements, l’un majeur et tragique l’autre comique, qui s’étaient déroulés lors de cette attaque. 

C’est d’abord la mort au combat du patriarche55[55] Ammâr Ibn Yâcir, celui-là à qui le Prophète avait dit : 

« Tu seras tué un jour par la partie rebelle et déviée, Ô Ammâr ! » La mort de Ammâr, héros de la bataille de Badr et Compagnon favori du Prophète, était regrettée tant du côté des partisans de ‘Alî (P) que de celui des rebelles. Elle fut provoquée par la lance assassine de Jowayr Oskoni un guerrier de Mu’âwiyah. A présent que Ammâr était mort et qu’on savait qui l’avait tué et qu’on se rappelait ce que le Prophète avait dit de ceux qui le tueront, il devenait évident, tout au moins aux yeux des hommes de ‘Alî (P), que la partie rebelle et déviée était bien celle de Mu’âwiyah. Comme il fallait s’y attendre, le doute s’empara des guerriers de Mu’âwiyah et la discorde s’installa. Et comme un soldat ne doit pas douter devant l’ennemi, Amr Ibn Al-Âç le rusé conseiller de Mu’âwiyah renversa intelligemment le sens de l’accusation en disant : « Et qui d’autre a tué Ammâr, si ce n’est ‘Alî (P), le rebelle, en l’amenant ici ? » ‘Alî (P) répliquera à ceux qui lui rapportèrent ces paroles de Amr : « Si ce qu’il dit pouvait être vrai alors on aurait pu également dire que c’est le Prophète (P) qui a tué Hamzâ à Ohod pour l’y avoir amené56[56]. » 

Un adage dit : « Cheytan (Satan) n’a pas dit la vérité mais il a semé le doute dans les esprits. » L’argutie était certes tordue mais elle eut un effet positif dans les rangs de l’armée Syrienne. Cette répartie facile fit le tour de l’armée et sembla convaincre les soldats. 

                                                            

55[55] Ammâr était âgé de quatre vingt treize ans. 

56[56] Hind, la mère de Mu’âwiyeh avait payé un esclave et lui avait promis bien des choses s’il arrivait à tuer Hamzâ. L’homme atteignit son funeste objectif et Hind, dit-on, suça le foie de Hamzâ pour étancher sa soif de vengeance.

L’autre événement quasi-comique mais important pour mieux éclairer le lecteur sur les qualités extraordinaires de l’Imam ‘Alî (P), se déroula entre deux acteurs : ‘Alî (P) et Amr Ibn alÂç. Le premier était souvent amené à se déguiser afin de pouvoir avoir des candidats qui accepteraient de se battre contre lui. On dit même qu’il se déguisa plus de soixante dix fois ! Une fois, Amr Ibn al-Âç, s’étant assuré que ‘Alî (P) n’était pas dans le groupe qu’il voulait attaquer, s’enhardit en lançant des paroles défiantes57[57] envers le Calife. Quand il se rapprocha de l’Imam ‘Alî (P) et que celui-ci lui répondit par des mots qui l’identifièrent, Amr fit un volte-face fulgurant et détala de toute la force de son cheval lequel souffra le martyre sous les coups de fouet et d’éperon de son maître apeuré. ‘Alî (P) se mit à sa poursuite et, dés qu’il l’atteignit, le fit tomber de cheval avec la pointe de sa lance. Amr chuta, et dévoila ses parties intimes pour obliger ‘Ali (P) à se détourner de lui. Devant un spectacle aussi humiliant et profane, ‘Alî (P) eut la magnanimité (encore une fois) de laisser la vie sauve à son ennemi tout en lui faisant observer qu’il ne devait plus oublier les circonstances honteuses auxquelles il devait la vie sauve. Amr fera l’objet de moqueries succulentes de la part de Mu’âwiyah à qui il répondit d’ailleurs qu’il n’avait pas plus de mérite que lui Amr. La finale de la bataille de Cifayin eut lieu les 11, 12 et 13 Çafar de l’an 37 A.H. Les forces de ‘Alî (P) s’étaient lancés dans la bataille de façon décisive. Ils attaquèrent à outrance et sans répit avec l’objectif d’en finir avec l’ennemi. La pleine lune du 13 Çafar permit aux combattants de ‘Alî (P), notamment à Mâlik Al-Achtar le héros de cette guerre, de faire une véritable razzia sur l’armée des rebelles. Au matin du lendemain, les Syriens constatèrent avec désarroi leur repli forcé et les pertes énormes que les loyalistes leur avaient infligées. Mu’âwiyah était sur le point de capituler (par la fuite) lorsque le rusé Amr Ibn al-Âç lui proposa une issue de secours très habile mais combien malhonnête. Amr expliqua sa ruse : « Courage, Mu’âwiyah ! Ne te décourage pas ! J’ai imaginé le moyen de prévenir la crise. Appelle l’ennemi à la Parole de Dieu en levant haut le Livre Sacré. S’il accepte, cela te mènera à la victoire, et s’il refuse de subir l’épreuve, la discorde sévira dans ses rangs. »58[58] 

6-La supercherie pour éviter la capitulation : 

Mu’âwiyah n’avait plus le choix. C’était soit s’enfuir (son cheval était déjà prêt) soit tenter la ruse de Amr. Il choisit la deuxième alternative. Ainsi ses partisans levèrent plus de cinq cents exemplaires du Coran accrochés à la pointe de leur lance et, les montrant à leurs adversaires, crièrent : 

« Laissons au Livre de Dieu le soin de décider de nos différends. »59[59] Les partisans de ‘Alî (P), Ach’ath Ibn Qays en tête, n’hésitèrent pas une seconde, obnubilés qu’ils étaient par la crainte de ne pas répondre à une telle épreuve qu’ils croyaient sincère. Ils déposèrent leurs armes et répondirent comme un seul homme : « Oui, le Livre de Dieu ! Laissons-le décider de nos différends. » 

‘Alî (P) s’opposa avec toute la véhémence possible à la proposition de l’adversaire et tenta d’en éloigner ses soldats : « C’est une supercherie, leur lança-t-il. Craignant la défaite, ces 

                                                            

57[57] « Même s’il y avait un millier d’hommes comme Alî (P) dans les rangs ennemis, je les réduirai à la déconfiture… » 

58[58] Sayyed Safdar Husayn dans Histoire des 1ers temps de l’Islam. 59[59] Al-Mas’ûdî et bien d’autres historiens.

hommes malveillants ont trouvé cette astuce de sauvetage. » Puis, lorsqu’on lui reprocha de refuser de se soumettre à la décision du Coran auquel l’appelaient ses ennemis, il ajouta : « C’est pour les amener au Coran que je les ai combattus si longuement. Ce sont des rebelles. Allez donc combattre votre ennemi. Je connais Mu’âwiyah, Amr Ibn al-Âç, Ibn Abî Sarh, Habîb et Dhohâk mieux que vous. Ils n’ont pas d’égard ni pour la religion ni pour le Coran60[60] » Malheureusement, ses hommes avaient déjà fait leur choix et menacèrent même leur Calife au cas où il refuserait l’appel des rebelles. 

L’intransigeance incompréhensible de ces hommes fit d’eux, dans l’histoire, les khawârij (khâridjites) c’est-à-dire les sécessionnistes. 

Devant le refus de Mâlik Al-Achtar de revenir du champ de bataille où il tenait à continuer le travail commencé, ils exigèrent de ‘Alî (P) qu’il le fasse revenir. Ce que ‘Alî (P) fit au grand désarroi de son chef de guerre intrépide. Il lui lança ce message pathétique : « A quoi sert la victoire lorsque la trahison sévit à l’intérieur de mon propre camp. Reviens tout de suite avant que je sois tué ou livré à mes ennemis. » Mâlik cracha à la face des khawârij son mécontentement et la lâcheté de leur décision. Ceuxci ripostèrent par des insultes et ‘Alî (P) dût intervenir pour calmer les nerfs. 

7-Le traité d’arbitrage : 

Ach’ath Ibn Qays, qui s’était fait remarquer parmi les khawârij, obtint de ‘Alî (P) la permission d’aller prendre auprès de Mu’âwiyah la signification précise de l’acte de ses soldats. A son retour, il leur apprit que Mu’âwiyah et ses hommes proposaient qu’un juge soit nommé de part et d’autre et que leur différend leur soit soumis. Le verdict conforme au Coran que ces deux juges donneront sera alors définitivement appliqué à tous. On demanda l’avis de ‘Alî (P) qui s’en abstint en disant simplement que celui qui n’est pas libre ne peut donner son avis. ‘Alî (P) leur suggéra de « régler l’affaire de la manière qu’ils estimaient convenable pour eux-mêmes ». Abû Moûssâ al-Acharî, l’ex-gouverneur de Kûfa qui n’avait pas pris part aux combats, fut choisi par les Khawârij comme le juge du camp des loyalistes. ‘Alî (P) suggéra à sa place Abdullâh Ibn Abbâs le cousin du Prophète (P) car Abû Moûssâ n’avait pas participé aux combats et en plus avait été destitué par lui. Les khawârij tournèrent en dérision ce choix du Calife et maintinrent le leur. 

Du côté des Syriens, le choix de Amr Ibn al-Âç s’imposait bien évidemment au vu de sa roublardise inouïe mais aussi du fait qu’il était l’initiateur de ce plan diabolique. Les deux juges se présentèrent dans le camp de ‘Alî (P) pour la rédaction de l’acte d’arbitrage. Un premier désaccord apparut dés le début. Sous la dictée de ‘Alî (P), l’acte commençait par : 

« Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Voici ce qui a été agréé entre le Commandeur des Croyants, Alî (p), et … » 

Amr Ibn al-Âç objecta que ‘Alî (P) n’était pas leur Commandeur à eux les Syriens et qu’il fallait s’en tenir à « ‘Alî (P) et Mu’âwiyah ». ‘Alî (P) se rappela la prophétie du prophète (P) qui lui avait dit qu’il viendra un jour où il aura à faire la même concession qu’il venait de faire ce 

                                                            

60[60] Ibn Khaldûn.

jour-là. C’était lors de la signature du traité de Hudaybiyyah entre le Prophète (p) et les arabes païens. C’était à propos de la fréquentation de la Kâbah par les deux groupes. Les Quraych s’étaient opposés à ce qu’on ajoute au nom du Prophète (p) son titre de « Messager de Dieu ». ‘Alî accepta finalement d’enlever son titre du texte après toutefois ce rappel important. Il tenait à leur montrer que ceux qui avaient lutté contre le Prophète (p) (Abû Sofian, Abû Jahl, Abû Lahâb, etc.) avait laissé derrière eux une descendance qui assurait la continuité de leur action contre la famille du Prophète (p) porte-flambeau de la pureté des enseignements de Dieu et de Son illustre Envoyé. 

L’acte d’arbitrage fut signé le Mercredi 13 Çafar de l’an 37 A.H. (31 Juillet 657 A.J.C.) par ‘Alî (P) et Mu’âwiyah. 

Les juges prêtèrent le serment de juger en étroite conformité avec le Coran et en toute impartialité dans un endroit situé à égale distance de Kûfa et de Damas. Les deux parties, quant à elles, s’engagèrent à appliquer la décision des juges, laquelle décision devait intervenir sept mois plus tard. Pendant ce temps une trêve devait être observée.61[61] Ainsi ‘Alî (P) et Mu’âwiyah suivis de leurs partisans rentrèrent respectivement à Kûfa et à Damas.  

8-Le bilan de la bataille de Cifayin62[62] : 

Selon Abul Fidâ, quatre vingt dix batailles avaient été livrées à Cifayin. Pour la plupart des historiens soixante dix mille hommes y perdirent la vie dans les deux camps dont quarante cinq mille Syriens (de Damas et Mu’âwiyah) et vingt cinq mille Irakiens (Kûfites de Alî). Du côté de Alî les chefs qui disparurent lors de cette bataille sont : Ammâr Ibn Yâcir, Hâchim Ibn Otbah, Khazimah Ibn Thâbit, Abdullâh Ibn Boydal et Abdul Hâthîm Ibn Tayhân. Chez Mu’âwiyah les « illustres » disparus étaient Thul-Kala, Homayrî, Obaydullâh Ibn ‘Umar, Hochâb Ibn Thil-Zalim et Habîb Ibn Sa’d al-Tay.   

 

9-La décision des juges ou la perfidie de Amr Ibn al-Âç : 

Le jour convenu arriva63[63] et les juges désignés, Abû Moûssâ al-Acharî et Amr Ibn al-Âç, se rejoignirent au lieu du rendez-vous comme prévu, chacun escorté par une délégation de 400 personnes. 

De nombreux chefs et notables vinrent de Médine, de la Mecque, d’Irak et de Syrie pour assister à la prise de décision qui devait engager l’avenir de toute la Umma. Amr Ibn al-Âç connaissait les points faibles de Abû Moûssâ al-Acharî. Par exemple qu’il suffisait de lui montrer beaucoup de considération pour l’avoir sous son joug. C’est ce qu’il fit en le prenant dés le début avec des égards exceptionnels qui comblèrent Abû Moûssâ. Amr lui fit admettre sans difficulté que Usmân avait été ignoblement assassiné. Ensuite il tenta de le convaincre qu’il était normal que Mu’âwiyah lui succéda car ce dernier était le 

                                                            

61[61] Rawdhat al-çafâ; Habîb al-Sayyar; Abul Fidâ ; etc. 

62[62] Histoire des premiers temps de l’Islam de S. S. Husayn. 63[63] Dans le mois de Ramadhân 37 A.H., soit Février 658 A.J.C.

vengeur du sang de son proche parent qu’était Usmân, doublé d’un chef compétent. Abû Moûssâ refusa cette référence au sang sinon, trouva-t-il, les fils du défunt seraient mieux placés que Mu’âwiyah sur ce plan. Amr lui demanda alors de faire une proposition. Abû Moûssâ répondit : « Ecartons ‘Alî (P) et Mu’âwiyah pour laisser les Croyants élire une tierce personne. » Amr se dit d’accord avec son interlocuteur et le pria d’aller ensemble annoncer la décision qu’ils venaient de prendre de commun accord. Au moment d’annoncer publiquement leur décision, Amr insista pour que Abû Moûssâ montât le premier sur la tribune pour faire sa déclaration, par courtoisie pour l’homme de ‘Alî prétexta-t-il. Abû Moûssâ fit preuve de toute sa naïveté en acceptant sans précaution de dire au public : « Frères ! Amr al-Âç et moi-même avons ensemble examiné la question profondément, et conclu que le meilleur moyen possible de restaurer la paix et d’effacer la discorde du peuple est de déposer à la fois ‘Alî (p) et Mu’âwiyah du Califat afin de laisser au peuple le soin de choisir à leur place un homme meilleur. C’est pourquoi, je destitue à la fois Alî et Mu’âwiyah du Califat auquel ils prétendent, de la même façon que je retire cette bague de mon doigt ». Amr monta à son tour et fit la surprenante déclaration suivante : « Vous avez entendu comment il a déposé son chef ‘Alî (P). Pour ma part, je le dépose également et j’investis mon chef Mu’âwiyah du Califat, et je l’y confirme, de la même façon que je mets cette bague à mon doigt. Je fais ceci avec justice car Mu’âwiyah est le vengeur de Usmân et son successeur légal. » 

La stupéfaction était générale. De part et d’autre personne n’avait songé à pareille duperie. Abû Moûssâ, complètement dépassé par la mauvaise foi sans limite de son collègue, ne trouvait aucune explication à un revirement aussi diamétral sinon de reconnaître qu’il a été dupé. Amr descendit de la tribune sous un tonnerre d’applaudissements des Syriens qui ne pouvaient espérer une meilleure issue dans cette affaire. Pendant ce temps les Kûfites ne parvenaient pas à contenir leur rage contre Amr mais encore plus contre Abû Moûssâ à qui ils ne manquèrent pas de le lui montrer à travers des injures et même des coups de fouet, notamment du chef de l’escorte Kûfite, Churay. 

Le fils de ‘Umar, Abdullâh Ibn ‘Umar fit de cet événement un commentaire qui résumait le long fleuve de commentaires qui coula à propos de cette décision : « Voyez ce qui est arrivé à l’Islam. Sa plus grande affaire a été confiée à deux hommes dont l’un ne distingue pas le bon droit de l’erreur, et l’autre est un nigaud. » Abû Moûssâ fit vite de se retirer par la suite à la Mecque où il mourut malheureux cinq ou quinze ans plus tard selon les auteurs. 

A Damas Mu’âwiyeh fut proclamé nouveau Calife et fêté comme tel. A partir de ce momentlà les affaires de Mu’âwiyah commencèrent à prospérer tandis que le pouvoir de ‘Alî (P) s’effritait de jour en jour. 

10-La position de ‘Alî (P) concernant les décisions des juges : 

Le jugement n’ayant pas été juste encore moins conforme au Coran, ‘Alî (P) ne pouvait que le rejeter. Il prit alors la décision de reprendre les hostilités contre l’ennemi Mu’âwiyah. Il avait tenu à respecter la trêve signée entre les deux parties malgré sa volonté, sous la menace des khawârij comme nous l’avons vu précédemment.

En effet les jugements qui venaient d’être dits – il y en avait bien deux et non un comme convenu – étaient contradictoires malgré l’accord préalable entre les deux juges. Dés lors l’acte d’arbitrage avait été violé car il était entendu que les juges devaient se concerter et se mettre d’accord sur une décision commune et conforme au Coran mais évidemment non contradictoire. Ensuite cette décision prise de commun accord devait être appliquée aux deux parties en conflit. On ne comprendrait d’ailleurs pas qu’il pût en être autrement sinon ils n’auraient pas eu à se concerter si chacun pouvait juger séparément de l’autre. Il est évident qu’un tribunal ne peut donner deux jugements définitifs contradictoires sur une même affaire. A juste raison ‘Alî (P) ne se sentait donc pas concerné par de telles décisions basées sur une tromperie, ridicule d’ailleurs et contraire à l’esprit et à la lettre du Livre Sacré qui bannit la fourberie et l’hypocrisie dont avait usé et abusé Amr Ibn al-Âç. La trêve conclue entre les deux factions en guerre devant être respectée jusqu’à la proclamation du verdict des juges, le Calife n’était donc plus lié par un quelconque engagement. C’est ainsi qu’il appela ses partisans à la reprise des hostilités contre Mu’âwiyah. 

La bataille de Nahrawan contre les khawârij : 

1. La formation de la rébellion khâridjite : Revenons un tout petit peu en arrière. Sur le chemin du retour à Kûfa, un bon nombre de soldats de ‘Alî (P) murmuraient quelques critiques à l’encontre de l’action de ‘Alî (P). Les futurs khawârij qui, pourtant l’avaient forcé à signer l’acte d’arbitrage avec son corollaire de trêve, reprochaient à leur Calife d’avoir accepté le jugement des hommes à la place de celui de Dieu. Tout un programme qui allait se fanatiser et devenir une véritable hérésie contre tous ceux qui voulaient commander d’autres hommes. Ils n’arrivèrent pas à Kûfa avec le reste des troupes mais campèrent dans un village du nom de Harora. 

Leur credo fut fondé sur une mauvaise interprétation d’un verset du Coran : « La hukma illâ lillâh », soit « il n’y a pas de jugement si ce n’est celui de Dieu ». Ils professaient que nul homme n’avait le droit de commander d’autres hommes ni de prêter allégeance à son prochain. Donc point besoin de Calife. De plus, pour eux ‘Alî (P) avait à se repentir pour avoir commis « l’apostasie » d’accepter le jugement des hommes alors que seul Dieu avait le droit de juger. 

Quand il eut vent de leurs récriminations contre lui, ‘Alî (P) alla les voir dans le lieu de leur retraite et leur expliqua qu’ils faisaient une mauvaise lecture du verset du Coran qu’ils aimaient citer. Dieu y faisait comprendre que tout jugement devait se fonder sur la Vérité absolue et infaillible du Livre car toute autre référence en dehors du Coran, du Prophète et de sa descendance n’est pas protégée de l’erreur. 

Son refus de continuer le combat après avoir signé l’accord de trêve sur leur propre insistance, relevait du respect de la parole donnée conformément aux enseignements du Coran. Cependant s’il était établi que les juges n’avaient pas respecté leur serment il allait reprendre les combats. 

La bataille de Nahrawân :

Les khawârij restèrent malgré tout dans leurs croyances erronées. Et même pire, ils commencèrent à mener des actions terroristes dans les villages qui les entouraient. Ils tuèrent un voyageur et éventrèrent une femme enceinte. 

Là l’Imam ‘Alî (P), qui avait commencé sa marche vers la Syrie de Mu’âwiyah, décida de faire un détour vers Nahrawân, le siège des khawârij. Ses soldats craignaient à juste titre que les terroristes khawârij ne s’en prennent à leurs familles laissées sans défense derrière eux. Ayant fait camper ses troupes aux environs de Nahrawân, ‘Alî (P) envoya un message aux hérétiques pour les raisonner mais aussi demander à ceux d’entre eux qui le voulaient de le rejoindre encore qu’il était temps. De 12000 leur nombre passa à 3000 après le ralliement à ‘Alî opéré par ceux qui étaient convaincus par ses arguments mais aussi ceux qui craignaient pour leur vie. 

Ces 3000 khawârij irréductibles attaquèrent l’Imam ‘Alî (P) et eurent le triste sort qu’ils méritaient. L’armée de ‘Alî (P) s’en tira avec moins d’une dizaine de morts. Les quelques rares blessés parmi les khawârij furent remis à leurs parents par ‘Alî (P). Ces rescapés, renforcés par les hypocrites qui avaient rallié l’armée de ‘Alî (P) par crainte pour leur vie, ressusciteront par la suite le mouvement khâridjite qui venait d’être presque décimé. 

Les ennuis de l’Imam Alî après Cifayin et Nahrawân : 

L’échec de l’expédition contre Mu’âwiyah : 

Une fois les hérétiques khawârij exterminés, l’armée de ‘Alî (P) reprit la route vers Damas. Mais les soldats étaient fatigués. Ils demandèrent par conséquent à ‘Alî (P) de leur accorder un moment de repos afin de recharger leurs batteries et de se réarmer de façon plus conséquente face au long périple et à la force bien puissante de Mu’âwiyah qui les attendaient. En réalité il y avait en plus de ces considérations, la crainte de laisser à la merci des terroristes khawârij leurs familles sans défense. Le doute avait gagné l’esprit des soldats et la suspicion mutuelle celui de certains chefs de guerre. Un jour de congé fut accordé à tous ceux qui avaient des affaires urgentes à régler à Kûfa, la ville voisine du camp retranché où ils s’étaient retirés. Le congé épuisé, les soldats ne rentrèrent pas. ‘Alî (P) fut obligé d’aller en ville pour les faire revenir à travers des appels publics. Rien n’y fit. L’expédition contre la Syrie venait ainsi d’avorter. ‘Alî (P) se résigna à l’abandonner avec beaucoup d’amertume. 

Les avancées de Mu’âwiyah : 

En Egypte : 

Plusieurs hommes se succédèrent au poste de gouverneur de cette province depuis la fin du règne de Usmân. D’abord Ibn Abî Sarh, nommé par Usmân, partit à Médine au secours du Calife assiégé. Avant d’arriver à Médine, la nouvelle de la mort de Usmân et du choix de ‘Alî (P) comme Calife lui était parvenue. Etant opposé à Alî (P) dont il craignait le jugement que celui-ci porterait contre lui, il préféra ne pas revenir en Egypte et alla se réfugier à Damas auprès de Mu’âwiyah. 

Avant de partir pour Médine, il avait confié les affaires de la province à Muhammad Ibn Hothayfah, le fils d’un valeureux Compagnon du Prophète. Muhammad (p) était un homme pieux et juste qui dénonçait publiquement les défauts criards de Mu’âwiyah. Ce dernier lui tendit un piège en le faisant inviter puis capturer par Amr Ibn al-Âç dans une ville frontalière. Pendant ce temps, ‘Alî (P) avait nommé un nouveau gouverneur pour l’Egypte en la personne de Qays Ibn Sa’d Ibn Obâdah64[64]. Quand Qays arriva en Egypte, Muhammad était déjà parti et ne revint plus pour la raison citée au paragraphe précédent. Qays réussit à restaurer l’autorité du Calife ‘Alî (P) dans presque toute la province à l’exception d’une ville rebelle, celle de Kharamba, qui continuait à réclamer la vengeance du sang de Usmân65[65]. Qays trouva sage de renoncer à soumettre Kharamba par la force. L’impôt légal ne leur était même plus exigé. Mu’âwiyah se trouvait bien ennuyé devant la puissance du pouvoir de Qays. Il tenta, comme à son habitude, de ruser pour l’éliminer en essayant de le mettre en mal avec ‘Alî (P) concernant les rebelles de Kharamba. 

‘Alî (P) sut éviter le piège de la zizanie tendu par Mu’âwiyah mais ce ne fut pas le cas de Qays. ‘Alî (P) demanda, en effet, à Qays de ramener à la raison avec fermeté les contestataires de Kharamba. Qays manqua de clairvoyance en refusant d’obéir à son Calife. ‘Alî (P) le démit de ses fonctions en nommant Muhammad Ibn Abû Bakr gouverneur d’Egypte. ‘Alî (P) venait de prouver encore une fois, s’il en était besoin, que si un de ses hommes de confiance s’écartait du droit chemin, il n’hésitait pas un seul instant à le démettre. C’était en 38 A.H. Malheureusement Muhammad était aux antipodes de Qays. Il se mit tout de suite à pourchasser avec fracas ceux qui continuaient à vouloir venger le sang de Usmân. Son autorité en prit un coup et le désordre s’installa dans la province. ‘Alî (P) fut obligé, pour restaurer son autorité et dans sa constante quête de justice et d’équité, d’envoyer un autre homme pour le remplacer, en l’occurrence Mâlik Al-Achtar. 

Avant même que celui-ci n’arrivât en Egypte, Mu’âwiyeh fit empoisonner Mâlik lors d’une halte. Il promit au notable chez qui Mâlik devait observer cette halte, de le dispenser de la Zakât sur les revenus qu’il collectait. Le notable cupide mit une overdose de poison mortelle dans un verre de miel qu’il porta à boire à Mâlik. 

Lorsqu’on lui apprit la réussite de son lugubre projet, Mu’âwiyah s’en enorgueillit en poussant : 

« Inna lillâhi junûdun fil assal », soit « Dieu a des soldats dans le miel » pour dire qu’on peut combattre ses ennemis avec le miel. Grandissime sacrilège pour un aliment dont Dieu disait dans le Saint Coran qu’il était un remède pour l’homme à de multiples maux. Mâlik Al-Achtar éliminé et Muhammad Ibn Abû Bakr affaibli par le désordre qui régnait autour de lui, Mu’âwiyah rendit le coup de grâce à l’autorité de ‘Alî (P) en Egypte en lançant une attaque guerrière décisive contre l’Egypte. Mu’âwiyah prit ainsi possession de l’Egypte. Muhammad Ibn Abû Bakr fut capturé puis sauvagement tué par l’ennemi. Il fut enfermé vivant dans la peau recousu d’un âne et brûlé avec cette enveloppe. Quand sa tête grillée fut livrée à sa sœur Aïcha, la veuve du Prophète (p) en fut profondément marquée. Abûl-Fidâ nous raconte que depuis lors elle appelait à chaque prière la malédiction de Dieu sur Amr Ibn al-Âç et Mu’âwiyah. 

                                                            

64[64] Pour mémoire, Sa’d Ibn Obâdah avait refusé de prêter allégeance à Abû Bakr et finit par être tué par Khalîd Ibn Wâlid dont le fils était dans l’armée de Mu’âwiyeh. Ils accusèrent ensuite les djinns (?!) d’avoir tué Sa’d. 65[65] Al-Tabarî.

A Basrah : 

Le désarroi et l’affliction de ‘Alî (P) furent immenses devant les pertes cruelles de Muhammad Ibn Abû Bakr et de Mâlik Al-Achtar triplées de celle de l’Egypte. Ce, d’autant plus qu’il n’avait aucun moyen de riposter malgré tous ses appels à la levée d’une armée suffisamment forte pour attaquer Mu’âwiyah. 

Dans cette même année 38 A.H., le gouverneur de Basra, Abdullâh Ibn Abbâs vint à Kûfa consoler son cousin ‘Alî (P). Mais son absence fut exploitée par Mu’âwiyah pour lancer une attaque contre Basra. ‘Alî (P) y dépêcha un renfort commandé par Jariya Ibn Qidâmah. Les forces de Alî réussirent à reprendre la ville et à réinstaller Abdullâh Ibn Abbâs revenu de Kûfa. Tout le long de l’année 39 A.H. qui suivit, l’armée de Mu’âwiyah sema le désordre et l’insécurité sur la quasi-totalité du territoire soumis à l’autorité du Calife ‘Alî (P). Le but visé fut en partie atteint : diminuer le charisme de ‘Alî (P) auprès des populations et donc fragiliser son pouvoir en instaurant un sentiment permanent d’insécurité. 

Au Hidjâz : 

C’est en l’an 40 A.H. que Mu’âwiyah décida de prendre Médine et la Mecque, les deux villes phares du Hidjâz. Bosar, le chef de guerre du contingent Syrien réussit à extorquer aux notables de ces villes le serment d’allégeance à Mu’âwiyah puis il prit la direction du Yémen. Au Yémen, les partisans de Mu’âwiyah massacrèrent un grand nombre de partisans de ‘Alî (P). D’une cruauté inégalable, Bosar y mit à mort de façon atroce deux garçons, petits-fils de Ubaydullâh Ibn Abbâs qui était un cousin de ‘Alî (P) et gouverneur du Yémen. Ce dernier s’était enfui devant la supériorité de l’adversaire. 

‘Alî (P) envoya sa cavalerie à la rescousse des Yéménites. A leur arrivée au Yémen, Bosar était déjà parti. Les soldats de Jariya Ibn Qidâmah poursuivirent leurs ennemis à Najrân où ils avaient été bien accueillis. Les rebelles s’enfuirent à la vue de leurs poursuivants tandis que ceux des collaborateurs des envahisseurs dont la culpabilité était avérée furent exécutés par Jariya et ses soldats. 

Jariya continua sa reconquête jusqu’à la Mecque puis Médine où, à chaque fois, il chassa l’envahisseur et restaura l’autorité de Alî (P). 

La mort atroce des deux petits-fils de son cousin Ubaydullah provoqua la colère de ‘Alî (P) qui appela la malédiction de Dieu sur Bosar. Il devint effectivement fou jusqu’à la fin de sa vie. 

Les défections de certains proches : 

Le Calife ‘Alî (P) n’eut véritablement jamais le temps de gouverner pendant les cinq années que dura ce qu’on appelle injustement son règne. Il devait consacrer tout son temps et son énergie à la lutte contre les ennemis qui attaquaient de toutes parts – Nous y reviendrons. Cependant parmi toutes les défections d’hommes qu’il connut dans cette période trouble, il y en eut deux qui l’affligèrent particulièrement. 

La première fut celle de son cousin Ubaydullah Ibn Abbâs, le gouverneur de Basra. ‘Alî (P) avait reçu plusieurs plaintes contre Ubaydullah pour des malversations et autres détournements de deniers publics. Il le fit convoquer en vue de vérifier les comptes du trésor public Ubaydullah refusa d’obtempérer et même en rajouta en s’enfuyant vers la Mecque avec un important pactole malgré l’opposition des gens de Basra. La deuxième défection, fort pénible pour ‘Alî (P), fut celle de son propre frère ‘Aqîl. Celle-là suivit de peu la première citée. ‘Aqîl avait demandé avec insistance à ‘Alî (P) une aide supplémentaire provenant du trésor public. ‘Alî (P) qui souhaitait vraiment satisfaire la demande de son frère, lui proposa pour l’éprouver de pénétrer à la faveur de la nuit dans la maison d’un riche voisin. Et là ‘Aqîl allait pouvoir satisfaire sa demande. Le frère interloqué lui demanda s’il était sérieux. ‘Alî (P) lui expliqua qu’il trouvait plus facile, le Jour du Jugement de se défendre contre un seul individu (le riche voisin) que contre toute la Umma. 

Après cela ‘Aqîl, toujours insatisfait, alla trouver Mu’âwiyah qui l’accueillit avec bonheur et le couvrit de biens. 

La conspiration d’un trio de khawârij : 

Les khawârij avaient continué à mener des actions subversives pendant l’an 39 A.H. mais ces soulèvements furent à chaque fois annihilés par les forces de ‘Alî (P). Ils s’étaient finalement confinés dans une retraite de façade. Les forces auxquelles ils s’opposaient, celles de ‘Alî (P) et de Mu’âwiyah à la fois, étaient nettement supérieures à la leur. Tout de même trois d’entre eux se rencontrèrent lors du Pèlerinage à la Mecque de l’an 39 A.H. Ils s’engagèrent à venger le sang de leurs nombreux martyrs et à « libérer l’Islam de ses apostats » qui étaient ‘Alî, Mu’âwiyah et Amr Ibn al-Âç. Borâq Ibn ‘Abdullâh al-Taymî, Amr Ibn Bakr al-Taymî et Abdou Rahmân Ibn Muljim firent le serment de se sacrifier pour tuer respectivement Mu’âwiyah, Amr et ‘Alî (P). 

Les deux premiers manqueront leur objectif. A Damas, Borâq réussit effectivement à porter un coup de poignard à Mu’âwiyah au niveau de l’aine sans pour autant le tuer. Devant le dilemme de choisir entre une potion qui devait le rendre impuissant et la cautérisation de l’ouverture provoquée par le poignard, Mu’âwiyah préféra la potion. Il eut la vie sauve tandis que le coupable eut les mains et les pieds coupés en guise de sanction avant d’être tué plus tard à Basra où on l’envoya. Le gouverneur de cette ville le punira de la sorte pour avoir eu un fils après avoir privé son Calife de cette capacité. 

Le deuxième terroriste, lui, tua un certain Kharijah à la place de Amr Ibn al-Âç qui s’était fait remplacer ce jour-là pour une diarrhée qui lui valut la vie sauve. Il n’épargnât pas pour autant la vie de son homonyme qu’il ordonna d’exécuter immédiatement. Seul des trois khawârij, Abdou Rahmân Ibn Muljim arrivera à ses fins pour le grand mal de l’Islam. 

Toutes les trois tentatives de meurtre avaient un dénominateur commun. Elles se déroulèrent pendant la prière du matin du même jour convenablement fixé plusieurs mois à l’avance. Il faut dire que l’heure de la prière du matin était le moment favori des assassins de l’époque pour accomplir leur sale besogne. 

La mort de ‘Alî (P) : 

Le vendredi 19 du mois de Ramadhân de l’an 40 A.H. fut un triste jour pour la Umma. C’est ce jour-là que l’Imam ‘Alî (P) fut blessé à la tête par Abdou Rahmân Ibn Muljim. Dés que son assassin l’eut frappé avec son sabre pendant la prière du matin, Alî réussit à se retourner et à l’attraper par le bras. Il prononça ces mots : « Fûztu wa Râbûl-Kâbah », soit à peu près « J’ai gagné ! Au nom du Seigneur de la Kâbah »

Ce cri de victoire de ‘Alî (P), attesté par un parjure, se rapportait à tout le cheminement de l’Imam ‘Alî (P). En somme la victoire de la vérité, de la justice et du bien sur le mensonge, l’injustice et le mal. 

Ensuite l’Imam ‘Alî (P) le confia à Al Hassan (P) à qui il indiqua : « Garde-le en prenant bien soin de lui. Si je meurs, tu le fais tuer d’un seul coup comme il a fait avec moi. Si je ne meurs pas alors je jugerai son affaire. » 

Puis il désigna Al-Hassan (P) comme son successeur66[66] avant de lui demander de faire la même chose avec Al-Hussein (p). Il lui donna ensuite la liste complète des onze Imams qui devaient lui succéder. 

Il s’éteignit à l’âge de soixante trois ans dans la nuit du Samedi au Dimanche67[67], soit le 21 Ramadhân A.H. de l’an 40 A.H. Ses fils Al-Hassan (P) et Al-Hussein (P) et le fils de son frère Jâ’far, Abdullâh, procédèrent au lavage mortuaire. Al-Hassan dirigea la prière sur le corps de l’Imam. Il fut ensuite enterré à Al Nadjaf Al-Achraf situé à sept kilomètres de Kûfa. Cet endroit sera plus connu sous le nom de Machhad ‘Alî (P) (le sépulcre de ‘Alî). 

LE MAUSOLLEE DE ‘ALI (P) : 

Le Prophète Ibrahim (P) et son fils Isaac (P) se rendirent un jour à Nadjaf; à l’époque, cette région était le théâtre de fréquents tremblements de terre. Mais durant tout leur séjour les habitants de cette contrée connurent l’accalmie. 

Une nuit, les Prophètes Ibrahim (P) et Isaac (P) quittèrent Nadjaf pour un village voisin et après leur départ, les tremblements reprirent. A leur retour le Prophète Ibrahim (P) et son fils Isaac (P) acceptèrent de demeurer à Nadjaf à la demande insistante des habitants à condition que ces derniers acceptent de leur vendre la vallée située à l’arrière du village pour qu’ils puissent y pratiquer l’agriculture. 

Isaac (P) tenta de convaincre son père d’y renoncer. Mais le Prophète Ibrahim (P) prédit Un grand événement à son fils: « un jour, on y trouverait une tombe et il y serait érigé un mausolée par la grâce duquel soixante douze mille personnes accéderaient au Paradis. En outre, ces heureuses personnes pourraient intercéder en faveur d’autres croyants ». La Vallée qu’ Ibrahim (P) souhaitait acquérir s’appelle la Vallée de la Paix ou Wadi Salaam. Et, il a été rapporté de l’Imam ‘Ali Ibn Al Hussein (P) un Hadith d’Imam ‘Ali (P) selon lequel « cette Vallée de la Paix fait partie intégrante du Paradis. Et que tout croyant où qu’il se trouve, à l’Est comme à l’Ouest, après la mort, son âme est transportée dans ce Paradis pour y demeurer dans la paix et la quiétude ». 

Imam ‘Ali (P) poursuit. « Comme rien dans l’univers n’est caché à mes yeux, je vois les habitants du Barzakh (intermonde), assis ici même, en groupes, discutant entre eux. » 

L’origine de l’appellation de Nadjaf : 

                                                            

66[66] Al-Suyûti. 

67[67] Id. D’autres auteurs disent plutôt qu’il survécut pendant trois jours à sa blessure et mourut le lundi 22 Ramadhân de l’an 40 A.H. Egalement son âge est sujet de controverse entre les historiens quoiqu’il nous soit revenu très fréquemment ce nombre de 63 ans.

Autrefois, une montagne dominait la région de Nadjaf. Lorsque le Prophète Nuh (P) {dont la tombe ainsi que celle d’Adam (P) le père de l’humanité se trouve à l’intérieur du mausolée de ‘Ali (P} finit de construire son arche, il reçut l’ordre d’Allah de monter à bord avec quelques paires d’animaux et les croyants. 

Kanaîn, un de ses fils qui avait rejeté la croyance en Un Seul Dieu, refusa alors de prendre place à bord de l’arche. « J’irai au sommet de cette montagne aussitôt que je verrai apparaître les premières eaux » dit-il. 

Et aussitôt, toute la montagne s’effondra en un temps record : et c’est ainsi que Kanaîn fut emporté par les vagues. Une large rivière se forma à l’endroit où se trouvait la montagne. Mais au fil du temps, la rivière s’est tarie, et l’endroit fut appelé Nay-Jaff, c’est-à-dire « la rivière asséchée ».  

III – LE REGNE DES UMAYYADES : 

Les difficultés puis la mort de Al-Hassan (p) : 

Les gens de Kûfa firent allégeance à Al-Hassan Ibn ‘Alî (P) en tant que nouveau Calife de la Umma islamique. Il ne restait à cette époque sous la domination de ‘Alî (P) plus que le Hidjâz (Médine et la Mecque) et Kûfa. 

Al-Hassan (P) resta six longs mois sans la possibilité de reprendre la lutte armée – malgré toutes ses vaines tentatives à l’instar de son père – contre Mu’âwiyah, un ennemi réellement puissant. L’armée dont il avait hérité de ‘Alî (P) était affaiblie par son manque d’effectifs, ses querelles internes et son inorganisation. 

Dans cette situation déjà critique, Mu’âwiyah envoya une forte armée à Kûfa pour assujettir Al-Hassan (P). 

Compte tenu de cet état de fait, il comprit qu’il devait négocier avec l’ennemi. Un mauvais arrangement valant mieux qu’un bon procès, de la même façon on pouvait dire qu’un pacte de paix circonstancié valait mieux qu’une bonne guerre qui aurait hypothéqué définitivement l’avenir de l’Islam à travers l’extermination de ses ultimes et rares représentants. C’est ainsi qu’un accord de paix fut signé entre Al-Hassan (P) et Mu’âwiyah. Selon Al Tabari et Ibn Al-Athîr, Mu’âwiyah a envoyé une feuille blanche à Al-Hassan au bas de laquelle il avait apposé son estampille, ainsi qu’une lettre dans laquelle il a écrit : « Pose les conditions qui te conviennent dans cette feuille que j’ai signée, je les accepterai. »68[68] 

Les conditions que Al-Hassan (P) a posées sur cette feuille ont été relatées de façon négligée par les historiens pour la simple raison que Mu’âwiyah avait annoncé dés sa prise du pouvoir qu’il n’en respecterait pas une seule. Toutefois une analyse des différentes versions permet de retenir le minimum qui suit. 

Il était écrit que Hassan (P) devait renoncer au Califat (temporel) pour le compte de Mu’âwiyah et le remplacer à sa mort. Il conservait cependant le pouvoir spirituel de guidance de la Umma dont Dieu l’avait investi et qu’aucun homme ne pouvait lui retirer. 

                                                            

68[68] Al-Tabarî, Tome VI, Page 93. Ibn Athîr Tome III, Page 162.

Mu’âwiyah s’engageait en retour à appliquer le Coran et la Sunna, à ne pas léguer son pouvoir à sa descendance mais à Al-Hassan (P) ou alors à Al-Hussein (P) s’il arrivait un malheur au premier des deux. 

De plus il renonçait à poursuivre et à maltraiter les chîa’ (partisans de Ahlul Bayt) sur toute l’étendue du territoire de l’Empire suite aux différentes guerres qui les opposèrent. Al-Hassan (P) quitta Kûfa et se retira à Médine où il mourut empoisonné le 28 du mois Saffar 

de l’an 5069[69]. Mu’âwiyah avait commandité le meurtre. Il promit à une dame70[70], qui était déjà une épouse de Al-Hassan (P) ou qui réussit à l’être afin de réussir son acte, de la donner en mariage à son fils Yazid avec une dote très conséquente, si elle arrivait à empoissonner AlHassan (P). La femme réussit à empoisonner celui qui était alors son époux au moment du meurtre, Al-Hassan (P). 

Quand elle s’empressa de donner la nouvelle de la réussite de son opération, Mu’âwiyah lui répondit : « Si nous ne souhaitons même pas te donner en mariage à Al-Hassan (P), comment pourrait-on alors t’offrir Yazid ? » Tout de même elle aurait reçu une récompense matérielle. Al-Hassan (P) eut le temps de dire à Al Hussein (P) qu’il avait demandé à Aïcha d’être enterré près de son grand-père Muhammad (P) dans l’appartement de la Mère des Croyants. Et que si toutefois il en venait des gens qui refusaient pareille demande, il fallait que Hussein (P) évitât de faire couler le sang pour autant. 

Marwâne était en ce moment-là le représentant de Mu’âwiyah à Médine. C’est lui qui empêcha Al-Hassan (P) d’être enterré auprès de son grand-père (P). Finalement il fut enterré à Baqi, le cimetière musulman de Médine. 

Al-Hussein (P) lui succéda. Il était l’Imam de sa communauté, en dirigeait la partie spirituelle et cachée sans toutefois avoir les bénéfices matériels du règne terrestre. Mu’âwiyah s’était définitivement approprié cet aspect du Califat. Cette fois le Califat (commandement uniquement temporel) s’opposait totalement au Khilafat de Dieu qui, lui, était entre les mains de Al-Hussein (P), transmis depuis le Prophète à ‘Alî (P) puis à Al-Hassan (P). 

La « succession » d’ Al-Hassan (P) : 

A l’annonce de la mort de Al-Hassan (P), Mu’âwiyah se prosterna contre le sol. Il était tout content de cette nouvelle. Non pas que le fils de l’Imam ‘Alî (P) l’empêchait de faire ce qu’il voulait car il avait décidé de ne respecter le moindre article du pacte qu’il avait signé. Mais c’était plutôt que sa disparition le comblait de la joie de voir s’en aller un ennemi qu’il haïssait tant. 

Mu’âwiyah s’empressa de désigner son fils Yazid comme son successeur au Califat, contrairement au pacte de paix où il était écrit que Al-Hussein (P) devait lui succéder s’il arrivait quoique ce soit à Al-Hassan (P). 

Plusieurs personnalités de Médine vont s’opposer à cette décision de Mu’âwiyah. C’étaient Al-Hussein (P), Abdullâh Ibn Oumar, Abdullâh Ibn Zubair, Abdullâh Ibn Abbâs, Abdou Rahmân Ibn Abû Bakr, Abdullâh Ibn Jâ’far. Mais également tous les Banu hachémites. 

                                                            

69[69] Al-Suyûti dans Tarikhul Khulafa cite plusieurs dates, selon les auteurs : les ans 49, 50 et 51. 70[70] Cette femme était la nièce de Abû Bakr et la fille de Achath, celui-là qui s’était révolté contre Alî à Cifayin à la tête des khawârij.

Une anecdote71[71] fort enrichissante mérite à ce niveau notre attention. En effet, Marwâne reçut le message de Mu’âwiyah lui demandant et justifiant la prestation d’allégeance à son fils Yazid en tant que futur Calife après lui. Puisque Mu’âwiyah était devenu son allié, il voulut se prêter en avocat de cette innovation72[72]. Il rappela au public réuni que ce que Mu’âwiyah venait de décider n’était rien d’autre que la sunna de Abû Bakr et de ‘Umar car tous les deux avaient désigné un successeur de leur vivant. 

A ces mots, le fils de Abû Bakr, Abdou Rahmân, se leva et rectifia Marwâne : « Plutôt la sunna de Hiraculus et Khaïssar ! Ni Abû Bakr, ni Oumar n’ont légué le pouvoir à leur fils. » 

Marwâne, visiblement en colère, ordonna qu’on arrêtât Abdou Rahmân. Ce dernier courut se réfugier chez sa sœur Aïcha, la veuve du Prophète (P). Marwâne renonça à le faire sortir de la demeure de la Mère des Croyants. Mais il ne s’empêcha pas de lancer des mots de dépit à l’endroit du poursuivi : 

« Fi ! Laissez-le ! C’est de lui que parle le Coran comme ayant tourné le dos à ses parents dans un geste d’irrespect. » 

Quand Aïcha entendit ces paroles de Marwâne, elle ne put s’empêcher de répondre au fils de Hakam, celui que le Prophète (P) avait maudit jusqu’à sa descendance. Elle lui dit : 

« Tu mens ! Aucun verset du Coran n’est descendu sur notre famille73[73]. Or le Prophète a maudit ton père et toute sa descendance pendant que tu étais dans ses reins. » 

Revenons au refus des notables de Médine de faire allégeance à Yazid. Le refus de AlHussein (P) se fondait sur l’inacceptation de se soumettre à Mu’âwiyah et par conséquent à son fils. Abdullâh Ibn Zubair, lui, reprochait au père de Yazid de vouloir leur imposer deux Califes vivants. Le pire c’était que Yazid était connu pour son amour sans limite de l’alcool et son manque de piété. 

Mu’âwiyah dut se rendre en personne à Médine pour essayer de s’imposer. Il s’entretint en privé avec chacun des notables influents de Médine, Hussein (P), Aïcha, Abdallah Ibn Zubair, etc. …En vain. 

Malgré cela il fit un discours où il dit que tout ce monde avait accepté sa décision. Puis il rentra à Damas. Toujours fidèle à son image, il sema la zizanie encore une fois et mit le doute dans les esprits de sorte à amener les notables de Médine à se demander lequel d’entre eux avait consenti à la demande insensée de Mu’âwiyah. 

Cette situation resta en l’état avec Marwâne puis Seyyed Ibn Âssi comme gouverneurs successifs de Médine pour le compte de Mu’âwiyah tandis que les Banu hachémites, avec à leur tête Al-Hussein (P) ainsi que certains fils de Compagnons du Prophète (P), refusaient de se soumettre à l’autorité du chef umayyade désigné. 

Les défauts héréditaires de Mu’âwiyah : 

                                                            

71[71] Boukhâri cité par Al-Suyûti dans Tarikhul Khulafa P.230 ; Nisâ’i ; Ibn Abî Hâtim dans ses Tafsirs. 72[72] C’était bien la première fois, en dehors du Prophète dont ils avaient refuté la désignation claire et nette de Alî comme successeur, qu’un Calife nommât son successeur de son vivant en dehors de son lit de mort. 73[73] Cité par plusieurs références.

Mu’âwiyah mourut dix ans plus tard, dans le mois de Rajab de l’an 60, laissant la même situation à Médine malgré l’extension de son pouvoir dans les autres régions de l’Empire. Il fut enterré à Damas. 

Parler des défauts de Mu’âwiyah est un exercice qui nécessiterait plusieurs tomes. Tout ce que nous venons de dire n’est qu’une infime portion de la partie visible de l’iceberg de ses défauts.  

Mu’âwiyah , fils d’Abû Sofian, s’était opposé à la direction de l’Imam ‘Alî (P) puis à celle de l’Imam Al-Hassan (P) sous le prétexte fallacieux de venger le sang du troisième Calife, Usmân. Ce prétexte ne résista certes pas au temps mais il eut tout de même un effet dévastateur sur l’unité de la Umma avant de laisser la place à toute la haine viscérale de Mu’âwiyah pour la famille du Prophète (P) mais également à son ambition démesurée et héréditaire pour le pouvoir. L’origine de cette haine et de cette ambition toutes deux ancestrales de Mu’âwiyeh, remonte aux ancêtres Hâchim et Umâyyah respectivement des Banu Hâchim (le clan du Prophète (P), de ‘Alî (P) et de leurs descendants) et des bani Umâyyah (le clan de Abû Sufiyân, son fils Mu’âwiyeh et de leurs descendants). Lisons cet éclairage que nous en donne l’écrivain égyptien Abbas Mahmoud al-Aqqâd74[74], un auteur qui ne saurait être taxé d’inconditionnel de ‘Alî (P) ou de détracteur des Umayyades : 

« Hâchim et Umâyyah rivalisaient déjà, avant la naissance de Mu’âwiyah, pour le leadership ; c’est ce qui poussa Umâyyah, contraint et haineux, à quitter le Hidjâz, pour la Syrie alors que Hâchim resta seul leader des Banu Abd al-Manâf à la Mecque. Ce fut ainsi la première division entre Umayyades et Hâchimites : ceux-ci établissent leur fief au Hidjâz, et ceux-là en Syrie. 

Plus tard la notoriété d’Abû Sofian fils de Harb, fils d’Umâyyah grandira au Hidjâz où il jouira d’un leadership sublime à côté de celui des Hâchimites. Lorsque l’Appel de Muhammad (P) fut lancé, Abû Sofian Ibn Harb Ibn Umâyyah (le père de Mu’âwiyah) eut des craintes pour son leadership et se mit à l’avant-garde de ceux qui combattaient le nouvel Appel. Il est rare de trouver une bataille contre les musulmans dans laquelle Abû Sofian n’eût pas sa part active dans la mobilisation des tribus et la collecte d’argent. Le hasard voulut qu’il restât pendant un temps le seul dirigeant de la tribu de Quraych dans la guerre qu’elle menait contre le Prophète (P). En effet, après la mort d’Al Walid Ibn Mughirah, le chef des Makhzoum, et la conversion des chefs de Taym et d’autres petits clans Quraychites à l’Islam, Sofian resta seul à la tête de la direction de la Jahilia et des Umayyades à affronter le Prophète (P) et ses Compagnons parmi les Muhajirins et les ançars. L’enracinement de l’animosité chez les Umayyades envers le Prophète (P) atteignit un tel degré qu’Abû Lahab fut le seul parmi les oncles paternels du Prophète (P) à comploter et à inciter les gens contre lui ; et pour cause : il était marié à une Umayyade, Om Jamil Bint Harb (la propre sœur d’Abû Sofian) que le Coran désigna sous le surnom de Hammâlat al-Hatab (la porteuse de bûches) métaphore de l’effort qu’elle avait déployé en vue du mal et de l’attisement du feu de la haine. Abû Sofian et son fils Mu’âwiyah ne se sont convertis à l’Islam que lors de la conquête de la Mecque. La conversion de cette famille fut la conversion la plus difficile qu’on ait connue après la conquête. Ainsi, sa femme Hind Bint ‘Otbah criait aux visages des gens, après la conversion 

                                                            

74[74] Cité dans la compilation sur « l’Imam Al-Hassan (P) » par Abbas Ahmad Al-Bostani (Editée par l’Association Ahl-ElBeit).

de son mari à l’Islam : « Tuez cet homme bas, perfide et vaurien. Quel détestable avant-garde d’un peuple !… Allez ! Battez-vous ! Défendez-vous et défendez votre pays ! Abû Sofian considéra pendant longtemps la victoire de l’Islam comme une victoire sur lui. Un jour alors qu’il jetait sur le Prophète, dans la mosquée, un regard de perplexité et d’étonnement en se disant mentalement « Comme j’aimerais savoir par quoi il m’a vaincu ! », le Prophète (P) qui devina la signification de ce regard s’approcha de lui… et dit : « C’est par Dieu que je t’ai vaincu, Ô, Abû Sofian ! » 

Dans la bataille de Hunayn (vallée qui se trouve entre la Mecque et Tâ’ef ; cette bataille dirigée par le Prophète (P) en l’an 8 de l’hégire, sera finalement gagnée par les musulmans), Abû Sufiyân assistait à la première défaite des musulmans et s’enthousiasmait : « Je ne crois pas qu’ils s’arrêtent avant de gagner la mer dans leur fuite ! » et on dit que dans les guerres contre les Romains chaque fois que ces derniers s’avançaient, il criait sa joie : « Bravo les fils du Jaune » (Nom donné aux Romains par les Arabes), et chaque fois qu’ils reculaient, il exprimait tout haut sa déception : « Malheur aux fils du Jaune. » Le Prophète (P) avait fait tout son possible pour le rallier à la cause de l’Islam avant et après la conquête islamique. Il épousa sa fille Om Habibah avant la conquête, et après la conquête, il décréta l’immunité de sa maison : « Celui qui y entre est en sécurité… ». Il le mit à la tête des « cœurs à rallier » à qui on augmentait la paie dans l’espoir d’éloigner de leurs cœurs la rancune due à la victoire de l’Islam. 

Mais malgré cela, les musulmans l’évitaient. Ils refusaient de le regarder et de le fréquenter. Il finit par se lasser de cet isolement et voulut y mettre fin. Aussi pria-t-il le Prophète (P) d’engager son fils Mu’âwiyah comme scribe auprès de lui et de lui donner l’ordre de combattre les polythéistes tout comme il combattait jadis les musulmans. Puis le Prophète (P) a rendu l’âme et un différend surgit entre les Muhajirins et les Ançars et certains autres Compagnons à propos de sa succession. Abû Sofian s’est réjoui de ce trouble et a cru pouvoir opérer une brèche entre ses fissures, brèche qui le conduirait à prendre la direction des Quraych, et de là la direction de la Umma tout entière. Aussi s’est-il rendu chez l’Imam Alî (P) et Al Abbas (prétendants à la succession), dans l’intention de les inciter (à agir) et de leur proposer son aide en hommes et en chevaux : « Ô Alî ! Et toi Abbas ! Comment se fait-il que la succession soit revenue à la plus petite et la plus basse tribu de Quraych ! Par Dieu, si tu le désires, je l’inonde (Abû Bakr) d’hommes et de chevaux…75[75] Sans doute, était-il loin de s’irriter de voir la succession échapper aux Banu Hâchim. Mieux il ne se serait guère réjoui de voir la succession revenir à eux, auquel cas il n’eût aucun espoir de la leur arracher. Tout ce qu’il voulait c’était raviver un différend par lequel il espérait ouvrir une porte le conduisant à la direction de Quraych et de toute la Umma. Sa malveillance n’échappa pas à l’Imam Alî qui lui rétorqua : « …Ô Abû Sofian… ! Les Croyants sont les conseillers les uns des autres, alors que les Hypocrites se trompent et se trahissent les uns les autres, même s’ils sont proches – de maisons et de corps – les uns des autres. 

Lorsque, enfin, Usmân accéda au Califat, les Umayyades obtinrent une grande victoire, car 

                                                            

75[75] C’est-à-dire : « Je te fournirais suffisamment d’hommes et de chevaux pour assaillir et déborder les forces d’Aboû Bakr.

il était l’un de leurs chefs et un proche cousin de leurs familles. L’Etat islamique devint un Etat Umayyade aux avantages et au gouvernement duquel personne d’autre que les Umayyades euxmêmes ou leurs partisans ne pouvait accéder. Ainsi, Marwâne Ibn al-Hakam, le Super Vizir du Calife distribuait généreusement les biens à ses proches et en privait les masses. Mu’âwiyah Ibn Abû Sofian, le gouverneur de la Syrie s’entourait de proches et de partisans… Lorsque Usmân mourut, les postes de l’Etat et ses biens étaient, pour ainsi dire, tous entre les mains des Umayyades et des parvenus à leur solde… »76[76] 

Il était inadmissible pour Mu’âwiyah d’entendre le nom du Prophète (P) être proclamé cinq fois par jour dans la formule : « J’atteste que Muhammad (P) est le Messager de Dieu ». Alors que, toujours selon lui, Abû Bakr, ‘Umar, Usmân étaient morts leur mémoire enterrée avec chacun d’eux.77[77] 

C’est ce vilain sentiment de jalousie qui pesa sur Mu’âwiyah au point qu’il ordonna à ses gouverneurs, tout en l’exécutant lui-même, d’injurier l’Imam ‘Alî (P) lors de leurs sermons. Al-Allamah Abul A’lâ Al-Mawdoudi78[78], encore un auteur qui a souvent tenté d’épargner Mu’âwiyah, n’a pu s’empêcher de reconnaître : 

« Une autre hérésie hideuse est apparue sous Mu’âwiyah. Celui-ci avec lui et sur sur ses ordres – ses gouverneurs injuriaient notre maître ‘Alî du haut de leurs chaires. Ce qui est plus grave encore, ils le maudissaient – lui qui était le plus aimé du Prophète parmi ses proches parents, et le plus proche de son noble cœur – du haut de la Chaire de la Mosquée même du Prophète, devant la maison du Prophète et en présence des fils et des plus proches parents de notre maître Alî, lesquels entendaient ces injures. » « Injurier quelqu’un après sa mort est déjà une chose contraire à l’éthique humaine, et ce, sans compter qu’elle est aussi contraire à la Chari’a. Pis, mêler le Prône de la prière du vendredi à de telles bassesses était du point de vue religieux et moral une action grossière et trop détestable. » 

Bien entendu, cette pratique éhontée ne rencontra pas l’accord des musulmans sincères qui ne tardèrent pas à le manifester en venant juste au moment de la prière, après les sermons injuriants contre ‘Alî (P). 

La réaction ne tarda pas non plus à se manifester : D’abord par l’assassinat. C’est dans ce cadre que Hojr Ibn Ady, un des plus valeureux Compagnons du Prophète (P), connu pour sa piété et son ascétisme, fut exécuté avec sept de ses compagnons par Ziad le gouverneur Umayyade de Kûfa et de Basra sur ordre de Mu’âwiyah. Ce dernier renvoya à Ziad un autre des compagnons de Hojr avec une lettre dans laquelle il lui demandait de le tuer de la façon des plus horribles. Ziad ne se fit pas prier deux fois, qui l’enterra tout simplement …vivant ! 

Rappelons que leur seule faute était d’avoir protesté contre le retard qu’avait observé Ziad sur l’heure de la prière pour la simple raison que ce gouverneur Umayyade tenait d’abord à prendre son plaisir et le temps de Dieu et des musulmans à injurier l’Imam ‘Alî (P). 

                                                            

76[76] « Abqariyyât islâmiyyeh », Tome 2, par Abbas Mahmoud al-Aqqad Pages 170 et suivantes. 77[77] M.-J. Fadhlallah P.128 (citant Murûj al-Dhahab et Ibn Abi Hadid) 78[78] « Al Khîlafat Wal-Moulk » (Le Califat et le Royaume), Page 113.

Ces gens-là, Mu’âwiyah et ses gouverneurs, méritent-ils d’être protégés, encensés, loués ? Simple question pour ceux qui l’ont fait mais aussi pour ceux qui continuent de le faire ! Dieu nous a prescrit le bien en acte, en parole et en pensée. Il nous a proscrit le mal dans les mêmes conditions. Ensuite il nous a doté de la possibilité de faire le bien ou de faire le mal, en somme le libre arbitre. Enfin il nous a dit qu’il y aura le Paradis pour ceux qui auront un bilan positif et l’Enfer pour ceux qui auront un bilan négatif. Alors tâchons d’avoir un bilan positif et pour cela nous ne saurions soutenir ceux qui ont fait ou continuent de faire du mal à leurs proches. 

Le règne de Yazîd : 

Yazid Ibn Mu’âwiyah Ibn Abû Sofian est né vers l’an 26 A.H. probablement à Médine. Son père Mu’âwiyah lui transmit toute sa haine des Ahlul Bayt que lui-même avait reçue de son père Abû Sofian qui enfin le détenait d’une longue tradition de rivalités entre les clans Hâchimites (famille du Prophète P) et Umayyade pourtant toutes deux issues de la même tribu des Quraych. Le règne de Yazid dura trois ans (mais se déroula sur quatre années calendaires incomplètes) et fut marqué par de nombreuses exactions contre la Umma qu’on aurait de nos jours qualifiées de violations des droits de l’homme et même de crimes contre l’humanité. Cependant pour cerner le funeste personnage nous allons résumer son passage au pouvoir dans trois actes majeurs qu’il posa et qui marquèrent définitivement la mémoire collective musulmane. 1. La première année : Yazid tue Al Hussein (P). 2. La deuxième année : Son armée envahit Médine et y fait la razzia. 3. La troisième année : Yazid meurt pendant que son armée brûlait la Kâbah. Un bref rappel sur l’arrivée de Yazid au pouvoir nous permettra d’éclairer le lecteur sur ces trois points notamment le premier. 

En effet, comme nous l’avons déjà vu dans la partie consacrée à Al Hussein (P), Mu’âwiyah avait imposé son pervers de fils, Yazid, aux différents dignitaires de la région - sauf à Médine - en leur demandant de lui prêter allégeance de gré ou de force. Une fois au pouvoir en remplacement de son père, Yazid demanda à son représentant à Médine, Walid Ibn Oth’ba, de forcer Al Hussein (P) à lui prêter allégeance ou de le tuer s’il refusait. La suite, nous l’avons déjà racontée : Al Hussein (P) émigra tout d’abord vers la Mecque puis vers Kûfa pour finir par être sauvagement assassiné avec sa famille ainsi que de grands Compagnons du Prophète (P) à Karbala. L’exécutant était Ibn Ziad (Gouverneur de Kûfa et chef de l’armée qui exécuta le carnage et qui était dirigée par deux chefs : Hûr Ibn Yazid Arriyahi et ‘Umru Ibn Sâ’ad). Le commanditaire de cet abominable massacre était Yazid. Nous avons vu également l’immense joie qu’il manifesta à travers un poème composé expressément lorsqu’il reçut la tête tranchée de Al Hussein (P). C’était là le premier des trois actes majeurs qui ont marqué le règne de Yazid. Une « prouesse » extraordinaire s’il en est puisqu’il venait de faire exterminer, à l’exception de l’imam Zein El Abédine Ibn Al Hussein (P) et de l’imam Al- Baqir (p) (qui à l’époque n’avait que cinq ans) , la grande majorité de la descendance du Prophète (P). Bien entendu, contrairement à une idée fausse mais très répandue dans certains groupes islamiques, certains fils de Al Hassan (P) ont survécu à ce massacre même si d’autres y sont restés.

Cette « prouesse » de Yazid va provoquer sa deuxième « prouesse ». En effet, les habitants de Médine désapprouvèrent tellement la mort atroce de l’Imam Al Hussein (P) qu’il décidèrent de chasser tous les représentants de Yazid à Médine à commencer par le Gouverneur Al Walid Ibn Oth’ba. Pour les médinois la mort de Al Hossein (P) était la goutte d’eau qui venait de faire déborder le vase de leurs reproches aux hommes de Yazid. Ceux-ci, à l’image de leur chef, étaient de si grands pécheurs endurcis que les médinois disaient qu’ils craignaient que « Dieu fasse pleuvoir des cailloux sur leurs têtes »79[79]. 

Le Gouverneur chassé envoya une lettre à son chef Yazid pour l’informer de l’expulsion de Médine de tous les umayyades. 

Yazid désigna un chef de guerre du nom de Muslim (Musrif lui aurait mieux convenu au vu de son pouvoir de destruction). Ce choix reposait essentiellement sur un seul critère : la cruauté. C’est cet homme qui dirigea vers Médine une armée de trente mille soldats. La résistance des médinois ne fut hélas que de courte durée. Au moins quatre mille compagnons, descendants de compagnons et leurs femmes furent humiliés, torturés, violés, massacrés. Une véritable razzia ponctuée de sataniques scènes d’orgies. Cette bataille, fort célèbre dans le monde islamique, est plus connue sous le nom de 

Wakh’atou Hârâ (la bataille de Hârâ). 

C’était là la deuxième « prouesse » de Yazid. Cela se passa lors de la deuxième année de son règne. 

Yazid fut très satisfait du résultat qu’il venait d’obtenir à Médine et demanda à Muslim alias Musrif de faire un détour du côté de la Mecque pour donner la même leçon de soumission à Ibn Zubair. Ce dernier avait pris les rênes du commandement après le départ de Al Hossein (P) pour Kûfa en Irak. 

Cependant la colère de Dieu descendit sur Muslim alias Musrif sur sa route vers la Mecque. Il mourut. Cela n’empêcha pas son armée de continuer sa marche sous le commandement de son second désigné au départ de Damas par Yazid. 

Des combats farouches opposèrent l’armée du fils du Compagnon du Prophète, Ibn Zubair, à l’armée de Yazid. Ceci dura des mois. 

Les soldats de Yazid assiégèrent la Kâbah, le plus grand symbole de l’Islam. C’est lorsque les soldats de Yazid mirent le feu à la Kâbah après l’avoir cassée sur plusieurs parties et qu’elle s’enflammait comme un torchon imbibé d’essence que la nouvelle de la mort de Yazid parvint à son armée. C’était là la troisième et dernière « prouesse » de Yazid. De celle-ci il ne sut se tirer. C’était dans la première moitié du mois de Rabi –Al-Awal de l’an 64 A.H. Le repli ne fit point l’objet d’un débat. L’armée de Yazid qui venait de perdre son chef battit en retraite en toute vitesse, permettant à Ibn Zubair de devenir le maître de l’Arabie partout sauf dans les bastions imprenables de la Syrie et plus tard de l’Egypte. Ces deux provinces restèrent sous la dominance des umayyades. 

Ibn Zubair sera tué en l’an 73 par l’armée de Abdul Mâlik Ibn Marwâne. Son corps nu sera ensuite suspendu à une corde et exposé pendant plusieurs jours. 

                                                            

79[79] Dans Tarîkhul Khulafa de Al Sûyûti Page 237.

La dynastie des Umayyades après Mu’âwiyah et Yazid : 

Après la mort de Mu’âwiyah en l’an 60 A.H., son fils Yazid resta au pouvoir jusqu’au début de l’année 64 A.H. 

Mu’âwiyah Ibn Yazid succéda à son père à l’âge de 21 ans pour une durée de 40 jours, deux mois ou 3 mois selon les versions. 

Marwâne, ex-gouverneur d’Egypte, prit Damas puis initia une attaque en règle contre Ibn Zubair qui gouvernait alors la Mecque. 

Son fils, Abdul Mâlik Ibn Marwâne acheva le travail de son père mort entre temps. Il encercla Ibn Zubair à la Mecque en l’an 73 A.H. et le tua. Après Abdul Mâlik Ibn Marwan, vinrent dans l’ordre : Walid Ibn Abdul Mâlik, 

• Suleyman Ibn Abdul Mâlik, 

• ‘Umar Ibn Abdul Aziz. Il fut le seul à avoir reconnu que leur dynastie avait 

usurpé le pouvoir des mains des descendants du Prophète (P) et à avoir décidé de le leur rendre… sans être passé à l’acte toutefois. Il leva l’ordre donné aux Imams des mosquées d’insulter obligatoirement la famille du Prophète (p) (l’Imam ‘Ali en tête) lors du sermon (Khutba) de la prière du Vendredi. 

• Yazid Ibn Abdul Mâlik, 

• Hichâm Ibn Abdul-Mâlik, 

• Al Walid Ibn Yazid Ibn Abdul Mâlik, 

• Yazid al-Nâqis (ou encore Abû Khalîd Ibn Abdul Mâlik), 

• Ibrahim Ibn Walid Ibn Abdul Mâlik, 

• Marwâne Himâr, dernier Calife Umayyade. 

Quelques observations d’ordre généalogique sur cette dynastie, s’imposent : 

─ Le premier régnant, Mu’âwiyah, est fils de Abû Sofian qui lui-même est suffisamment connu pour avoir été un grand ennemi de l’Islam et un pourfendeur du Prophète (p) devant l’Eternel. 

─ Le second, Yazid, est fils du premier. C’est tout dire sinon qu’il a fait pire que son père…et encore (!) 

─ Le troisième, un autre Mu’âwiyah, est le fils de Yazid. Il ne fit ni du bien ni du mal pour avoir régné moins de trois mois. 

─ Le quatrième, Marwâne, est le fils de Haqâm qui fut chassé de Médine et maudit ainsi que toute sa descendance par le Prophète (P). 

─ Les autres sont des descendants de Marwâne, donc maudits comme ce dernier par l’Illustre Envoyé de Dieu. 

Cette dynastie régna durant quatre vingt trois (83) ans et fit un mal incommensurable à l’Islam et à la Umma.

Le règne des Abbassides suivit celui des Umayyades et le dépassa en terreur, horreurs, cruautés, écarts vis à vis des enseignements du Prophète (p). Bref, les Abbassides plongèrent la Umma, davantage encore que les Umayyades, dans les ténèbres de la mécréance, de l’ignorance et de l’obscurantisme. 

IV – LES CINQ ECOLES : 

Plus d’un siècle après la disparition du Prophète de l’Islam (p), il n’existait aucune autre école (Madzhab) d’interprétation du Coran et de définition de la jurisprudence que celle des Ahlul Bayt (P) ; c’est-à-dire celle initiée par le Prophète (P) et perpétuée par l’Imam ‘Ali (P), les onze Imams issus de cette lignée et toutes les autres illustres lumières de la galaxie des Ahlul Bayt (P) et de leurs adeptes. C’est donc la première des écoles de l’islam. C’est seulement avec l’usure du temps et la séparation de plus en plus marquée par les guerres et l’ignorance des dirigeants temporels, entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, que d’autres écoles ont été créées. 

C’est ainsi qu’aujourd’hui les sunnites s’alignent généralement derrière l’une des quatre grandes écoles qui sont les écoles hanafite (Abu Hanifa Nou’mân), châfiite (Imam Shâfi’î), mâlikite (Imam Mâlik Ibn Anas) et hanbalite (Imam Ahmad Ibn Hanbal). Disons-le tout de suite : aucun de ces quatre Imams n’a proclamé sa scission de la direction principale, unique et originelle de l’Islam. Aucun d’entre eux n’a non plus reconnu ou accepté d’être l’initiateur d’un courant particulier d’interprétation du Coran et de la Sunna quand bien même certains de leurs enseignements s’écartaient très nettement des enseignements originels. Et même mieux, Abu Hanifa et Shâfi’î ont reconnu dans des textes incontestables et connus80[80] de tout le monde musulman, s’être trompés en certains points. Ils ont également toujours reconnu que ceux qui connaissaient le mieux le Coran et ses méandres les moins explicites étaient les descendants de la Sainte lignée des Ahlul Bayt (P). Malheureusement, au moment où ils se corrigeaient leurs enseignements étaient déjà dispersés dans toutes les régions du monde musulman. De ce fait les erreurs étaient à tel point répandues que les contradictions semaient le doute dans la tête des disciples quand elles ne les mettaient pas tout simplement en conflit. Le premier des initiateurs de ces quatre écoles, Abu Hanifa Nou’mân, naquit en 80 A.H. et mourut en 150 A.H. Il était un grand érudit qui avait beaucoup appris et écrit sur l’Islam. Avant d’aller à la rencontre de l’Imam Jâ’far Çâdiq (P), il avait reçu de Mansour le Calife abbasside de l’époque, l’ordre de préparer les quarante questions de jurisprudence les plus corsées qui soient afin de pouvoir mettre à l’épreuve le descendant du Prophète (P). L’échec de Jâ’far (P) aurait permis à Mansour de pouvoir l’attaquer en tant qu’imposteur ou mystificateur et donc de réaliser son rêve de l’anéantir. Rappelons que Jâ’far Çâdiq (P) est le sixième de la liste des douze Imams Ahlul Bayt (p). Il œuvra beaucoup à l’organisation et à la divulgation des enseignements des Ahlul Bayt. 

Malheureusement pour Mansour, Jâ’far (P) répondit à toutes les questions de Abu Hanifa Nou’mân avec une grande aisance, une justesse et une éloquence qui éblouirent ce dernier81[81]. Lorsqu’on lui posa la question de savoir qui était le plus instruit en matière islamique, l’initiateur 

                                                            

80[80] ‘Manâkhib Ali Abi Tâlib fi Akhwâlil Imamu Çâdiq’ le cite à partir de ‘Musnad Abu Houneyfa’. 81[81] Dans Manâkhib Ali Abi Tâlib fi Akhwâlil Imamu Çâdiq.

de l’école Hanafite répondra82[82] : 

 « Je n’ai jamais vu quelqu’un de plus érudit dans la connaissance de l’Islam que l’Imam Jâ’far Çâdiq ». 

Bien après les deux années qu’il passa en tant que disciple à s’abreuver à la source du savoir qu’était Jâ’far Çâdiq (P), il ajoutera : 

« Si ce n’était deux ans Nou’mân serait détruit »83[83], reconnaissant ainsi que ces deux années passées à acquérir des connaissances islamiques auprès de l’Imam Jâ’far (P) lui ont permis de rectifier bien des erreurs précédemment acquises comme justes. Quant à l’Imam Mâlik, il a dit84[84] de Jâ’far Çâdiq (P) : 

« Un œil n’a jamais vu, une oreille n’a jamais entendu, un cœur n’a jamais ressenti quelqu’un de meilleur que l’Imam Jâ’far Çâdiq en vertu, en connaissance, en piété et en modestie. » 

Muhammad Ibn Tal’ha le Shâfi’îte raconte dans son Matalibu souhal : l’Imam Ahmad Ibn Hanbal a dit : 

« Ne sont jamais descendues sur un compagnon du Prophète (P) autant de vertus et de qualités que sur l’Imam ‘Ali ». C’est là une reconnaissance explicite de la justesse de l’école des Ahlul Bayt (p). 

Dans son Assawâhiq, Ibn Hajar nous transmet plusieurs témoignages de l’Imam Châfi’i portant sur les qualités d’érudition, de droiture, de générosité d’âme et de bien d’autres vertus. Nous en retiendrons deux poèmes : 

 « Ya ahla beyti rassoulilahi houbou koumou 

Fardoun mina lahi fil khurhani anzalahou » 

« Kafâkoum mine azimil fakhri anâ koumou 

Malam you sali alleykoum lâ salâta lahou » 

Ce qui signifie : 

« Ô descendants de la famille de l’Envoyé de Dieu Vous aimer, c’est une obligation venant de Dieu C’est dans le Coran qu’Il l’a fait descendre. » « Il vous suffit comme une grande fierté, vous, Que celui qui ne prie pas sur vous voit sa prière invalidée. » 

Il tirait cette affirmation d’un verset du Coran où Dieu, après avoir dit que Lui et Ses Anges prient sur le Prophète (P), demande aux croyants d’en faire autant : 

 « Certes, Allah et Ses Anges prient sur le Prophète; ô vous qui croyez priez sur lui et 

                                                            

82[82] Dans Musnad Abu Hanifa, Al Hassan Ibn Zyad a dit qu’il a entendu Abu Hanifa dire cela. 83[83] Cette citation que nous préférons traduire littéralement pour lui conserver tous son sens, est très connue et est reconnue indiscutable par tous les grands historiens. 

84[84] Dans Manâkhib Aali Abi Tâlib fi Akhwâlil Imamu Çâdiq.


adressez (lui) vos salutations. » (Al-‘Ahzâb 33 : 56) Or le Prophète (P) a demandé aux musulmans de ne pas prier sur lui une prière stérile, en précisant que quiconque priait sur lui devrait le faire également sur sa descendance : 

 « Ne priez pas sur moi une prière stérile, c’est-à-dire une prière qui s’arrête à moi seul sans s’étendre à ma descendance ». 

A présent, on sait donc que tous les initiateurs des quatre écoles sunnites ont fait les louanges des Ahlul Bayt (p) et de la pureté de leurs enseignements à la source desquels ils se sont d’ailleurs bien abreuvés. Car Abu Hanifa Nou’mân (80 – 150 A.H.) fut un disciple de l’Imam Jâ’far Çâdiq (P). De plus l’Imam Mâlik (95 – 179 A.H.) apprit beaucoup auprès de l’Imam Jâ’far Çâdiq (P) mais aussi auprès de Abu Hanifa tandis que l’Imam Shâfi’î Ibn Anas (150 – 204 A.H.) en fit de même auprès de Mâlik. Enfin l’Imam Ahmad Ibn Hanbal (164 – 241 A.H.) suivit les enseignements de l’Imam Shâfi’î. Quand à Al Ash’arî, autre fondateur d’école connu, il naquit seulement en 250 A.H., et mourut peu après 300 A.H. Tout ceci montre bien que rien, absolument rien ne devrait pouvoir justifier les écarts dans les enseignements de ces différentes écoles et encore moins les divergences menant même quelques fois à des conflits physiques entre des disciples d’écoles différentes. Car tous les musulmans ont une seule et même source : le Coran et la Sunna du Prophète (p) telle que conservée et enseignée par sa sainte descendance. 

Cependant quelques circonstances atténuantes existent pour expliquer sans forcément justifier les différents écarts d’interprétations prônés par les différents chefs d’écoles : Premièrement, ils ont souvent cru devoir adapter les enseignements originels du Prophète (P) aux populations auxquelles ils avaient affaire. Ainsi certaines conditions ont été durcies et des facilités accordées par Dieu enlevées. Vice versa dans d’autres cas plus rares. Quand on sait que quelques fois les chefs de ces écoles ont reconnu s’être trompés en certains points l’on comprend plus aisément que les musulmans étaient fortement exposés à la division. Deuxièmement, il fut des moments sous les Umayyades et les Abbassides où la dissimulation fut le seul moyen, pour les vrais savants, d’échapper à la cruauté des souverains. Par ces moments-là, ils ont donc été obligés d’interpréter et de trancher selon la volonté des dirigeants. Ce qui est certain c’est que tous ces chefs des quatre écoles se refèrent essentiellement aux sources des Ahlul Bayt (P). Pour s’en faire une idée, il suffit de lire dans le célèbrissime recueil de Correspondances85[85] entre Sheikh Salim Al-Bishrî (Sheikh d’Al-Azhar) et l’Imam Sharafeddine Al-‘Amilî (grand maître de l’école des Ahl Bayt), une liste de cent références. Peut-on dés lors refuser de suivre les Ahl Bayt (P) ? Puisse que la source originelle vaut mieux que les sources secondaires surtout lorsque la première ne tarit jamais et reste accessible.  

V – LA PÉNÉTRATION DE L’ISLAM EN AFRIQUE (en dehors de l’Egypte) : 

                                                            

85[85] Pages 48 à 69 Edition ARCS Firminy Cedex France.

Les premières percées de l’Islam en Afrique sous le règne des Umeyyades : 

L’Egypte faisait partie de l’Empire islamique pratiquement depuis l’aube de l’Islam. Donc nous allons nous intéresser à la pénétration de l’Islam en Afrique du Nord et de l’Ouest. Ces deux régions de l’Afrique connaîtront l’Islam la première fois à travers des expéditions Umayyades. Ceci explique sans doute pourquoi dans ces régions les thèses Umayyades et plus tard Abbassides sont davantage connues et estimées que les enseignements des Ahlul Bayt (P) quoique ces derniers aient laissé quelques traces sensibles. C’est en effet vers l’an 50 A.H. que Mu’âwiyah envoya Oghbatâ Ibn Nâfih Al-Fakhri le Gouverneur de Barikha en Egypte, à la tête d’une armée de vingt cinq mille (ou dix mille selon une autre version) hommes pour aller à la conquête de l’Afrique du Nord. Il traversa Trabluss, dans la Libye actuelle, et rentra en Tunisie où il créa la ville de Khayrawân dont il fit sa base. Il y fit construire la grande Mosquée de Khayrawân, Masjîdul Jâmiha. De Khayrawân, il évolua vers Tânja au Maroc. Le commerce transsaharien aidant, l’Islam se propagea petit à petit vers l’Afrique de l’Ouest par Chinguitti, Tombouctou, etc. Bien entendu, d’autres arabes musulmans isolés ou en groupes et même d’autres corps expéditionnaires islamiques visiteront plus tard ces régions d’Afrique. Nous ne saurons cependant nous étendre davantage sur ces événements sauf pour ce qui est de certains descendants du Prophète (P) que nous connaissons particulièrement bien pour être nous-mêmes issus de cette branche généalogique. 

L’entrée en Afrique des descendants du Prophète (p) : Le siège des Abbassides était resté à Bagdad tout comme sous les Umayyades. Le Calife, Haroun Rachid, avait son représentant à Médine. Ce dernier surveillait pour lui les faits et gestes des descendants du Prophète (p) qui y étaient restés. Et comme à l’époque des Umayyades, les habitants de Médine s’opposaient aux déviations des nouveaux dirigeants qui occupaient toujours pour eux une place qui appartenait à l’illustre famille du Prophète (P). 

C’était pour les soumettre que le Calife Haroun envoya une armée à Médine à la demande de son représentant en ce lieu. 

Une armée médinoise fut montée pour la circonstance et dirigée par Abdallah al Kâmil (i.e. « le parfait » pour son savoir et sa droiture) Ibn Al Hassan al Mouçâna Ibn Al Hassan Ibn Alî Ibn Abi Talib. 

La bataille qui eut lieu (dite bataille de Faqîne, tout près de Médine) fut un carnage. L’armée médinoise de Abdallah fut décimée et son chef capturé. Il sera ensuite emprisonné à Bagdad puis, pour finir, empoisonné parce que devenu entre temps trop encombrant. Cependant trois illustres rescapés de cette tuerie marqueront par la suite l’histoire de l’Islam : Muhammad, Yahya et Idriss, tous des enfants de Abdallah donc des desc Nous allons suivre Idriss. Il était encadré dans son voyage par un disciple de son père du nom de Rachid. Ce dernier était un berbère originaire du Maroc et était allé à Médine pour y acquérir des connaissances auprès de Abdallah, le père de Idriss. Rachid avait une grande connaissance de la traversée de l’Egypte pour arriver au Maroc. Il eut dans cette épreuve l’assistance discrète mais efficace du représentant abbasside en Egypte qui avait, en cachette s’entend, beaucoup de sympathie pour les descendants du Prophète. Ce chef abbasside les aida donc à traverser l’Egypte. Idriss se faisait passer pour un esclave de Rachid et même, devant des inconnus il travaillait réellement pour son maître circonstanciel afin de lever tout éventuel soupçon. 

Quand ils arrivèrent à Zarhouni dans l’actuel Maroc (le pays berbère de Rachid), Rachid présenta à son peuple l’arrière petit-fils du Prophète (P), Idriss Ibn Abdallah Ibn Al Hassan al Mouçâna Ibn Al Hassan Ibn Alî Ibn Abi Talib. 

Idriss réunissait toutes les qualités d’un Ahlul Bayt (P) : la connaissance du Coran et des enseignements de l’Ecole des Ahlul Bayt (p), le savoir, le courage, la droiture, la piété, la dextérité d’un grand cavalier – cette dernière qualité était essentielle à l’époque pour une raison évidente : le djihad. 

Rachid proposa donc à son peuple de tirer sa part de bénédictions d’un tel sujet. Les berbères ne décidèrent rein de moins que d’en faire leur chef et guide. Ils lui offrirent en mariage la fille d’un de leurs chefs. 

C’est ainsi que Idriss posa les fondements du premier gouvernement chiite en terre d’Afrique et même dans le monde. En effet il a eu toute la latitude – à travers les moyens, le temps et les hommes nécessaires – d’organiser un tel gouvernement. Il y’eut cependant une faille de taille : il ne disposait pas d’Ulémas (i.e savants) formés aux enseignements de l’Ecole des Ahlul Bayt (p) pour transmettre ce savoir aux populations de l’intérieur du pays. Il fut donc placé dans l’obligation de recruter des Ulémas des autres Ecoles, en particulier de l’Ecole Malikite donc sunnite. 

Cette faille contribuera pour une grande part à fragiliser plus tard l’Etat qu’avait créé Idriss. Durant de longues années cet Etat fut florissant et son peuple épanoui. Cette réussite légendaire porte jusqu’à ce jour une place importante dans l’histoire du Grand Maghreb. Haroun Rachid, le chef des Abbassides, apprit depuis son scintillant palais de Bagdad le succès de Idriss et en fut profondément attristé au point de perdre le sommeil pendant de longues nuits. Il finit par trouver un moyen de mettre un terme à sa souffrance. Faute de ne pouvoir envoyer une armée au Maghreb à cause de la trop grande distance qui le séparait de cette région, il trouva en la personne d’un arabe du Hidjâz l’homme qu’il lui fallait. Ce hidjâzi, à qui il promit entre autres merveilles le poste de Gouverneur, devait se rendre à Zarhouni afin d’empoisonner Idriss. 

L’homme s’appelait Souleymane Ibn Jarîr et était plus connu sous le nom de Châmâkh. Il est arrivé au Maroc en Walilée (ville se situant près de Zarhouni) en 172 A.H. et mourut en 177 A.H. 

Dés son arrivée à Zarhouni, il réussit à se faire adopter par Idriss. L’accent hidjâzi de son hôte enchantait tout naturellement Idriss et atténuait un petit peu la nostalgie qu’il nourrissait pour son terroir d’origine. Le comportement un peu trop attachant de Châmâkh éveillait en Rachid de la méfiance et des soupçons fondés sur son expérience et les pratiques malignes des gens de cette époque. Il évitait ainsi toujours de laisser cet homme seul en compagnie de son protégé, Idriss. L’histoire lui donnera malheureusement raison. Châmâkh réussit un jour, en effet, à tromper la vigilance de Rachid et mit du poison dans le verre de boisson qu’il tendit à Idriss. Après ce forfait il s’enfuit de la ville en compagnie de quelques complices venus avec lui. Ils prirent la direction de Khayrawân (actuelle Tunisie) non sans se faire rattraper par la garde de Idriss. Blessé, Châmâkh réussit tout de même à rejoindre le Hidjâz. Le « trône » du descendant du Prophète était alors vide. Le peuple berbère de Rachid était devenu orphelin. Mais puisque l’épouse de Idriss était en état de grossesse depuis sept mois, le sage Rachid leur proposa alors d’attendre les deux mois qui restaient pour savoir si l’enfant qu’elle attendait était un garçon ou non. Dans le premier cas il serait leur futur chef. Dans le cas contraire, le peuple se choisira un chef parmi les berbères. Les notables réunis pour la circonstance lui proposèrent d’être en attendant le chef intérimaire. 

Deux mois plus tard, la veuve de Idriss mit au monde un garçon. On lui donna le nom de son père décédé : Idriss. Pour le distinguer de son père Idriss Al Akbar (le grand), on le surnomma Idriss Al Açghâr (le petit). 

Rachid lui donna une éducation exemplaire d’Ahlul Bayt jusqu’à l’âge de onze ans. Idriss Al Açghâr était particulièrement brillant sur le plan intellectuel. Ses qualités morales et physiques n’en étaient pas moins extraordinaires. 

C’est ainsi qu’à onze ans on lui confia l’avenir de tout un peuple. Il devint chef, avec à ses côtés le vieux Rachid. 

Son intelligence, son savoir, son savoir-faire, sa foi, son intégrité mais aussi les circonstances l’aideront à faire pour l’Etat dont il avait la charge bien plus que ce que son défunt père avait fait. C’est ainsi qu’il décida de transférer la capitale à Fez parce qu’il trouvait Zarhouni un peu trop isolée des grands axes caravaniers. Il dut pour cela racheter les cabanes trouvées sur place à Fez. 

Il mit sur pied une véritable armée bien organisée, équipée et disciplinée, organisa le Trésor Public, construisit des écoles, et même une grande Université, celle de Fez, etc. Parti vers l’Est il atteindra Tlemcen dans l’actuelle Algérie où il construira la deuxième mosquée africaine en dehors de l’Egypte et après celle de Khayrawân construite celle-là par Oghbatâ (Tunisie) qui était le Gouverneur Abbaside d’Egypte. Il eut onze garçons qui ont tous été envoyés comme Gouverneurs dans les provinces. Ce fut le gouvernement des Idrissides (ceux de Idriss) qui régnèrent pendant trois siècles au Maghreb. Des batailles contre les Umayyades, contre d’autres groupes islamiques mais aussi entre euxmêmes finirent par avoir raison d’eux. La fin du règne des Idrissides survint vers l’an 400 A.H. Moulay Muhammad alias Chérif Lak’hal (le Chérif noir), un des arrière petits-fils de Idriss en eut marre à un moment donné de toutes ces querelles familiales interarabes et décida d’émigrer vers un endroit où il n’aurait plus ces problèmes. Il alla vers l’Est et atteignit la ville de Chinguitti , dans l’actuelle Mauritanie, où il fut reçu par le chef de la tribu Laghlâl. Ce chef lui donna en mariage sa propre fille. Les descendants de cet arrière petit-fils du Prophète seront ainsi appelés plus tard Chourfat Laghlâl ou encore Ehl Chérif Lak’hal. 

Chapitre IV :  

Conséquences et enjeux 

 

I – Le 'ISAMAH (INFAILLIBILITE) DU PROPHETE (P) : 

Nous allons aborder dans cette partie un aspect délicat de l’histoire mais aussi de l’actualité de notre religion. Il s’agit encore une fois de faits qui ne sont pas nouveaux et qui comme bien d’autres faits ou aspects signalés dans ce livre sont souvent lus et relus ou entendus dans d’autres livres ou discours mais ne font souvent pas l’objet d’une attention pourtant combien méritée. Cet aspect c’est l’infaillibilité (qualité non négociable) du Prophète de l’Islam (P). La plupart des, musulmans, soutiennent qu’il était infaillible seulement quand il s’agissait du Coran mais que dans d’autres domaines il a pu se tromper. Et de citer (plutôt interpréter, voire inventer) quelques cas où des compagnons l’auraient rectifié si ce n’est l’Archange Jibrîl, etc. Tout ceci se comprend (et encore !) dés lors qu’on veut justifier l’arrivée au pouvoir ou les mérites de tel ou tel (ex : Umayyades, Abbassides etc.) Bien entendu, Dieu Lui-même dément formellement cette position comme nous l’avons déjà vu dans le chapitre sur l’Imamat, notamment sur les Prophètes. Mais là où cela devient grave et pernicieux c’est lorsqu’on va jusqu’à douter de l’intégrité du Coran – et même découvrir des verset manquants ! Ce Coran là ne saurait et ne devrait être remis en cause par des musulmans sincères et réfléchis. 

Surtout lorsqu’on sait que le Coran a toujours été clairement et distinctement prononcé (« Ne remue pas ta langue pour hâter sa récitation : » Al Qiyâma 75 : 16) par le Prophète avant d’être soigneusement transcrit et collecté de son vivant et à sa demande par des scribes. De plus le Coran était connu par cœur par plusieurs compagnons du Prophète qui s’appliquaient à le réciter avec clarté et le plus souvent possible. Il n’a jamais fait l’objet d’un quelconque doute même lorsque le Calife Usmân décida d’en authentifier un exemplaire et de brûler tous les autres que les gens gardaient par devers eux de peur certainement que des modifications n’interviennent. Et cela s’est passé du vivant de l’Imam ‘Ali (P) qui n’a jamais contesté l’authenticité ni la complétude du Coran tel qu’il avait été retenu et présenté. Non plus aucun des douze Imams, encore moins aucun des compagnons les plus proches du Prophète n’a jamais eu à contester l’authenticité et la complétude du Coran. Ceux qui étaient les plus proches du Prophète, de ses enseignements et de sa vie (les Ahlul Bayt et leur lignée) n’ont rien trouvé à redire de ce Livre. De même que les compagnons les plus connus et proches du Prophète n’ont en rien désapprouvé ce Livre. Tout ce monde atteste (même si parfois c’est de façon passive) que le Livre recueilli sous Usmân est conforme et identique à la Récitation faite par le Prophète (P) et apprise par eux, et rédigée par les scribes du vivant du Prophète (P). Or il n’existe aucun moment de l’histoire des musulmans où il a pu être indiqué un changement de quelque nature que ce soit sur le Coran : ni un retrait, ni un rajout n’a été fait au texte originel.

De ce fait cette Récitation connue du temps du Prophète (P) reste égale à la lettre et à l’accent près le Livre de Dieu que nous connaissons aujourd’hui. Ce Livre restera éternellement complet et immuable. 

Vous en conviendrez avec nous qu’une telle mauvaise attitude de certaines écoles vis à vis du Coran, outre les éventuels méfaits dans la conscience de certains croyants qu’elle peut susciter, pourrait constituer un terreau fertile pour l’imagination débordante et maléfique des ennemis irréductibles de l’Islam. 

Heureusement que l’inimitable et immuable Livre de Dieu, la Sunna du Prophète (P) enseignée par l’école des Ahlul Bayt, les faits historiques véritables tels que relatés par bien des historiens de toutes les tendances de même que les multiples études scientifiques et linguistiques sur le Coran démontrent suffisamment s’il en était encore besoin que : 1. Le Prophète de l’Islam était bel et bien infaillible. 

2. Le Coran est complet, inimitable et immuable. 

Le 'Ismah du Prophète (P) : 

 « Ceci (le Coran) est la parole d'un noble Messager, Doué d'une grande force, et ayant un rang élevé auprès du Maître du Trône, Obéi, là-haut, et digne de confiance. 

Votre compagnon (Muhammad) n'est nullement fou; » (At-Takwîr 81 : 19, 20, 21, 22) « Dis : "Je ne suis pas une innovation parmi les messagers; et je ne sais pas ce que l'on fera de moi, ni de vous. Je ne fais que suivre ce qui m'est révélé; et je ne suis qu'un avertisseur clair". » (Al Ahqâf 46 : 9) 

Ces deux versets suffisent à prouver que le Prophète (P) a été singulièrement choisi, fortifié par Dieu afin de pouvoir remplir la lourde mission à lui confiée par le Tout-Puissant. En tant qu’Envoyé de Dieu, Muhammad (P) bénéficie des prérogatives des envoyés. Pour cela nous vous renvoyons à la partie de ce livre consacrée aux Prophètes dans le chapitre sur l’Imamat. Muhammad (P) est protégé de l’erreur. Car si à un simple musulman il est demandé de se réfugier en Dieu s’il est tenté par le diable, que ne ferait pas Dieu contre le diable qui est aussi Sa créature pour celui-là même qu’Il a fortifié pour lui confier Sa prestigieuse et importante Mission ?! En effet Allah dit : 

 « Et si jamais le Diable t'incite à faire le mal, cherche refuge auprès d'Allah. Car Il entend, et sait tout. » (Al A’raf 7 : 200) 

 « Ceux qui pratiquent la piété, lorsqu'une suggestion du Diable les touche se rappellent (du châtiment d'Allah): et les voilà devenus clairvoyants. » (Al A’raf 7 : 201) 

Versets Sataniques : 

En arabe, la paire de mots Versets sataniques se traduit par ayâtoul chaytaniya. Mais dans la culture islamique cette paire a son parfait équivalent qui est ayâtoul Qarâniqh ou Versets des idoles. En effet « les versets sataniques » de Salman Rushdi n’ont été inspirées par rien moins que des traditions forgées.

De quoi s’agit-il ? 

Les sources sont multiples. Citons quelqu’unes des plus "illustres" : Al Tabari, Suyûti (dans 

Dur Mansour), Râzi (dans Tafsir al Kabir). 

Ces auteurs et grandes références racontent que lorsque le Prophète (P) constata la profonde inimitié que lui vouaient les Quraychites de la Mecque, il pria Dieu de faire descendre un verset qui puisse le rapprocher de ceux-ci. C’est ainsi qu’un jour arriva où pendant la prière le Prophète récita la sourate An Najm (sourate 53, l’étoile). Arrivé au verset 19, Satan lui aurait fait dire : « Til kal Qarâniqh al oûla mine ha chafâatou tourja. » Ce qui signifie : 

« De ces grandes idoles nous pouvons espérer une intercession » Lorsque les Quraych entendirent ces prétendues paroles du Prophète (p), ils furent évidemment tout heureux de l’entendre dire du bien de leurs idoles pour une toute première fois et se prosternèrent dans la joie avec leur ennemi juré. Quelques moments plus tard, l’Ange Jibrîl (P) serait venu reprocher avec fermeté au Prophète (P) cet écart inadmissible de la Révélation. Et même que le fautif en aurait été inquiet, pendant un bon moment de la journée, de perdre le privilège de recevoir la Révélation. Evidemment tout ceci est simplement en flagrante contradiction avec le Coran et la logique. Dieu dit dans la sourate Al Hâqqa 69 Versets 40 et 52 : 

 «Que ceci (le Coran) est la parole d'un noble Messager, et que ce n'est pas la parole d'un poète; mais vous ne croyez que très peu, ni la parole d'un devin, mais vous vous rappelez bien peu. C'est une révélation du Seigneur de l'Univers. Et s'il avait forgé quelques paroles qu'ils Nous avait attribuées, Nous l'aurions saisi de la main droite, 

ensuite, Nous lui aurions tranché l'aorte. 

Et nul d'entre vous n'aurait pu lui servir de rempart. C'est en vérité un rappel pour les pieux. 

Et Nous savons qu'il y a parmi vous qui le traitent de menteur; mais en vérité, ce sera un sujet de regret pour les mécréants, c'est là la véritable certitude. 

Glorifie donc le nom de ton Seigneur, le Très Grand! (Al Hâqqa 69 : 40 à 52) Mais encore : 

 « Son rassemblement (dans ton cœur et sa fixation dans ta mémoire) Nous incombent, ainsi que la façon de le réciter. » (Al Qiyâma 75 : 17) La contradiction vient de ce que dans la prière il n’est permis de réciter que des versets de Coran pendant la station debout et après la sourate Fatihâ. Or si le Prophète (P) avait récité autre chose que de véritables versets du Coran il aurait dû subir cette punition que Dieu lui réservait dans ce cas. Ce qui n’a pas été le cas. Ceci prouve logiquement (démonstration par l’absurde, disent les mathématiciens) que cette histoire est fausse et qu’elle a été inventée de toute pièce à moins que l’on mette en doute le Coran... ! Qu’Allah nous en préserve. Or la logique nous apprend que lorsqu’une hypothèse d’une théorie est fausse alors toute la théorie est remise en cause. D’où la théorie des versets manquants est fausse. De l’autre côté le Coran, tel que nous le connaissons, reste cohérent, entier et inattaquable donc vrai.   

Mais encore d’autres versets nous permettent de montrer que cette anecdote est totalement fausse : 

 « Ce ne sont que des noms que vous avez, inventés, vous et vos ancêtres. Allah n'a fait descendre aucune preuve à leur sujet. Ils ne suivent que la conjecture et les passions de (leurs) âmes, alors que la guidée leur est venue de leur Seigneur. » (An Najm 53 : 23) 

 « Nous te ferons réciter (le Coran), de sorte que tu n'oublieras que ce qu'Allah veut. Car, Il connaît ce qui paraît au grand jour ainsi que ce qui est caché. » (Al A’Alâ 5 : 6, 7) 

 « Par l'étoile à son déclin! 

Votre compagnon ne s'est pas égaré et n'a pas été induit en erreur et il ne prononce rien sous l'effet de la passion; ce n'est rien d'autre qu'une révélation inspirée. Que lui a enseigné (l'Ange Gabriel) à la force prodigieuse, doué de sagacité; c'est alors qu'il se montra sous sa forme réelle (angélique), » (An Najm 53 : 1 à 4) 

Et enfin comme nous l’avons déjà dit haut (sur l’Assama du Prophète), il est encore d’autant plus faux de raconter de telles inepties sur le Prophète (P) de l’Islam que Dieu lui demande et même demande à tout (simple) musulman de se réfugier auprès de Lui en cas de tentation du diable. A plus forte raison quand il est question du meilleur des hommes, l’Elu, le Protégé de l’erreur, celui-là même qui détient un rang élevé auprès du Maître du Trône, et qui n’a aucune crainte à déplaire à ses mécréants d’ennemis, Al Mustapha (P) le Sceau des Prophètes. Allah nous dit en effet : 

 « Accepte ce qu'on t'offre de raisonnable, commande ce qui est convenable et éloigne-toi des ignorants. (Al A’raf 7 : 199) 

 « Et si jamais le Diable t'incite à faire le mal, cherche refuge auprès d'Allah. Car Il entend, et sait tout. » (Al A’raf 7 : 200) 

 « Ceux qui pratiquent la piété, lorsqu'une suggestion du Diable les touche se rappellent (du châtiment d'Allah): et les voilà devenus clairvoyants. » (Al A’raf 7 : 201) « Quand tu ne leur apportes pas de miracle, ils disent: "Pourquoi ne l'inventes- tu pas ?" Dis: "Je ne fais que suivre ce qui m'est révélé de mon Seigneur. Ces (versets coraniques) sont des preuves illuminantes venant de votre Seigneur, un guide et une grâce pour des gens qui croient. » (Al A’raf 7 : 203) 

En conclusion sur l’Assama du Prophète (P), nous pouvons remarquer qu’il n’y a malgré toutes ces velléités de remettre en cause le Coran ou l’infaillibilité du Prophète (P), aucun musulman ne prétend détenir un livre différent du Coran à la place de celui que nous possédons. Tous les musulmans du monde entier lisent et pratiquent les préceptes et enseignements du même Coran. 

II - L’ESCLAVAGE ET L’ISLAM : 

S’il est un thème qui a été l’objet de bien de confusions et même d’une certaine gêne dans l’esprit de beaucoup de musulmans a fortiori de personnes d’autres religions et croyances, c’est bel et bien celui de l’esclavage. 

Disons-le tout de suite : ce n’est point l’Islam qui est en cause comme d’ailleurs dans bien d’autres domaines ainsi que nous l’avons vu dans toute l’histoire de la Succession, mais plutôt une faute d’interprétation et surtout de comportement des premiers « successeurs » du Prophète qui n’ont pas suivi la voie que leur avait tracée le Saint des Saints, Al Mustapha (P) l’Elu et le Bien-Aimé de Son Seigneur. 

Quels sont les enseignements et la position de l’Islam vis-à-vis de cette ignominie qu’est l’esclavage ? 

La réponse est triviale. Mais pour une fois, dans ce cas, le pourquoi est plus évident que le comment. C’est pourquoi nous vous proposons d’abord de faire le point de la situation de la pratique de l’esclavage à « l’aube » de l’Islam. 

En effet lorsque la Révélation Coranique descendit sur le Prophète (P) de l’Islam, l’esclavage était une pratique très courante chez les arabes, et ailleurs également. Acheter un esclave c’était faire un placement ; c’est comme de nos jours acheter une action d’une société ou faire une épargne bancaire ou encore en milieu paysan acheter des bœufs, des ânes ou des chevaux. 

En avoir était donc et aussi un signe extérieur de richesse comme aujourd’hui posséder une voiture, une maison, etc. 

Dés lors l’interdire de but en blanc aurait été pour des peuples ayant une longue pratique de ce commerce une raison facile pour refuser d’adhérer à la religion du Prophète (P) ; ce d’autant plus que cette interdiction totale et brutale aurait signifié la ruine de la plupart des possesseurs d’esclaves. 

Le Prophète (P), comme en toute chose que Dieu recommandait, ne manquait jamais l’occasion de prendre exemple sur lui-même. C’est ainsi qu’ayant reçu de Khadija son épouse l’esclave Zaid comme présent, il l’adopta et l’affranchit aussitôt. Et pour prouver qu’un esclave est un homme comme tout autre et que devant Dieu seule comptait la foi, il décida d’offrir en mariage à Zaid une de ses propres cousines du nom de Zeynab. Le mariage fut célébré et consommé. Mais le couple ne cessait de subir des railleries et autres médisances sur la condition d’esclave du mari. Le mariage ne baignait pas dans le bonheur et ils jugèrent meilleur de se séparer à l’amiable ; ainsi le divorce fut prononcé. Or chez les arabes de cette époque, une femme qui s’était compromise avec un esclave ne pouvait pas trouver un mari noble. C’est ainsi que le Prophète (P) proposa à Zeynab, par compassion et pour récompense de son obéissance, de la donner en mariage au meilleur des hommes, c’est-à-dire lui-même. 

C’est là que Salman Rushdi parle d’inceste dans son livre « les versets sataniques ». C’est ne rien comprendre ni à l’Islam ni à la logique. De toute façon une telle attitude ne saurait surprendre de la part de quelqu’un comme Rushdi qui n’a d’autre intention que de nuire. En effet, il faut d’abord signaler que Zaid est un fils adoptif du Prophète (P) et non un fils biologique. Dieu dit à propos de l’adoption : 

 « Appelez- les du nom de leurs pères : c'est plus équitable devant Allah. Mais si vous ne connaissez pas leurs pères, alors considérez- les comme vos frères en religion ou vos alliés. Nul blâme sur vous pour ce que vous faites par erreur, mais (vous serez blâmés pour) ce que vos cœurs font délibérément. Allah, cependant, est Pardonneur et Miséricordieux. » (Al Ahzâb, 33 : 5) 

Ce qui veut dire qu’un fils adoptif ne doit pas pour autant porter le nom de son père adoptif mais bien celui de son père biologique qui restera toujours comme tel. Les occidentaux n’ont pas le même point de vue, eux qui détruisent ainsi l’identité des personnes adoptées en faisant disparaître leur nom d’origine. 

Dieu précise même cela davantage en insistant : 

 « Muhammad n'a jamais été le père de l'un de vos hommes, mais le messager d'Allah et le dernier des prophètes. Allah est Omniscient. » (Al Ahzâb, 33 : 4) 

Mais alors pourquoi le Prophète (P) n’aurait-il pas le droit d’épouser sa cousine Zeynab qui avait divorcé d’un homme qui n’était pas son fils biologique à lui ? De quel inceste peut-on parler ici, si ce n’est de la médisance et un mensonge éhonté ? Al Mustapha (P), l’Elu et le Bien-Aimé venait encore de donner là une leçon de sagesse, de justice et d’équité à toute la Umma. 

Il était certes difficile dans cette aube de l’Islam de se séparer de ses esclaves d’un coup comme nous l’avons déjà dit plus haut mais aussi Dieu ne nous impose jamais l’impossible : 

 « Allah n'impose à aucune âme une charge supérieure à sa capacité. […] » (Baqara, 2 : 286) 

Cependant puisque cette pratique est dégradante pour l’homme mais aussi pour la société car c’est un facteur d’inégalité indéniable et insupportable, Dieu a donné dans le Coran des méthodes sûres et efficaces d’éradiquer ce fléau. 

Ces méthodes de lutte contre l’esclavage peuvent être analysées dans la ligne de mire de deux objectifs bien définis : 

- favoriser la libération progressive des esclaves à travers les multiples cas où pour expier sa faute il faut libérer un esclave. 

- Supprimer les inégalités sociales tant sur le plan économique donc matériel que sur le plan des castes et autres catégorisations sociales ; notamment lorsque ces inégalités touchent les esclaves. 

Nous voyons là que l’Islam s’attaque au mal mais aussi et surtout à sa source.

Citons pour étayer ces propos (libération et réhabilitation de l’esclave) quelques versets du Saint Coran : 

 « Et n'épousez pas les femmes associatrices tant qu'elles n'auront pas la foi, et certes, une esclave croyante vaut mieux qu'une associatrice même si elle vous enchante. Et ne donnez pas d'épouses aux associateurs tant qu’ils n'auront pas la foi, et certes, un esclave croyant vaut mieux qu'un associateur même s'il vous enchante. Car ceux-là (les associateurs) invitent au Feu; tandis qu'Allah invite, de par Sa Grâce, au Paradis et au pardon Et Il expose aux gens Ses enseignements afin qu'ils se souviennent ! » (Al Baqara, 2 : 221) « Il n'appartient pas à un croyant de tuer un autre croyant, si ce n'est par erreur. Quiconque tue par erreur un croyant, qu’il affranchisse alors un esclave croyant et remette à sa famille le prix du sang, à moins que celle-ci n'y renonce par charité. Mais si (le tué) appartenait à un peuple ennemi à vous et qu' il soit croyant, qu'on affranchisse alors un esclave croyant. S'il appartenait à un peuple auquel vous êtes liés par un pacte, qu'on verse alors à sa famille le prix du sang et qu'on affranchisse un esclave croyant. Celui qui n'en trouve pas les moyens, qu’il jeûne deux mois d'affilée pour être pardonné par Allah. Allah est Omniscient et Sage. » (An-Nisâ’ 4 : 92) 

« Allah ne vous sanctionne pas pour la frivolité dans vos serments, mais Il vous sanctionne pour les serments que vous avez l'intention d'exécuter. L'expiation en sera de nourrir dix pauvres, de ce dont vous nourrissez normalement vos familles ou de les habiller, ou de libérer un esclave. Quiconque n'en trouve pas les moyens devra jeûner trois jours. Voilà l'expiation pour vos serments, lorsque vous avez juré. Et tenez à vos serments. Ainsi Allah vous explique Ses versets, afin que vous soyez reconnaissants! » (Al Mâ’ida, 5 : 89) « Allah propose en parabole un esclave appartenant (à son maître), dépourvu de tout pouvoir, et un homme à qui Nous avons accordé de Notre part une bonne attribution dont il dépense en secret et en public. (Ces deux hommes) sont- ils égaux? Louange à Allah! Mais la plupart d'entre eux ne savent pas. » (An-Nahl 16 : 75) « Ceux qui comparent leurs femmes au dos de leurs mères puis reviennent sur ce qu'ils ont dit, doivent affranchir un esclave avant d'avoir aucun contact (conjugal) avec leur femme. C'est ce dont on vous exhorte. Et Allah est Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites » 

(Al-Moujâdala 58 : 3) 

« Et qui te dira ce qu'est la voie difficile? C'est délier un joug (affranchir un esclave), …» 

(Al Balad 40 : 12 et 13) 

« Adorez Allah et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bonté envers (vos) père et mère, les proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le collègue et le voyageur, et les esclaves en votre possession, car Allah n'aime pas, en vérité, le présomptueux, l'arrogant, » (An-Nisâ’ 4 : 36) 

« Cela (le châtiment), pour ce que vos mains ont accompli." Et Allah n'est point injuste envers les esclaves. » (Al Anfâl 8 : 51) 

« Allah a favorisé les uns d'entre vous par rapport aux autres dans (la répartition) de Ses dons. Ceux qui ont été favorisés ne sont nullement disposés à donner leur portion à ceux qu'ils possèdent de plein droit (esclaves) au point qu'ils y deviennent associés à part égale. Nierontils les bienfaits d'Allah? » (An Nahl 16 : 71) « Il vous a cité une parabole de vous-mêmes: Avez-vous associé vos esclaves à ce que Nous vous avons attribué en sorte que vous soyez tous égaux (en droit de propriété) et que vous les craignez (autant) que vous vous craignez mutuellement? C'est ainsi que Nous exposons Nos versets pour des gens qui raisonnent. » (Ar Roûm 30 : 28) « Et que ceux qui n'ont pas de quoi se marier, cherchent à rester chastes jusqu'à ce qu'Allah les enrichisse par Sa grâce. Ceux de vos esclaves qui cherchent un contrat d' affranchissement, concluez ce contrat avec eux si vous reconnaissez du bien en eux; et donnez- leur des biens d'Allah qu'Il vous a accordés. Et dans votre recherche des profits passagers de la vie présente, ne contraignez pas vos femmes esclaves à la prostitution, si elles veulent rester chastes. Si on les y contraint, Allah leur accorde après qu'elles aient été contraintes, Son pardon et Sa miséricorde. » (An Noûr 24 : 33) 

III - LES DEUX MUT’A86[86] : MARIAGE TEMPORAIRE ET PÈLERINAGE DOUBLE 

A- Le mariage temporaire : 

M1. « Et, parmi les femmes, les Dames, - sauf si de vos mains vous les avez obtenues comme esclaves en toute propriété. Prescription de Dieu sur vous ! Hors de cela, il vous est permis de les rechercher, à vos dépens ; - en hommes qui concluent mariage, non en débauchés. Puis, de même que vous jouissez d’elles, donnez-leur leurs salaires d’honneur, comme une chose due. Nul grief contre vous à ce que vous consentiez l’un à l’autre après cet arrêté. Dieu demeure savant, sage, vraiment ! » (Les femmes, 4 : 24 d’après une traduction de Muhammad Hamidullah). 

Ou encore en plus clair : 

 « [Il est illicite pour vous d’avoir des rapports sexuels] avec des femmes mariées, exception faite des captives. [Voilà] ce que Dieu vous prescrit. Hormis les cas énumérés, il est licite pour vous de rechercher [des épouses], en y employant vos biens, en hommes désirant se marier honnêtement, non en débauchés. A celles dont vous avez tiré jouissance remettez le don qui leur est obligatoirement dû. Il n’y a aucun inconvénient à ce que vous vous fassiez des concessions mutuelles après [détermination] de la dot obligatoire. Dieu est, en vérité, omniscient et sage. » (Les femmes, 4 : 24 d’après une traduction de Cheikh Si Hamza Boubakeur) 

M2. « Dieu veut [ainsi] vous faciliter [les choses], car Il sait que l’homme est faible par nature. » (Les femmes, 4 : 28) 

M3. « O Prophète ! Pourquoi interdis-tu ce que Dieu a rendu licite en cherchant à satisfaire tes épouses ? Et Dieu est Celui Qui pardonne. Il est Clément. » (At Tahrîm ou L’interdiction, 66 : 1) 

Dieu le Tout-Puissant permet aux hommes de façon claire et nette, à travers le verset cidessus désigné M1, de conclure un contrat de mariage à durée limitée avec une femme consentante et selon des conditions de compensation fixées de commun accord par les deux parties contractantes. Ce qui est plus simplement connu sous le nom de mariage temporaire; ou encore en arabe, Mut’â tun nîssa. 

                                                            

86[86] Mout’â est un mot arabe qui est souvent traduit par jouissance mais qui connote la faveur, l’allégement. En effet, Dieu Qui connaît la faiblesse de Ses créatures (verset M2 ci-dessus cité) leur a précisé dans un premier temps les femmes qu’ils ne sont à jamais autorisés à épouser dans les versets 22 et 23 de la sourate IV (Les femmes). 

Dans une seconde étape, le Tout Miséricordieux permet dans le verset 24 à ceux d’entre nous qui n’ont pas le privilège d’être mariés de pouvoir éviter de pêcher par fornication et surtout de respecter la femme dans ce qu’elle a de plus sensible et intime : son honorabilité sexuelle. Il est évident dans ce verset qu’il ne peut s’agir du mariage classique sans terme prédéterminé. Dieu nous parle d’abord des Dames c’est-à-dire les femmes mariées (muhsanât, du verbe hasuna qui signifie être fortifiées, chastes, inaccessibles, vertueuses en somme protégées contre tout rapport sexuel illicite en raison de leur qualité d’épouses ou autre); celles d’entre ces Dames avec qui nous sommes autorisés à avoir des rapports sexuels sont les seules captives prises au cours d’une guerre. même si elles sont mariées. Ensuite le verset en question prévient sinon avertit : « ...en hommes qui concluent mariage, non en débauchés. » ; cette comparaison ne se justifierait pas s’il s’agissait du mariage sans terme prédéterminé. 

Il est bon ici de préciser l’aspect sacré qui couvre ce type de mariage qui, malgré son caractère temporaire doit se dérouler dans un cadre réglementaire précis, respectueux des droits de la femme et de l’enfant et de la morale islamique. C’est cet esprit qui doit guider toute personne liée par un tel contrat. 

L’avertissement susdit suffit dés lors aux musulmans pieux - Dieu guide ses esclaves et non les autres - pour situer les limites d’une telle pratique qui, de par sa nature, est exceptionnelle donc doit être : 

* non répétitive à souhait, 

*et surtout dans le total et mutuel respect des conjoints. Enfin dans la phrase « A celles dont vous avez tiré jouissance remettez le don qui leur est obligatoirement dû. », le verbe istamta’â qui est traduit par « tiré jouissance » est directement lié au mariage temporaire (nikâh-l-mut’â) largement pratiqué en Arabie Ancienne. D’ailleurs le verset 26 suivant achève de nous convaincre lorsqu’il dit : « Dieu veut vous éclairer en vous indiquant les traditions de ceux qui vous ont précédés. Il agrée votre repentir, car Il est omniscient et tout sage. » ; Confirmant ainsi une tradition qu’Il veut perpétuer en nous mettant, dans ce domaine, sur la voie suivie par ceux qui nous ont précédés. Dans une troisième étape et pour finir Sa revue des différentes situations, Dieu permet même à ceux qui, pour des raisons matérielles, ne peuvent pas épouser des femmes libres et croyantes de prendre femme parmi leurs jeunes esclaves croyantes avec la permission préalable des maîtres de celles-ci et après les avoir convenablement dotées, comme le dit le verset 25 de la même sourate 4. 

Tout cela afin d’éviter aux hommes et aux femmes d’avoir à commettre la fornication. Et voilà qu’un simple homme (‘Umar Bun Khattab) de ce qu’il y a de plus mortel intervient dans les Nobles Desseins de Dieu pour interdire ce que le Très Haut a autorisé. Alors que même le très Saint Prophète (P) non seulement ne l’a pas interdit mais n’est pas non plus autorisé à interdire ce que Dieu a autorisé, comme le prouve le verset M3 cité ci-dessus où Dieu s’adresse directement à lui à propos d’une petite affaire intervenue dans son foyer87[87]. Ce qui nous permet d’affirmer indubitablement que le mariage temporaire était pratiqué du temps du Prophète (P) et que c’est précisément le deuxième calife ‘Umar qui l’a interdit, c’est un hadith très célèbre. 

Ce hadith a été cité par Muslim dans son Sahih (Tome I, page 467), par Râzi dans ses Tafsir dans le chapitre qui traite de l’interprétation du verset 24 de la Sourate IV, également par bien d’autres références reconnu véridique. 

Ce hadith rapporte que ‘Umar le deuxième Calife, qui succéda à Abou Bakr, fit un jour un discours du haut d’une tribune où il s’exprima librement en ces termes : 

« Deux Mut’â ont existé au temps du Prophète et moi ‘Umar, je les interdis et j’en prendrais la responsabilité; il s’agit du Mut’â du pèlerinage et du Mut’â des femmes. » A la même page 467 du Tome I des Sahih de Muslim, Ibn Nadirata a rapporté que Ibn Abbas autorisait le mariage temporaire et que Ibn Zubair l’interdisait. Etant troublé par cette contradiction, il alla trouver Jabir Ibn Abdallah qui était un compagnon du Prophète et lui demanda ce qu’il en pensait. Ce dernier lui répondit : « Nous avions toujours fait cela (le Mut’â ) au temps du Prophète ; quand ‘Umar est venu au pouvoir, il a dit : Dieu autorisait au Prophète (P) de faire ce qu’il voulait et le Coran a dit : « Accomplissez le pèlerinage et le petit pèlerinage comme Dieu vous l’a demandé88[88]»; mais éloignez-vous de ce genre de mariage avec les femmes (mariage temporaire) car à chaque fois qu’on m’amènera un homme qui a conclu ce genre de mariage je le lapiderai. » 

Dans le Tome V de ses Sahih à la page 158, Bukharî rapporte de Mussad qui dit que Yahya a rapporté de Abu Bakr qui tient de Abu Raja qui a entendu Imran Ibn Hassine dire : « Il est descendu le verset de Mut’â dans le livre de Dieu et nous avons pratiqué cela avec le Prophète ; et jusqu'à la mort du Prophète, il n’est jamais descendu un autre verset dans le Coran pour interdire cela. Mais il y a eu un homme qui en a dit ce qu’il voulait à partir de son propre point de vue. Un certain Muhammad qui était là, observa : « On dit que cet homme-là, c’est ‘Umar. » » 

On peut relever d’autres hadiths de cette substance dans les Sahih de Muslim (Tome IV, page 131) ainsi que dans les Tafsir de Salabi et de Tabari, notamment dans ses commentaires du fameux verset 24 de la Sourate IV. 

Il est ainsi prouvé que le Prophète a autorisé le mariage temporaire en tant qu’allégement accordé par Dieu à Ses créatures humaines qu’Il sait faibles par nature. Et même que cette pratique a survécu au règne du premier Calife Abu Bakr. 

                                                            

87[87]Selon plusieurs historiens reconnus, dont Zakir Hussein : Zaynab Bint Johach l’une des femmes du Prophète lui préparait un breuvage à base de miel qu’il affectionnait beaucoup. Comme le Prophète passait un peu plus de temps chez Zaynab vu le temps que prenait la dilution du miel dans l’eau, Aïcha et Hafçah (deux autres épouses) montèrent par jalousie un stratagème: lorsque le Prophète allait chez elles, elles lui faisaient remarquer qu’une odeur désagréable de Maghâfir émanait de sa bouche. Le Prophète prit sur ce la résolution de ne plus consommer de miel, s’interdisant ainsi ce que Dieu lui avait autorisé. Pour d’autres cette interdiction se rapporte à l’abandon d’une de ses épouses du nom de Marya pour calmer la colère de Hafçah qui les avait simplement trouvés dans ses appartements.   

88[88] Le complément "comme Dieu vous l’a demandé" est du cru de ‘Umar et non pas la Parole de Dieu. Or un hadith très célèbre et fort véridique dit : 

« Ce que le Prophète a déclaré licite ou illicite reste valable jusqu’au jour du jugement dernier. » 

Donc on peut qualifier - sans se tromper et pour le moins ! - de sans fondement l’interdiction de ‘Umar. D’autant plus que cette interdiction a des conséquences incalculables ainsi que le prévoit Celui Qui a accordé cette faveur à Ses créatures. C’est dans ce cadre que Salabi, pour citer une conséquence de cet interdit, a dit : 

« Le Mut’â est une miséricorde de Dieu pour ses esclaves (adorateurs). Si ‘Umar ne l’avait pas interdit, ne ferait l’adultère qu’un maudit. » 

Nous reviendrons plus loin sur ces conséquences. On ne peut s’empêcher de rappeler ici une anecdote dans la vie de Walid qui était le Calife des Umayyades à Médine, bien longtemps après la mort du Prophète (P). Lors d’une de ses prêches dans son fief de Médine alors qu’il s’appliquait à interdire avec véhémence le Mut’â tun nîssa ou mariage temporaire, un vieillard se leva dans la foule et lui demanda de ne pas interdire ce que Dieu Lui-même avait autorisé. Le jeune et fougueux chef refusa d’obtempérer. 

Devant la persistance de Walid, le vieillard lui demanda d’aller se renseigner auprès de sa mère sur les raisons qui devraient particulièrement lui interdire, lui Walid, de s’évertuer à démontrer le bien-fondé de cette interdiction. 

Exécutant par curiosité la recommandation du vieillard, quelle ne fut la surprise de Walid d’apprendre qu’il était issu d’un mariage temporaire par la bouche de celle-là même qui l’a engendré. Elle lui conseilla d’éviter à l’avenir d’avoir à discuter de ces questions avec les proches du Prophète car ils en connaissent toujours un peu plus que quiconque. Le vieillard en question n’était autre que le bien connu Ibn Abbas, un contemporain du Prophète (P). 

Toutes ces preuves puisées du Saint Coran et de hadiths irréfutables confirment que le mariage temporaire est autorisé par Dieu, qu’il a existé du temps du Prophète et qu’il reste de ce fait encore en vigueur jusqu'à la fin des temps. 

Il est dès lors opportun de rappeler les conditions sine qua non d’accomplissement d’une telle pratique telles qu’elles nous sont transmises fidèlement par la tradition authentique de l’Ecole des Ahlul Bayt (P) à travers les enseignements de l’Imam Jâ’far çâdiq (P) : -La femme qui contracte ce type de mariage doit être libre de tout engagement et notamment de toute promesse de mariage. 

-La femme doit être majeure. S’agissant de la femme mineure, il faut non seulement son accord mais obligatoirement celui de ses parents (père ou mère) ou de quelqu’un qui a un pouvoir de décision sur elle. 

-L’homme exprime à la femme, son désir de contracter avec elle ce type de mariage. Si la femme consent, elle donne son accord et fixe la dot ou salaire pour reprendre le terme coranique. -Les deux parties conviennent de la durée du mariage et la femme s’exprime en ces termes : « j’accepte de toi, devant Dieu, cette dot pour un mariage temporaire de ... (elle précise la durée en années, mois, semaines, jours, heures) à compter de ... (elle précise la date) ». -Il n’y a pas d’obligation d’avoir un témoin. Par contre, quand une grossesse survient au cours du mariage ou dans la période de deux menstrues à observer après le terme du mariage, il y a lieu d’en avoir un. 

-Si le mari décède avant le terme du mariage, la femme a l’obligation d’observer la période de veuvage qui est de quatre mois et dix jours. 

-L’homme n’est pas obligé de prendre la femme en charge ni de vivre avec elle sous le même toit de manière permanente. 

-L’homme n’hérite pas de la femme et la femme n’hérite pas de l’homme mais un enfant issu de ce mariage hérite de ses deux parents. 

-La charge et l’éducation de l’enfant né d’un tel mariage - en somme le pouvoir paternel dans le droit positif - incombent à l’homme comme dans un mariage classique. -Le mariage devient caduc au lendemain de son échéance. -Au terme du mariage, c’est seulement après deux menstrues que la femme est libre de contracter un nouveau mariage. La raison de cette précaution est évidente. Pour en venir aux conséquences de l’interdiction de ‘Umar de pratiquer le Mut’â tun nîssa, dans un premier temps nous demandons simplement au lecteur d’observer l’évolution des mœurs sexuelles de notre société. Non pas que la dépravation de ces mœurs soit due à cet interdit, ce qui est bien loin de nos propos mais plutôt que le mariage temporaire permettrait à bien des croyants sincères, hommes et femmes, de ne pas commettre la fornication. Ce qui constituerait déjà un capital inestimable dans la vie de bien des musulmans ici-bas et dans l’au-delà. Une deuxième conséquence non moins importante est la place non négligeable qu’occupe cette interdiction parmi les raisons qui poussent certaines femmes à tirer commerce de leur chair afin de survivre. Ce que la majorité d’entre elles – pas toutes, le vice motivant certaines d’entre elles – auraient pu éviter si elles avaient la possibilité de pouvoir être entretenues convenablement et honorablement, en toute dignité dans le cadre sacré d’une liaison licite. Dans une troisième étape nous vous invitons à jeter un regard sur le nombre croissant d’enfants de la rue rejetés pour une faute qu’ils n’ont pas commise, abandonnés à leur triste sort d’exclus de la société, de pseudo - orphelins dont les parents sont bien vivants. Ils portent injustement sur eux toute la honte qu’ont éprouvée à les engendrer leurs parents indignes. La pauvreté mais surtout le caractère illicite de l’union dont ces enfants sont issus, telles sont les raisons qui sont dans la majeure partie des cas à la base de ce rejet dont ils ne sont pas les seules victimes. En effet au moins la mère sinon le père sont parmi les victimes sans compter les éventuelles victimes de ces enfants lorsqu’ils deviennent des bandits et autres voleurs ou drogués. 

Dans le même sillage ce Mut’â aurait permis d’éviter pas mal d’avortements commis souvent dans la clandestinité et engendrant leur cortège d’accidents mortels pour la mère et/ou pour l’enfant. Encore une fois très souvent par pure honte d’une union illicite. Le quatrième point et certainement pas le dernier concerne surtout les musulmans sincères - mais « faibles par nature » - et qui se trouvent occasionnellement éloignés pour une durée limitée de leur épouse s’ils en ont une. Ils éviteraient ainsi d’avoir des maîtresses avec lesquelles ils ont parfois des enfants qui n’ont pas droit à la reconnaissance paternelle et qui doivent vivre avec leur mère dans des conditions inacceptables sans même l’aide du père. Ces enfants-là ont également droit à un père jouissant pleinement du pouvoir paternel selon l’appellation consacrée par le droit positif et tel que le conçoit l’Islam. 

Ces femmes pourraient alors bénéficier d’un statut licite et digne en se faisant épouser même si c’est de façon temporaire. 

Comme on le voit donc même si l’interdiction de ‘Umar n’est pas l’unique raison qui explique tous ces maux, elle constitue pour une bonne frange de musulmans un frein réel à une bonne pratique religieuse. Surtout, elle est une profonde incitation à la débauche du moins à l’écartement du musulman de son ascension vers la perfection qui est le but ultime de notre religion. 

Que Dieu nous éloigne de toute turpitude ! 

B - Le Mut’â du Pèlerinage : 

P1. « Et accomplissez pour Dieu le grand et le petit pèlerinages. [...] » (Al Baqara, 2 : 196) 

P2. « Le pèlerinage touche des mois bien connus. [...] » (Al Baqara, 2 : 197) 

P3. « Invoquez Dieu au cours des jours comptés. Celui qui, trop pressé, les ramène à deux jours ne commet point de pêché. Ne commet aucun pêché non plus celui qui, plein de piété, retarde son départ. [...] » (Al Baqara, 2 : 203). 

Ces versets nous précisent respectivement le caractère obligatoire, pour ceux qui le peuvent, du grand et du petit pèlerinages - Hajj et Umrâ - (P1), le déroulement cyclique du Hajj une fois l’an en des mois précis (P2) et plus précisément en quelques jours bien déterminés (P3). Il est généralement admis, et le Prophète (P) nous en a donné l’illustration par sa pratique, que le pèlerinage annuel ou Hajj se pratiquait dans les mois de Shawwâl (10ième mois lunaire), 

Zul-qa’d et les dix premiers jours du 12ième mois lunaire de Zul-hajj ; les jours essentiels de ce pèlerinage étant ces 10 derniers jours et plus exactement les trois derniers, voire seulement les deux comme le permet le Coran. 

Donc ce pèlerinage est, par essence, collectif parce que se déroulant à un même moment pour tout le monde. Il est l’occasion pour tous les musulmans du monde entier de se réunir une fois l’an en une assemblée du niveau le plus élevé qui soit depuis celle de la prière de groupe ordinaire en passant ensuite par la prière hebdomadaire du Vendredi et enfin par celles annuelles des deux Aïds. 

Tout cela dénote une cohérence extraordinaire dans la logique de la permanente et nécessaire concertation qui doit toujours exister entre tous les membres de la Umma en vue de garantir sa cohésion. 

S’agissant du petit pèlerinage ou Umrâ il peut être accompli à tout moment de l’année, le Coran ne l’ayant pas fixé dans l’année. Ainsi ce pèlerinage est d’abord individuel car sa fixation dans le temps relève d’une décision individuelle. Ce que le deuxième Calife ‘Umar a interdit c’est de pratiquer la Umrâ pendant la période du Hajj.

Sur ce point, comme en bien d’autres, la pratique du Prophète nous suffit et nous sert de modèle à suivre. Il est prouvé en effet que le Prophète a pratiqué le Hajj et la Umrâ dans la même période. 

Les références sont nombreuses et nous allons en citer quelques unes : - On peut commencer par rappeler le hadith déjà cité dans la partie concernant le mariage temporaire, dans lequel le Calife ‘Umar dit : 

« Deux Mut’â ont existé au temps du Prophète et moi ‘Umar, je les interdis et j’en prendrais la responsabilité; il s’agit du Mut’â du pèlerinage et du Mut’â des femmes. » 

- L’imam Malick, dans son livre El Muwatta (Tome I, page 130), rapporte de Muhammad Ibn Abdullah Ibn Harris Ibn No’ofal Ibn Abdul Mutalid qui dit avoir entendu Saad Ibn Abi Wakass et Dehak Boun Kaiss parler du Mut’â du pèlerinage l’année où Mu’awiyah, fils d’Abu Sofian, était venu faire le pèlerinage à la Mecque. Suivons le dialogue entretenu par les deux hommes : 

Dehak Boun Kaiss : « Ne fait ce genre de pèlerinage que celui qui ne connaît pas les 

ordres de Dieu » 

Saad Ibn Abi Wakass : « Malheur à toi, fils de mon frère » 

D.B.K. : « ‘Umar a interdit cela ! » 

S.I.A.K. : « Le Prophète (P) lui-même a pratiqué ce genre de Mut’â et nous-mêmes 

nous avons pratiqué cela avec lui. » 

- L’Imam Ahmad Ibn Hanbal, rapporte dans ses Musnad (Tome I, page 337), que Ibn Abbas a échangé avec Rouawata Ibn Zubair les paroles suivantes : 

Ibn Abbas : « Le Prophète a fait le Mut’â » 

Rouawata Ibn Zoubair : « Abu Bakr et ‘Umar l’ont interdit. » 

I.A. : « Qu’est-ce que raconte Ourayata89[89] ? » 

R.I.Z. : « Abu Bakr et ‘Umar avaient interdit cela. » 

I.A. : « Je vois que les gens qui disent que Abu Bakr et ‘Umar ont dit vont être 

maudits ; moi je dis que le Prophète a dit et eux ils disent que Abu Bakr et ‘Umar ont dit. » 

Dans le Jami’u Bayanul Ilmi Wa Fadlihi, l’Imam Ibn Abdul Bar’r rapporte les mêmes témoignages que l’Imam Hanbal. 

  - Dans ses Sahih (Tome I, page 157) Tirmizi rapporte qu’un jour on questionna Abdullah Ibn ‘Umar (fils du 2ième Calife) à propos du Mut’â du pèlerinage. Il répondit que c’est autorisé et on lui fit entendre que son père l’avait interdit. Il rétorqua : « Si mon père l’interdit et que le Prophète (P) l’a pratiqué, qu’est-ce qu’on fait ? Ce que mon père a dit ou ce que le Prophète (P) a fait ? ». Il reçut pour réponse : « On suit le Prophète ». Le débat était ainsi clos par cette argumentation pleine de tact et de vérité. 

                                                            

89[89] Le sobriquet de Ourayata fut spontanément collé par Ibn Abbas à son interlocuteur pour mieux caractériser tout le ridicule qui se dégageait de ses propos.

L’on peut tout de même s’étonner par delà tout ce qui vient d’être dit sur l’interdiction des deux Mut’â par ‘Umar car si le Mut’â des femmes reste interdit pour certains, ce n’est pas le cas du Mut’â du Hajj qu’ils continuent de pratiquer conformément à la tradition prophétique. 



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